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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1250/2023  
 
 
Arrêt du 25 juin 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Muschietti. 
Greffière : Mme Brun. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Loïc Parein, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
2. B.________ S.A., 
représentée par Me Eric Beaumont, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Tentative d'extorsion et chantage, diffamation; 
indemnité, frais; arbitraire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 12 septembre 2023 (P/7352/2019 AARP/333/23). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 6 avril 2022, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a reconnu A.________ coupable de tentative d'extorsion et de chantage, ainsi que de calomnie et l'a condamné à une peine privative de liberté de huit mois avec sursis de trois ans. 
 
B.  
Par arrêt du 12 septembre 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté l'appel formé par A.________ et a retenu le chef d'accusation de diffamation en lieu et place de la calomnie. La peine privative de liberté a été fixée à sept mois et une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 150 fr. le jour a été prononcée en sus, avec sursis de trois ans. 
La cour cantonale a retenu les faits suivants selon l'acte d'accusation du 8 juin 2021: 
 
B.a. A.________ a été engagé au sein de B.________ S.A. en qualité de " junior portfolio officier and management assistant " dès le 1 er novembre 2013. Outre une rémunération annuelle fixe, le contrat prévoyait que les éventuels bonus dépendaient de la bonne marche des affaires, de sorte qu'ils n'étaient pas garantis (art. 6). Aucune clause concernant une indemnité de départ n'était prévue contractuellement. L'art. 12, relatif au secret professionnel, prévoyait, outre le fait qu'il perdurait après la fin des rapports de travail, que l'employé était tenu de respecter le secret professionnel le plus absolu sur tous les faits et informations parvenant à sa connaissance dans le cadre de son activité et s'engageait à ne faire aucune copie, sur un quelconque support, des données de la société, en particulier des informations sur celle-ci et sa clientèle pour une utilisation autre que celle découlant du contrat de travail, de même qu'à ne pas transférer ou transporter de telles informations hors des locaux de la société. Le 5 octobre 2018, A.________ a été promu au titre de " portfolio manager ", avec effet au 1 er janvier 2018. En 2019, son salaire mensuel brut était de 9'166 fr. 67.  
Au fil des années, A.________ a fait l'objet de diverses évaluations professionnelles, dont il ressort, en substance, qu'il effectuait globalement correctement son travail, sous réserve d'améliorations à apporter, notamment quant à ses horaires d'arrivée le matin, jugées tardives. Il lui était en revanche reproché de manière récurrente de ne pas être suffisamment proactif et dynamique, de n'effectuer certaines tâches qu'après un ou plusieurs rappels, de même que de ne pas communiquer suffisamment avec ses collègues s'agissant du travail et des clients. 
Les certificats de travail intermédiaires établis par B.________ S.A. les 2 janvier 2017 et 4 mars 2019 comportent en particulier le détail des tâches confiées à A.________. Si la qualité de son travail était qualifiée de très satisfaisante et les contacts avec ses collègues et sa hiérarchie de très bons en 2017, ils étaient décrits comme étant satisfaisants et bons en 2019. 
 
B.b. Dès février 2019, principalement pour des raisons économiques, B.________ S.A. a commencé à envisager de licencier A.________ et de le remplacer par C.________, employé engagé en octobre 2018 en qualité de gérant de portefeuille junior et formé, entre autres, par le précité.  
Le 29 mars 2019, lors d'un entretien dans les locaux de la société, D.________, directeur de B.________ S.A., a signifié à A.________ son licenciement et l'a libéré de son obligation de travailler, ses accès informatiques ayant été supprimés. Après avoir restitué les clés des locaux, A.________ les a quittés en emportant une partie de ses effets personnels. Il ne s'est plus présenté au travail par la suite. 
À cette occasion, A.________ a revendiqué le versement d'une indemnité de départ de 250'000 fr. et, après avoir essuyé un refus, il a montré au directeur de la société certains des documents qu'il avait préalablement soustraits, tels que le certificat de salaire du précité, et les attestations de salaires de l'ensemble des employés pour l'année 2018. Il a fait valoir que deux de ses collègues avaient reçu un bonus de 5'000 fr. pour l'année 2018, contrairement à lui qui n'avait rien perçu. Face au refus de D.________ de lui allouer une quelconque indemnité de départ, il a exigé de rencontrer E.________, administrateur-actionnaire de B.________ S.A., pour en discuter. 
 
