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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1015/2023  
 
 
Arrêt du 28 juin 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Muschietti et van de Graaf. 
Greffier : M. Barraz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Yvan Jeanneret, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
2. B.________, 
représentée par Me Jacques-Alain Bron, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Lésions corporelles graves par négligence (arbitraire), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 15 juin 2023 
(P/7073/2019 AARP/216/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 10 octobre 2022, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a acquitté A.________ du chef de prévention de lésions corporelles graves par négligence. 
 
B.  
Par arrêt du 15 juin 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a admis l'appel de B.________. Elle a réformé le jugement précédent en reconnaissant A.________ coupable de lésions corporelles graves par négligence et en le condamnant à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 100 fr. le jour, avec sursis pendant trois ans. 
En substance, elle a statué sur la base des faits suivants: 
 
B.a. Un accident de la circulation est survenu le vendredi 15 février 2019 à 13h32 entre le camion poids-lourd conduit par A.________ et la piétonne B.________ à l'intersection entre le chemin de U.________ et le chemin de V.________, sur la commune de W.________.  
Selon le rapport du 17 avril 2019, à l'arrivée de la police, B.________, grièvement blessée, était prise en charge par les ambulanciers. Le camion se trouvait à son point d'arrêt après le heurt. Aucune trace de freinage ou de ripage n'était visible sur la chaussée. 
 
B.b. À teneur des constats, clichés et croquis des lieux effectués par la police, le camion, qui circulait sur le chemin de V.________, a obliqué à gauche, à l'intersection avec le chemin de U.________. Avant ce croisement se trouve un STOP, dont le marquage au sol est précédé, à six mètres environ, d'un passage pour piétons. Le long du chemin de V.________ se trouvent, sur la droite dans le sens de la marche du camion, une place piétonne avec plusieurs commerces qui est au même niveau que la chaussée et, sur la gauche, une bande longitudinale pour piétons avec marquage au sol.  
Un premier point de choc entre l'avant du camion et B.________ a été marqué au niveau de la ligne de STOP, puis un second point de choc quelques mètres plus loin. Ce deuxième choc a fait chuter B.________ sur la gauche du véhicule, lequel lui a roulé sur la jambe. Au niveau du STOP, la visibilité depuis la cabine du conducteur du camion est bonne sur le trottoir qui borde la chaussée, à droite. L'engin conduit par A.________ était équipé d'un antéviseur (dispositif situé à l'avant de la cabine pour voir les premiers mètres devant le véhicule qui sont cachés par la hauteur du camion). Selon les clichés pris par la police et les déclarations du conducteur, cet antéviseur permet une bonne visibilité sur l'avant-droit du camion mais présente un angle mort vers l'avant-gauche. 
 
B.c. À teneur des documents médicaux produits, B.________, née en 1943, a été transférée aux Hôpitaux Universitaires de Genève, alors que son pied gauche avait été sectionné au-dessus de la cheville et un garrot posé. Elle a subi une opération consistant à l'amputation à la hauteur de la mi-jambe le 15 février 2019, ainsi qu'un complément d'amputation le 19 février 2019. Elle a été transférée le 26 février 2019 en vue de sa rééducation et de la pose d'un appareillage et a pu regagner son domicile le 5 avril 2019 avec une prothèse.  
 
B.d. A.________, ressortissant suisse, est né en 1961. Il est marié et n'a pas d'enfant à charge. Il exerce en qualité de chauffeur poids-lourd pour un salaire mensuel net de 4'480 fr. 75 et perçoit en outre une rente de la SUVA de 1'162 fr. 65 par mois. Son épouse exerce une activité lucrative. Il déclare payer un loyer de 1'000 fr. pour son logement et sa prime d'assurance-maladie se monte à 535 fr. 20. L'extrait de son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.  
 
C.  
 
C.a. A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 15 juin 2023. Avec suite de frais, indemnités et dépens, il conclut principalement à la réforme de l'arrêt attaqué dans le sens de son acquittement, subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève afin qu'elle statue dans le sens des considérants.  
 
