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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_393/2023  
 
 
Arrêt du 30 mai 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Haag et Müller, 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
Commune des Breuleux, 
Administration communale, rue des Esserts 2, 2345 Les Breuleux, 
représentée par Me David Erard, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Département de l'environnement du canton du Jura, rue des Moulins 2, 2800 Delémont. 
 
Objet 
Triage forestier, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Jura, Cour administrative, du 6 juin 2023 
(ADM 217 / 2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par courrier du 18 septembre 2019, la commune des Breuleux a dénoncé la convention de triage forestier "Franches-Montagnes Ouest", avec effet au 1 er janvier 2020, tout comme la commune de La Chaux-des-Breuleux. Une solution transitoire a été trouvée dans laquelle les deux communes ont confié la gestion de leur patrimoine forestier à la société Valforêt SA, le temps qu'elles constituent un nouveau triage forestier dénommé "Nord de la Montagne du Droit" et rédigent une convention de triage.  
Par décision du 4 juillet 2022, le Département de l'environnement du canton du Jura (ci-après: le Département) a refusé l'approbation du nouveau triage forestier "Nord de la Montagne du Droit". Il a constaté que les communes des Breuleux et de La Chaux-des-Breuleux ne font pas partie d'un triage forestier et que, par conséquent elles ne respectent pas les obligations imposées par la législation forestière; il a informé les communes susmentionnées que l'octroi de subventions ou de crédits d'investissement est subordonné au respect des obligations imposées par la législation forestière, les autres conditions d'octroi étant réservées pour le surplus. 
Par décision sur opposition du 11 novembre 2022, le Département a confirmé le refus de l'approbation et a rejeté l'opposition des communes concernées. 
Les communes des Breuleux et de La Chaux-des-Breuleux ont fusionné le 1 er janvier 2023 et forment la nouvelle commune des Breuleux.  
 
B.  
Par arrêt du 6 juin 2023, la Cour administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours déposé contre la décision du 11 novembre 2022. 
 
C.  
Agissant par la voie du "recours de droit public", la commune des Breuleux demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 6 juin 2023 et de renvoyer la cause au Département ou au Tribunal cantonal pour nouvelle décision au sens des considérants. Elle conclut subsidiairement à l'approbation du triage forestier "Nord de la Montagne du Droit" ou à ce qu'il soit donné l'ordre au Département de l'approuver. 
Le Tribunal cantonal et le Département concluent au rejet du recours. La recourante réplique. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. L'intitulé inexact du recours ne prête pas à conséquence (ATF 134 III 379 consid. 1.2). 
 
1.1. La commune fonde sa qualité pour recourir sur l'art. 89 al. 1 LTF.  
 
1.1.1. Aux termes de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.  
Selon la jurisprudence, une collectivité publique peut fonder son recours sur cette disposition dans deux situations: lorsqu'elle est atteinte de la même manière qu'un particulier dans sa situation juridique ou matérielle (notamment s'il s'agit de sauvegarder son patrimoine administratif ou financier), ou lorsqu'elle est touchée dans ses prérogatives de puissance publique ("in ihren hoheitlichen Befugnissen berührt") et dispose d'un intérêt public propre digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'acte attaqué (cf. ATF 141 II 161 consid. 2.1; 140 I 90 consid. 1.2.2 et les références citées). Tel est le cas lorsqu'un acte de puissance publique concerne des intérêts publics essentiels dans un domaine qui relève de la compétence de l'autorité (ATF 137 IV 269 consid. 1.4; 136 II 383 consid. 2.4). 
 
1.1.2. En l'occurrence, la commune est propriétaire de forêts sises dans le triage forestier litigieux, dont l'arrêt attaqué confirme le refus d'approbation. L'arrêt attaqué confirme aussi que la commune ne fait pas partie d'un triage forestier et que par conséquent elle ne respecte pas les obligations imposées par la législation forestière. La commune est ainsi touchée de manière essentielle dans ses prérogatives de puissance publique et dispose d'un intérêt public propre digne de protection à l'annulation de l'acte attaqué. La qualité pour recourir fondée sur l'art. 89 al. 1 LTF peut lui être reconnue.  
 
1.2. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public sont réunies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.  
 