B.c. Lors de l'entretien du 9 avril 2019 entre A.________, d'une part, et E.________ et D.________, d'autre part, le premier a menacé de dévoiler des informations confidentielles et sensibles, ainsi que de propager des accusations pouvant nuire à la réputation de B.________ S.A. et à la poursuite de son activité, si 150'000 fr. ne lui étaient pas versés, ce qu'il a documenté par une note décrivant les actions qu'il entendait mener, consistant notamment à adresser des courriers anonymes à la totalité des clients de B.________ S.A. pour les informer de l'incompétence de la société, à transmettre les données des clients aux autorités fiscales belges, néerlandaises et espagnoles, à alerter la société intéressée à fusionner avec B.________ S.A. du risque "réputationnel" de cette dernière, à contacter tous les anciens clients de la société pour les inviter à exiger le remboursement des rétro-commissions sur les dix dernières années et à divulguer toutes les données confidentielles des clients sur Internet, avec comme prévision la faillite de B.________ S.A. dans un délai de six à douze mois (" Shutdown - estimated time 6 - 12 months "). Lors de cette même rencontre, A.________ a également remis à E.________ trois contrats simulant la vente de trois montres en exigeant qu'il le signe, afin de lui permettre de justifier faussement le versement des 150'000 fr. réclamés, tout en lui fixant un ultimatum au 16 avril 2019 pour le paiement de cette somme.  
 
B.d. Le 29 avril 2019, alors qu'il avait été licencié et libéré de son obligation de travailler depuis le 29 mars 2019, A.________ a adressé un courrier à F.________, client de B.________ S.A., sur papier à en-tête de ladite société, dans lequel il dénigrait les compétences de ses dirigeants, la qualité des services fournis et son éthique professionnelle, alors qu'il connaissait la fausseté de ses allégations. Le courrier était accompagné de documents confidentiels de B.________ S.A. À réception de ce courrier, F.________ a décidé de mettre un terme au mandat conclu avec ladite société.  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt cantonal du 12 septembre 2023. Il conclut principalement, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu'il est libéré de tout chef d'accusation. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Invoquant l'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves, le recourant conteste sa condamnation pour tentative d'extorsion et de chantage et de diffamation. 
 
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.3). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2).  
 