C.b. Invités à déposer des observations sur le recours, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève s'est référée aux considérants de l'arrêt attaqué, tout comme le Ministère public de la République et canton de Genève, qui a en outre conclu à son rejet. Quant à B.________, elle a conclu au rejet du recours et a sollicité l'octroi de l'assistance judiciaire. A.________ a renoncé à répliquer.  
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
À plusieurs titres, le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir établi les faits de manière arbitraire. Dans ce contexte, il invoque également la violation du principe in dubio pro reo.  
 
1.1.  
 
1.1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).  
 
1.1.2. La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II (RS 0.103.2) et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1).  
 
1.2. Dans un premier grief, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir considéré que l'intimée a traversé la chaussée alors qu'il se trouvait à l'arrêt sur la ligne de STOP. Selon lui, deux des trois témoins entendus dans le cadre de la procédure auraient au contraire déclaré que son véhicule était déjà en mouvement lorsque l'intimée a commencé à traverser la chaussée. Toujours selon le recourant, la cour cantonale aurait à tout le moins dû expliciter pourquoi elle avait retenu la version des faits qui est la sienne, ce qu'elle n'aurait pas fait.  
Il peut être donné acte au recourant que la cour cantonale n'a aucunement expliqué pourquoi elle entendait finalement retenir que le camion n'était pas en mouvement lorsque l'intimée a commencé à traverser la chaussée. Tout au plus a-t-elle analysé en quoi la version de l'intimée - encore différente des deux variantes exposées supra - ne pouvait être retenue. Dans ce contexte, elle a brièvement fait référence aux déclarations supposément concordantes des trois témoins pour parvenir à la conclusion susmentionnée, sans autres explications (arrêt attaqué consid. 3.2.1). Pourtant, comme le relève le recourant, deux des trois témoins ont indiqué lors de leurs auditions que l'intimée s'est engagée sur la chaussée alors que le camion conduit par le recourant était déjà en mouvement (procès-verbal de l'audition de C.________ du 22 mars 2019: " Lorsque les pneus ont commencé à tourner, la piétonne a surgit de nulle part devant le camion "; procès-verbal de l'audition de D.________ du 4 mars 2019: " Il a démarré très lentement et il a eu une vitesse très lente tout le long. J'ai vraiment eu l'impression que c'était du slow-motion. J'ai commencé à voir la piétonne quand elle avait traversé environ un tiers du camion [...]; procès-verbal de l'audition de C.________ du 26 novembre 2019: " Le camion était déjà engagé lorsque nous avons vu la piétonne. Nous nous sommes demandés pourquoi elle traversait alors que le camion était déjà en mouvement "; procès-verbal de l'audition de D.________ du 26 novembre 2019: " Je suis sûr que lorsque la piétonne a traversé le camion était déjà en mouvement "). Quant au troisième témoin, il a livré une version concordante à celle retenue par la cour cantonale (procès-verbal de l'audition de E.________ du 4 mars 2019: " Cette dame a traversé au nez du camion, sur la bande du STOP, quand, arrivée aux 2 tiers du camion, celui-ci a démarré du STOP et a renversé la dame avec sa partie avant gauche "; procès-verbal de l'audition de E.________ du 26 novembre 2019: " Lorsqu'elle s'est engagée, le camion était toujours à l'arrêt ").  
Sans préjuger du fait que la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire, il y a lieu de constater avec le recourant qu'elle ne pouvait faire l'économie d'expliquer pourquoi elle entendait retenir la version de l'un des témoins au détriment de celle des autres, d'autant plus que tous les témoins jouissaient d'une " bonne visibilité des lieux " au moment des faits (arrêt attaqué consid. 3.2.1) et que leur crédibilité n'a été remise en doute d'aucune manière que ce soit (bien au contraire, la cour cantonale a résumé les déclarations de C.________ et de D.________ au moment de relater les faits pertinents, relevant notamment que, selon ces derniers, le camion du recourant était déjà en mouvement lorsque l'intimée a traversé la chaussée; v. arrêt attaqué consid. B.c.a et B.c.b).  
Ainsi, l'arrêt attaqué est contradictoire et ne permet pas de déterminer si les faits tels qu'arrêtés par la cour cantonale résultent d'une appréciation arbitraire des moyens de preuve à disposition. Il convient dès lors d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision (art. 112 al. 3 LTF). 
 