2.  
Dans sa réplique, la recourante a produit un courriel de la commune de Clos du Doubs du 24 août 2023. A teneur de l'art. 99 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Ce courriel est postérieur au prononcé de l'arrêt attaqué. Il s'agit donc d'un vrai novum, qui échappe à la cognition du Tribunal fédéral. Il n'en sera par conséquent pas tenu compte. 
 
3.  
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, la commune des Breuleux se plaint d'une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), au motif que son argument relatif à l'urgence climatique n'aurait pas été traité. 
 
3.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour y répondre, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 148 III 30 consid. 3.1 et les arrêts cités).  
 
3.2. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que la décision litigieuse ne se référait pas directement à l'urgence climatique, celle-ci n'étant pas une notion juridique et n'étant définie dans aucune loi. Elle a encore précisé que dans la mesure où la recourante invoquait l'urgence climatique pour demander une révision de la loi cantonale sur les forêts, ce grief n'était pas décisif pour l'issue du litige circonscrit à la décision refusant l'approbation des statuts du triage forestier.  
La recourante fait valoir que ce n'était pas pour demander une révision de la LFor/JU que l'urgence climatique avait été invoquée mais pour refuser l'application de la LFor/JU dans le cadre de l'approbation du triage litigieux. La recourante n'expose cependant pas en quoi la LFor/JU contreviendrait à l'urgence climatique. Dans ces circonstances, la motivation de la cour cantonale est suffisante, sous l'angle du droit d'être entendu. Elle a d'ailleurs permis à la recourante de comprendre pourquoi son grief était rejeté et de l'attaquer en toute connaissance de cause. Mal fondé, le grief de violation de l'obligation de motiver doit être écarté. 
 
4.  
Dans un second grief d'ordre formel, la recourante reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir donné suite à ses réquisitions de preuve (audition de deux collaborateurs de l'Office cantonal de l'environnement; requête d'informations complémentaires sur le contrat du garde forestier engagé par la commune de Clos du Doubs). 
 
4.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1; 145 I 167 consid. 4.1). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le refus d'une mesure probatoire par appréciation anticipée des preuves ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 144 II 427 consid. 3.1.3).  
 
4.2. La recourante avait sollicité l'audition de deux collaborateurs de l'Office cantonal de l'environnement, afin de prouver l'existence de la promesse faite par le Département de soumettre au parlement jurassien une première lecture de la révision de la LFor/JU. Elle avait fait valoir que le comportement du Département qui consistait à promettre une révision de la LFor/JU (incitant en cela la recourante à consolider et poursuivre le système de gestion forestière mis en place avec Valforêt SA) puis à ne pas mettre en oeuvre cette révision et à reprocher à la recourante de ne pas respecter cette loi contrevenait au principe de la bonne foi.  
La cour cantonale a considéré à cet égard que la recourante devait se rendre compte qu'elle ne pouvait se fonder sur une loi future dont le contenu est encore inconnu pour justifier de ne pas respecter les dispositions légales en vigueur; en tant qu'autorité communale, la recourante ne pouvait ignorer ni le processus d'adoption des lois, ni le fait que les dispositions légales en vigueur trouvent application jusqu'à ce qu'elles soient abrogées ou modifiées. Le Tribunal cantonal a donc jugé que le témoignage d'une collaboratrice de l'Office cantonal de l'environnement (et implicitement d'un autre collaborateur de cet office) n'était pas de nature à modifier son appréciation du dossier car les conditions de la bonne foi n'étaient manifestement pas remplies. 
Dans ces circonstances, procédant à une appréciation anticipée des preuves, l'instance précédente pouvait, sans arbitraire et sans violer le droit d'être entendu de la recourante, renoncer à auditionner les deux collaborateurs de l'Office cantonal de l'environnement. La recourante ne démontre en effet pas en quoi le fait qu'une révision de la LFor/JU est envisagée serait susceptible d'avoir une influence sur l'issue du litige, lequel consiste en la décision de non-approbation du nouveau triage forestier "Nord de la Montagne du Droit" en application de la loi actuellement en vigueur. 
 