1.2. La cour cantonale a estimé que le recourant a été formellement licencié le 29 mars 2019 et qu'il n'a pas démissionné de son propre chef le 1 er avril 2019. À l'appui de cette considération, elle a retenu la préparation, deux jours avant la réunion du 29 mars 2019, de la lettre de congé lui étant destinée, le blocage de ses accès informatiques, l'exigence d'emporter ses effets personnels et de restituer les clés des locaux à l'issue de l'entretien. Si elle a admis qu'il ressortait de ses évaluations une note globalement positive, elle a aussi relevé que plusieurs critiques ont été régulièrement émises au fil des années sur la qualité de son travail, de manière à ce qu'on ne puisse pas affirmer qu'il a donné entière satisfaction à son employeur jusqu'à son départ (tâches effectuées avec du retard après plusieurs rappels, défaut de communication avec ses collègues, manque de dynamise et de proactivité).  
La cour cantonale a également considéré qu'aucun élément au dossier n'attestait de la promesse du paiement d'une prime, laquelle ne ressortait d'ailleurs pas du contrat de travail ou de pourparlers. Le montant de cette prime a été fixé unilatéralement par le recourant qui a fourni des explications évolutives en cours de procédure pour justifier le montant de 150'000 fr. réclamé. 
Quant à la menace de divulgation de certaines informations confidentielles en lien avec l'intimée, la cour cantonale a jugé que les déclarations de D.________ étaient crédibles et corroborées par les éléments matériels du dossier, soit la découverte d'un classeur contenant des informations confidentielles dans le bureau du recourant et l'envoi d'une clé USB contenant des informations de l'intimée à E.________ en annexe à son courrier du 1 er avril 2019.  
La relation entre l'absence de divulgation de certaines informations avec le paiement de l'indemnité réclamée est au demeurant avérée. En effet, le recourant a indiqué que, lorsque D.________ a refusé d'entrer en matière sur celle-ci, il lui a rappelé " ses agissements au sein de la société qu'il avait mis en place ". Interpellé à ce sujet en appel, le recourant a précisé que ces propos se rapportaient au mécanisme de tricherie à l'égard des clients, aux fausses performances et aux démarchages transfrontaliers. La cour cantonale a ajouté que le recourant était, sans aucun doute, l'auteur de la note comportant dix points remise à E.________ lors de la rencontre du 9 avril 2019, à l'instar des trois contrats portant sur la vente de montres qu'il a reconnu avoir établis pour justifier le paiement de l'indemnité réclamée. Ces éléments sont corroborés par les empreintes papillaires du recourant retrouvées sur deux des trois contrats de vente, ainsi que sur le verso de la note litigieuse.  
S'agissant du courrier du 29 avril 2019 adressé à F.________, la cour cantonale a considéré que le recourant en était bien l'auteur. À cet égard, elle a retenu que cette lettre se présentait sous la même forme que celle, également non signée, que le recourant reconnaît avoir adressée le 1 er avril 2019 à E.________ à son adresse professionnelle et que son contenu reprenait en substance les mêmes arguments. Elle a jugé que, d'un point de vue chronologique, ce courrier avait été adressé au client après l'expiration de l'ultimatum fixé au 16 avril 2019 par le recourant pour le versement de l'indemnité réclamée en cas de défaut de paiement selon la note remise le 9 avril 2019 à E.________. En tout état de cause, elle a jugé qu'une éventuelle connivence entre le client et l'intimée ne résistait pas à la critique car on peinait à comprendre l'intérêt de ce dernier en l'absence de litige l'opposant au recourant.  
Le raisonnement de la cour cantonale ne prête pas flanc à la critique lorsqu'elle considère que le recourant a menacé, à dessein, l'intimée de divulguer des informations confidentielles et de procéder à des démarches afin de lui nuire économiquement et réputationnellement. Il en va de même lorsqu'elle estime que le recourant a sciemment accusé l'intimée, auprès de l'un de ses clients, d'avoir adopté des comportements pénalement répréhensibles, soit une conduite contraire à l'honneur, et ce, à la seule fin de dire du mal à son égard, mettant ainsi ses menaces à exécution, faute d'avoir obtenu le versement de l'indemnité réclamée. 
En tant que le recourant se borne à affirmer que la cour cantonale n'a pas pris en compte, sans aucune raison sérieuse, plusieurs éléments de preuve propres à modifier radicalement la décision, qu'elle s'est manifestement trompée sur le sens et la portée des preuves appréciées et s'est fondée sur les éléments recueillis en tirant des conclusions insoutenables - à savoir qu'il n'a pas donné satisfaction à son employeur jusqu'à son départ, qu'il a été formellement licencié le 29 mars 2019, que l'intimée n'a jamais eu l'intention de lui verser un bonus, qu'il a menacé celle-ci de la discréditer auprès de ses clients en divulguant des informations personnelles la concernant, que la mise en relation de l'absence de divulgation de certaines informations avec le paiement de l'indemnité réclamée est avérée et qu'il est l'auteur de la note comportant dix points - il oppose sa propre appréciation des événements à celle de la cour cantonale dans une démarche purement appellatoire. Il ne formule aucun grief recevable. 
Au vu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en tenant les faits dénoncés par l'intimée pour établis. 
 
2.  
Le recourant conclut à son indemnisation au vu de son acquittement, anticipant de la sorte l'admission de ses griefs relatifs à l'appréciation des preuves. Le rejet de ceux-ci rend sa conclusion sans portée. 
 
3.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 25 juin 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Brun