1.3. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir considéré que la configuration des lieux était particulière et qu'à l'heure à laquelle s'était déroulé l'accident, un jour de semaine, il n'était pas complètement imprévisible qu'un piéton soit tenté de traverser en plein milieu du carrefour, ce qui appelait un devoir de prudence accrue de la part des usagers de la route. Selon lui, ce fait ne serait mentionné dans aucune des pièces du dossier et la cour cantonale n'aurait pas expliqué sur quoi elle se fondait pour acquérir une telle conviction.  
S'agissant tout d'abord de la configuration des lieux, elle a été précisément décrite par la cour cantonale. Ainsi, à la rigueur de l'état de fait cantonal, l'accident a eu lieu le 15 février 2019 à 13h32, à l'intersection entre le chemin de U.________ et le chemin de V.________ (arrêt attaqué consid. B.a.a). L'intersection en question, en particulier le chemin de V.________ duquel provenait le camion du recourant, est bordée d'une place piétonne avec plusieurs commerces (soit notamment la banque d'où venait l'intimée) et d'une bande longitudinale pour piétons avec marquage au sol (arrêt attaqué consid. B.a.b, B.b, B.c.a). Elle est précédée de plusieurs passages piétons ( ibidem). Cette description des lieux ressort par ailleurs des nombreuses pièces figurant au dossier (v. notamment les croquis du 19 mars 2019 et le dossier photographique du 28 mai 2019). On ne voit dès lors pas en quoi cette description serait le fruit d'un établissement arbitraire des faits.  
Quant à l'affirmation de la cour cantonale selon laquelle il n'était pas complètement imprévisible qu'un piéton soit tenté de traverser en plein milieu du carrefour, elle résulte justement de la configuration des lieux susmentionnée et n'apparaît pas arbitraire. La présence de plusieurs commerces, notoirement fréquentés durant la pause de midi, mais également les nombreuses installations piétonnes, sont tant d'éléments propres à rendre vraisemblable la présence de piétons, comme l'a retenu la cour cantonale. N'en déplaise au recourant, le seul fait que l'accident soit survenu dans un village résidentiel, " loin du centre-ville ", n'impliquait pas encore que la présence de piétons était exclue ou extraordinaire.  
Il résulte de ce qui précède que les éléments soulevés par la cour cantonale, soit concrètement la configuration des lieux et la présence prévisible de piétons, ressortent du dossier, respectivement sont le fruit de l'expérience générale de la vie, et ont fait l'objet d'explications circonstanciées. Le recourant ne saurait dès lors faire grief à la cour cantonale d'avoir procédé de manière arbitraire. 
S'agissant finalement du devoir de prudence accrue résultant de ces circonstances retenu par la cour cantonale, dont le recourant semble également critiquer le caractère arbitraire, il sied de relever qu'il s'agit d'une question de droit (v. notamment l'art. 3 al. 1 de l'ordonnance du 13 novembre 1964 sur les règles de la circulation routière - OCR; RS 741.11) qui, en tant que telle, échappe à toute critique relative à l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves. 
 