4.3. La recourante a aussi requis la production d'informations complémentaires en lien avec le contrat du garde forestier engagé par la commune de Clos du Doubs car l'instance précédente a retenu que l'on ignorait tout des conditions dans lesquelles ce contrat avait été conclu. Cet élément n'est toutefois pas susceptible d'avoir une incidence sur l'issue de la contestation dans la mesure où le seul fait que le contrat susmentionné est de durée déterminée suffit à rejeter le grief d'inégalité de traitement (voir infra consid. 6.2).  
Mal fondé, le grief de violation du droit d'être entendu doit être écarté. 
 
5.  
La recourante se prévaut d'une application arbitraire des art. 56 et 57 de la loi jurassienne du 20 mai 1998 sur les forêts (LFor/JU; RS/JU 921.11) et de l'art. 41 de l'ordonnance cantonale sur les forêts du 4 juillet 2000 (RS/JU 921.111.1). 
 
5.1. Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - même préférable - paraît possible (ATF 148 I 145 consid. 6.1; 147 I 241 consid. 6.2.1).  
Par ailleurs, une exigence de motivation accrue prévaut pour la violation des droits constitutionnels tels que la prohibition de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Selon le principe d'allégation, la partie recourante doit expliquer de façon circonstanciée en quoi consiste la violation, respectivement où réside l'arbitraire (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 145 II 32 consid. 5.1; 134 II 244 consid. 2.2). 
 
5.2. Selon l'art. 51 de la loi fédérale sur les forêts (LFo; RS 921.0), les cantons veillent à ce que le service forestier soit organisé de façon judicieuse (al. 1). Ils divisent leur territoire en arrondissements forestiers et en triages forestiers. Les arrondissements forestiers et les triages forestiers sont dirigés par des spécialistes forestiers au bénéfice d'une formation supérieure et d'une expérience pratique (al. 2). Les exigences posées à l'organisation forestière cantonale consistent en des notions juridiques indéterminées (p. ex. "service forestier", "expérience pratique") et accordent aux cantons un pouvoir d'appréciation dans l'application du droit ("organisation adéquate"). Cela ouvre une marge de manoeuvre considérable en matière décisionnelle. Cette marge de manoeuvre tient compte de la diversité des situations dans les cantons. Dans les faits, cela signifie que la manière dont un canton s'organise est "laissée à sa discrétion" (ALOIS KEEL, Commentaire de la LFo, 2022, N 33 ad art. 51).  
Dans le canton du Jura, l'art. 53 al. 1 LFor/JU prévoit que le territoire cantonal est divisé en arrondissements forestiers rattachés à l'Office de l'environnement. Les arrondissements forestiers sont divisés en triages, conformément à l'art. 56 LFor/JU. Selon l'art. 56 al. 3 LFor/JU, chaque triage est dirigé par au moins un garde forestier dont le poste correspond à une occupation à plein temps et dont les conditions d'engagement sont analogues à celles du personnel de l'Etat. En cas de refus d'une commune ou d'une communauté forestière d'adhérer à un triage, le Département prend les mesures qui s'imposent. Il peut notamment ordonner la création d'un triage ou l'adhésion à un triage existant avec l'accord de celui-ci (art. 56 al. 6 LFor/JU). 
L'art. 57 LFor/JU énumère les tâches du garde forestier, lesquelles sont notamment les suivantes: direction et exécution de travaux forestiers confiés par le propriétaire; coordination de l'activité des propriétaires forestiers; collaboration à l'aménagement forestier; martelage des coupes dans les forêts privées et dans les forêts publiques par délégation de l'ingénieur forestier compétent selon l'art. 41 al. 1 et 2; vulgarisation forestière; collaboration à l'exercice de la police forestière; récolte de données statistiques 
A teneur de l'art. 41 let. b de l'ordonnance cantonale sur les forêts, la commission de triage a les attributions suivantes: a) coordonner et surveiller les activités du garde forestier et du personnel du triage; b) nommer le garde forestier de triage et fixer son traitement; c) engager du personnel, dans la limite des moyens financiers mis à sa disposition par les partenaires; d) établir le règlement de service du garde forestier de triage et le cahier des charges du personnel; le règlement de service du garde forestier est soumis à l'Office de l'environnement pour ratification; e) acquérir les équipements nécessaires au fonctionnement du triage, dans la limite des moyens financiers mis à sa disposition par les partenaires; f) examiner et approuver le budget du triage, ainsi que les comptes de celui-ci; g) traiter les différends qui opposent les propriétaires et le public au garde forestier ou à d'autres membres du personnel du triage; h) assumer les autres tâches qui lui sont déléguées par les partenaires. 
 