1.4. Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir considéré qu'il aurait admis avoir voué son attention au carrefour et aux autres véhicules en circulation et non aux piétons se trouvant potentiellement autour de son véhicule. Selon lui, il aurait toujours déclaré le contraire, ce qui résulterait également des différents témoignages.  
Il est vrai que le recourant ne semble jamais avoir déclaré ne pas avoir prêté attention aux piétons se trouvant potentiellement autour de son véhicule. La cour cantonale n'a d'ailleurs pas été en mesure de se référer concrètement à l'une ou l'autre de ses déclarations (v. arrêt attaqué consid. 3.2.2). En cela, il peut être donné acte au recourant que l'état de fait cantonal est erroné et qu'il devra être corrigé en ce sens dans le cadre de la procédure de renvoi. 
Pour autant, le recourant ne critique en rien la seconde partie du raisonnement cantonal, selon laquelle lors de son arrêt prolongé au STOP il voyait bien la place piétonne depuis la cabine du camion, y compris la banque d'où venait l'intimée, de sorte que s'il y avait prêté attention, il aurait pu voir la précitée alors qu'elle s'approchait tranquillement de la chaussée puis s'engageait devant son véhicule. Autrement dit, la cour cantonale a considéré qu'il était possible pour le recourant de voir l'intimée, de sorte que le fait qu'il ne l'ait pas vue s'expliquait immanquablement par son manque d'attention (v. arrêt attaqué consid. 3.2.2: " Ainsi, lorsque l'intimé indique n'avoir vu personne, cela sous-entend qu'il a été inattentif à la présence de piétons, laquelle était pourtant très probable [...]"). L'absence ou l'insuffisance d'attention du recourant relevée par la cour cantonale, au demeurant partiellement corroborée par les dires de D.________ (" Durant toute sa manoeuvre, A.________ regardait dans son rétroviseur gauche et était toujours fixé dans la même position "; arrêt attaqué consid. B.c.b) et de C.________ (" Durant sa manoeuvre, le chauffeur prenait son temps et regardait dans son rétroviseur latéral gauche et devant lui, ainsi que sur sa droite à un certain moment "; arrêt attaqué consid. B.c.a), doit dès lors être tenue pour établie (art. 105 al. 1 LTF), à défaut pour le recourant d'en contester la matérialité à l'appui d'un grief dûment motivé tiré d'une violation de l'interdiction de l'arbitraire (art. 106 al. 2 LTF).  
 
1.5. Le recourant reproche encore à la cour cantonale d'avoir considéré que les avertissements donnés par C.________ et D.________ ont commencé dès que les témoins ont vu le camion démarrer. Selon lui, une telle affirmation relative au début des avertissements serait contraire aux déclarations des témoins en question. Dans ce contexte, il conteste également l'appréciation cantonale selon laquelle, eût-il prêté attention aux avertissements précités, il aurait pu arrêter son camion avant le second choc et ainsi, éviter l'accident. Toujours selon lui, seule une expertise dynamique aurait permis de le déterminer, tant les variables demeurent pour l'heure incertaines.  
S'agissant tout d'abord du moment auquel les avertissements ont débuté, il peut être donné acte au recourant que l'état de fait cantonal est contradictoire. Pour cause, après avoir jugé que les avertissements avaient débuté dès le démarrage du camion (arrêt attaqué consid. 3.2.2: "[...] il ressort des déclarations que les avertissements ont commencé dès que les témoins ont vu le camion démarrer [...]"), la cour cantonale a relevé qu'ils avaient débuté durant les quelques secondes qui ont séparé le premier choc - moment auquel le camion avançait forcément déjà et n'était pas en train de démarrer - du second choc ayant renversé l'intimée ( ibidem, étant précisé que cette seconde version apparaît conforme aux déclarations des témoins précités telles que reproduites par le recourant: " J'ai commencé à klaxonner lors de la première hésitation marquée de B.________. Elle était déjà bien engagée devant le camion. Pour moi, soit elle faisait un bon en arrière très rapidement, soit il allait se passer quelque chose de grave [...]"; " À partir du moment où la piétonne était à un tiers engagée devant le pare-chocs, nous avons commencé à klaxonner et à crier, car nous avions compris qu'il allait y avoir un problème "). Cela implique que le laps de temps entre les avertissements et le second choc n'a pas été établi, si ce n'est qu'il a duré tout au plus " quelques secondes " (arrêt attaqué consid. 3.2.2), l'imminence de l'accident transparaissant par ailleurs des déclarations des témoins reproduites supra. Il ne semble en tout état de cause pas exclu que les avertissements aient débuté juste avant le second choc.  
Quant à la distance séparant le premier choc du second, elle est inconnue. Tout au plus la cour cantonale a-t-elle relevé qu'elle était de quelques mètres (arrêt attaqué consid. 3.2.2). 
S'agissant finalement de la vitesse à laquelle circulait le recourant, la cour cantonale a retenu, sans explication, qu'elle était comprise entre 1 et 2 km/h. Si elle n'y a pas fait directement référence, il semble qu'elle ait arrêté cette vitesse sur la base des déclarations des témoins C.________ et D.________ (v. arrêt attaqué consid. B.c.a et B.c.b). Il faut toutefois donner acte au recourant que sa vitesse exacte au moment de l'accident, si elle était indéniablement faible, n'a pas été déterminée avec précision. Pour cause, le témoin E.________, idéalement positionné selon la cour cantonale (arrêt attaqué consid. 3.2.1), a quant à lui déclaré que le recourant circulait à moins de 5 km/h (arrêt attaqué consid. B.c.c), alors que le recourant a toujours admis circuler lentement (arrêt attaqué consid. B.d). 
Ces précisions ne sont toutefois pas sans conséquence à l'aune des circonstances du cas d'espèce, en particulier le temps très court et la distance très faible ayant séparé le premier du second choc. En effet, celui qui circule à 1 km/h parcourt seulement 0.25 m/s alors que celui qui circule à 4 km/h parcourt 1 m/s, de sorte que chaque mètre peut faire la différence. Dans le contexte où il n'a pas été établi avec précision à quel moment les avertissements ont débuté, ce qui implique à son tour que la durée et la distance séparant ce moment du second choc est inconnue, et en tenant compte du fait que la vitesse du recourant n'a été arrêtée qu'approximativement, il apparaît difficile d'arriver à la conclusion selon laquelle le recourant, eût-il prêté attention aux avertissements, aurait pu arrêter son camion de 16 tonnes et de 12 mètres de longueur (arrêt attaqué consid. B.d) à temps pour éviter l'accident, en tenant notamment compte du temps de réaction nécessaire pour ce faire. S'il n'est pas exclu que c'eût été possible, les éléments actuellement à disposition ne permettent pas de l'établir. 
Il convient dès lors d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à la cour cantonale pour qu'elle complète l'état de fait s'agissant de tout ou partie des éléments précités, dans une mesure permettant au Tribunal Fédéral de contrôler le respect de la disposition légale appliquée (art. 112 al. 3 LTF). 
 
2.  
Compte tenu de ce qui précède (cf. supra consid. 1.2, 1.4 et 1.5), il n'est pour l'heure pas possible de se prononcer sur le grief du recourant tiré d'une violation de l'art. 125 CP, de sorte que ce dernier est sans objet.  
 
3.  
Le recours doit être admis, l'arrêt attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Le recourant, qui obtient gain de cause, peut prétendre à des dépens à la charge de la République et canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF) et ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
La demande d'assistance judiciaire de l'intimée doit être admise au vu de sa situation financière. En conséquence, elle est dispensée des frais de procédure et Me Jacques-Alain Bron, désigné en qualité d'avocat d'office (art. 64 al. 2 LTF), est indemnisé. Dans les circonstances d'espèce, il n'y a pas lieu de mettre de dépens à charge de l'intimée. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
La République et canton de Genève versera au recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La demande d'assistance judiciaire de B.________ est admise, Me Jacques-Alain Bron est désigné comme avocat d'office et une indemnité de 1'000 fr., supportée par la caisse du Tribunal fédéral, lui est allouée à titre d'honoraires. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 28 juin 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Barraz