5.3. En l'espèce, l'art. 17 de la convention relative au triage forestier "Nord de la Montagne et Droit" prévoit que "le contrat de travail du garde forestier est établi par le Conseil de surveillance du Triage en concertation avec l'entreprise à laquelle le Triage a délégué ses tâches de gestion de personnel ( payrolling) ".  
La cour cantonale a considéré qu'il n'était pas possible de prévoir l'engagement d'un garde forestier par l'entreprise à laquelle le triage a délégué ses tâches de gestion de personnel, faute de base légale idoine. Elle a notamment relevé qu'aucune base légale ne permettait à la commission de triage de déléguer ses tâches à des tiers, notamment à des sociétés privées (cf. art. 41 de l'ordonnance sur les forêts); cette dernière disposition ne permettait pas à la commission de triage de déléguer ou de sous-traiter ses responsabilités en matière de personnel. 
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir considéré que l'art. 41 de l'ordonnance cantonale sur les forêts ne permettait pas de déléguer l'engagement du garde forestier à un tiers, alors que cet article ne l'exclut pas expressément. Elle fait valoir que cet article ne fait pas obstacle à la délégation de certaines attributions de la commission de triage à des tiers. 
Ces critiques ne sont toutefois pas de nature à démontrer le caractère manifestement insoutenable de l'argumentation du Tribunal cantonal. En effet, la LFor/JU ne précise pas si le garde forestier doit être engagé par le triage lui-même ou si le triage peut externaliser cette fonction. L'art. 41 de l'ordonnance sur les forêts énumère les attributions de la commission de triage dont la nomination du garde forestier et la fixation de son traitement. Dans ces conditions, la recourante ne démontre pas en quoi il serait arbitraire de considérer que la convention de triage ne peut pas déléguer à des tiers les tâches et attributions que l'ordonnance sur les forêts confie à la commission de triage. Il n'est pas insoutenable de juger qu'il faut une base légale expresse pour permettre la délégation des tâches de gestion du personnel par la commission de triage à une entreprise. La délégation de tâches publiques à un organisme extérieur doit en effet reposer sur une base légale (MOOR/BELLANGER/TANQUEREL, Droit administratif vol. III, 2018, p. 210 s.; HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8e éd., 2020, N 1817). 
Dans ces conditions, la solution retenue par l'instance précédente ne paraît pas insoutenable. Le grief doit par conséquent être écarté. 
 
5.4. La recourante fait aussi grief au Tribunal cantonal d'avoir retenu que l'art. 56 al. 3 LFor/JU ne permettait pas d'engager un seul garde forestier à un taux de 50 %.  
 
5.4.1. Alors que le texte de l'art. 56 al. 3 LFor/JU prévoit que chaque triage est dirigé par au moins un garde forestier dont le poste correspond à une occupation à plein temps, le Tribunal cantonal s'est fondé sur les débats en commissions pour arriver à la conclusion que le législateur avait voulu permettre de partager un poste à plein temps entre deux personnes (procès-verbal de la séance du 31 octobre 1997 p. 4). S'agissant du taux d'occupation, la cour cantonale a considéré que les débats en commission ne permettaient pas d'accepter des arrondissements forestiers avec un poste à 50% uniquement; le législateur jurassien avait fait le choix d'avoir des triages forestiers d'une certaine dimension vraisemblablement en vue d'optimiser la gestion des arrondissement forestiers eu égard aux compétences requises; en effet, l'art. 51 LFo implique au niveau de l'organisation cantonale une spécialisation des tâches forestières qui a entraîné la création d'arrondissements forestiers nettement plus grands et le développement du service forestier central (KEEL, op. cit. no 49 ad art. 51); dans ces conditions, on ne saurait reprocher au législateur cantonal d'avoir fait le choix de triages forestiers d'une certaine taille nécessitant l'engagement d'un garde forestier dont le poste correspondait à un équivalent plein temps; sur le plan juridique, ce choix ne portait pas flanc à la critique et devait être respecté.  
 
5.4.2. La recourante prétend au contraire que si le législateur avait voulu des triages forestiers d'importance, il aurait expressément défini une surface minimale dans la loi. Elle relève qu'il n'a jamais été question de refuser le triage forestier "Nord de la Montagne du Droit" parce qu'il serait trop petit. Elle affirme qu'une interprétation téléologique de la norme l'art. 56 al. 3 LFor/JU permettrait l'occupation d'un garde forestier à temps partiel, l'essentiel étant qu'il soit à même de remplir sa mission tendant à faciliter la collaboration entre les propriétaires de forêts et à les conseiller dans leur tâche de gestion, dans le cadre de l'objectif plus général de conservation et protection des forêts. La recourante soutient qu'au vu de la grandeur du triage litigieux, un taux d'occupation de 50 % apparaît largement suffisant et respecte les exigences de l'art. 56 LFor/JU.  
Cette argumentation ne suffit cependant pas à démontrer le caractère manifestement insoutenable de celle du Tribunal cantonal qui se fonde sur le texte clair de la loi cantonale. La recourante se contente en effet de substituer son appréciation à celle de la cour cantonale, ce qui ne rend pas déraisonnable l'argumentation de l'instance précédente. 
Dans ces conditions, au vu des éléments exposés ci-dessus et compte tenu de la retenue que s'impose le Tribunal fédéral en matière d'appréciation des circonstances locales (cf. ATF 142 I 162 consid. 3.2.2; 132 II 408 consid. 4.3), il n'y a pas lieu de s'écarter de l'interprétation littérale de la loi par la cour cantonale qui n'apparaît en tout état de cause pas insoutenable. Le Tribunal cantonal pouvait ainsi considérer sans arbitraire que seul un poste de garde forestier avec une occupation à plein temps (avec la possibilité que plusieurs personnes occupent ce poste) devait être prévu. 
 
6.  
La recourante fait valoir une violation du principe de l'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.). 
 
6.1. Selon l'art. 8 Cst., tous les êtres humains sont égaux devant la loi (al. 1). Une décision viole le principe de l'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 144 I 113 consid. 5.1.1; 142 V 316 consid. 6.1.1). Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (ATF 130 I 65 consid. 3.6).  
 
6.2. La recourante prétend que dès lors que le Département avait autorisé le triage forestier "Clos du Doubs-Soubey" à déléguer à un tiers l'engagement du garde forestier et à un taux inférieur à 100%, il devait en aller de même du triage forestier litigieux.  
A cet égard, la cour cantonale a jugé que le contrat était conclu pour une durée déterminée de 6 mois uniquement, de telle sorte qu'il ne permettait de tirer aucune conclusion, en particulier pas celle que le Département n'aurait pas la volonté, en l'état, de respecter les dispositions légales, notamment l'art. 41 de l'ordonnance précitée. 
 
6.3. S'agissant de l'engagement du garde forestier, l'art. 11 al. 1 et 2 de la convention relative au triage forestier Clos du Doubs - Soubey prévoit que le garde forestier est engagé et employé par la commune de Clos du Doubs et que son contrat de travail est établi conformément à l'art. 56 al. 3 LFor/JU. Or la commune de Clos du Doubs est le membre le plus important du triage en terme de quotité d'exploitation et de surface propre de forêt (cf. art. 10 al. 2 let. c de la convention). La situation est donc différente de celle du triage "Nord de la Montagne du Droit" dans lequel l'art. 9 de la convention litigieuse prévoit que le recrutement du personnel qualifié peut être délégué à des tiers qui n'ont pas l'obligation de faire partie du triage.  
De surcroît, la situation du présent triage se distingue de celle du triage du Clos du Doubs car le contrat du garde forestier a été conclu pour une durée déterminée de six mois. 
Par conséquent, les circonstances sont différentes, ce qui justifie de traiter ces conventions de manière différente. Cette différenciation repose sur une circonstance de fait décisive, de sorte que le grief de violation de l'égalité de traitement doit être rejeté. 
 
7.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté. 
Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il n'est pas perçu de frais judiciaires. Il n'est pas non plus alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département de l'environnement et au Tribunal cantonal du canton du Jura (Cour administrative). 
 
 
Lausanne, le 30 mai 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
La Greffière : Tornay Schaller