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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_257/2024  
 
 
Arrêt du 24 juin 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représenté par M e Jean-Emmanuel Rossel, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Administration cantonale des impôts du canton de Vaud, route de Berne 46, 1014 Lausanne, 
intimée. 
 
Objet 
Impôts cantonaux et communaux du canton de Vaud et impôt fédéral direct, période fiscale 2010, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 28 mars 2024 (FI.2023.0035). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Les époux A.A.________ et B.A.________ (ci-après: les contribuables) ont été domiciliés dans le canton de Vaud jusqu'au 15 décembre 2018. A.A.________ (ci-après: le contribuable) est administrateur délégué et actionnaire majoritaire de la société C.________ SA (ci-après: la société), qui a notamment pour but l'exploitation de divers établissements et centres d'enseignement.  
 
A.b. Un litige divise les contribuables avec l'Administration cantonale des impôts du canton de Vaud (ci-après: l'Administration fiscale), qui a été porté devant le Tribunal fédéral. Par arrêt 9C_582/2023 du 6 décembre 2023, celui-ci a, pour l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) et les impôts cantonaux et communaux (ci-après: ICC), rejeté le recours des contribuables concernant les rappels d'impôts prononcés pour les années 2008 et 2009, ainsi que concernant la taxation de la période fiscale 2010.  
 
A.c. Le 26 octobre 2020, l'Administration fiscale a rendu une décision de prononcé d'amende contre le recourant concernant l'IFD et les ICC de la période fiscale 2010, laquelle a été confirmée sur réclamation le 28 février 2023. En bref, l'Administration fiscale a retenu une tentative de soustraction et a prononcé une amende de 12'750 fr. pour l'IFD et de 45'500 fr. pour les ICC.  
 
B.  
Statuant par arrêt du 28 mars 2024, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, a rejeté le recours et confirmé la décision du 28 février 2023. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et par un "recours en matière constitutionnelle subsidiaire", A.A.________ conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal du 28 mars 2024. Il demande au Tribunal fédéral de "dire qu'aucune amende n'est prononcée". Il conclut par ailleurs en substance à l'annulation de la décision sur réclamation du 28 février 2023. À titre préalable, il requiert que l'effet suspensif soit attribué au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte (cf. aussi art. 146 LIFD [RS 642.11] et 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]). Il s'ensuit que le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable (art. 113 LTF a contrario).  
 
1.2. L'instance précédente a traité dans un seul arrêt de l'IFD et des ICC, ce qui est admissible. Partant, le dépôt d'un seul acte de recours est aussi autorisé, dans la mesure où le recourant s'en prend clairement aux deux catégories d'impôts (ATF 142 II 293 consid. 1.2; 135 II 260 consid. 1.3.1).  
 
1.3. La conclusion du recourant relative à la décision sur réclamation du 28 février 2023 est irrecevable, en raison de l'effet dévolutif complet du recours auprès du Tribunal cantonal (cf. ATF 136 II 539 consid. 1.2; arrêt 9C_582/2023 du 6 décembre 2023 consid. 1.3).  
 
2.  
 
2.1. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. En matière fiscale, il examine donc en principe librement l'application du droit fédéral, ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de son application par les instances cantonales aux dispositions de la LHID (arrêt 2C_826/2015 du 5 janvier 2017 consid. 2 non publié in ATF 143 I 73; ATF 134 II 207 consid. 2). Cependant, lorsque la loi précitée laisse une certaine marge de manoeuvre aux cantons, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral se limite à l'arbitraire, dont la violation doit être motivée conformément aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 134 II 207 consid. 2; arrêt 9C_670/2022 du 19 avril 2023 consid. 1.3).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6).  
 
3.  
 
3.1. Le litige porte sur l'amende prononcée à l'encontre du recourant pour tentative de soustraction fiscale, en relation avec l'IFD et les ICC de la période fiscale 2010.  
 
3.2. Le jugement entrepris expose de manière complète les normes fédérales et cantonales sur la tentative de soustraction d'impôt (art. 175 et 176 LIFD: art. 56 al. 2 LHID et 243 de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI; rs/VD 642.11), ainsi que la jurisprudence y relative (cf. arrêt 2C_81/2022 du 25 novembre 2022 consid. 10.2 et la référence) applicables en l'occurrence. Il suffit d'y renvoyer (cf. art. 109 al. 3 LTF).  
 
4.  
 
4.1. En matière d'IFD, c'est la LIFD dans sa teneur en 2010 qui est applicable aux périodes fiscales litigieuses. Quant aux ICC, ils sont régis par la LI, entrée en vigueur le 1er janvier 2001 en lien avec la LHID. On rappellera qu'en ce qui concerne la poursuite pénale pour soustraction fiscale (consommée ou tentée), le nouveau droit, entré en vigueur le 1er janvier 2017 (RO 2015 779; FF 2012 2649), s'applique au jugement des infractions commises au cours de périodes fiscales précédant son entrée en vigueur s'il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales (principe de la lex mitior; cf. art. 205f LIFD et 78f LHID).  
 
4.2. Contrairement à ce que le recourant semble prétendre en se limitant à invoquer "expressément la prescription", le délai de prescription de la poursuite pénale pour l'infraction de tentative de soustraction d'impôt pour la période fiscale 2010 (quatre ans selon l'ancien droit [ancien art. 184 al. 1 let. a et al. 2 LIFD], six ans selon le nouveau droit [art. 184 al. 1 let. a LIFD et 58 al. 1 LHID) n'est pas encore atteint. Comme l'a retenu à juste titre la juridiction cantonale aux considérations de laquelle il peut être renvoyé (consid. 3 de l'arrêt cantonal; cf. art. 109 al. 3 LTF), le délai de prescription a commencé à courir à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative de soustraction a été commise. Ce moment correspond, pour l'année 2010, à la date de l'arrêt 9C_582/2023 du Tribunal fédéral du 6 décembre 2023 et la prescription n'est donc pas atteinte à ce jour.  
 
5.  
Les juges cantonaux ont considéré que sur le plan objectif, les montants d'impôts soustraits (en tentative) avaient été confirmés définitivement par l'arrêt 9C_582/2023 du 6 décembre 2023. Ces montants étaient fondés sur l'existence d'une distribution dissimulée de bénéfices (consistant en la mise à disposition d'un appartement par la société), d'une reprise relative à la part privée des frais de véhicules mis à disposition du recourant sans contre-prestation adéquate, ainsi que des reprises concernant les frais de voyage et de représentation. Pour le Tribunal cantonal, la base d'imposition avait été indûment réduite et l'impôt acquitté étant par conséquent insuffisant, de sorte que les conditions objectives de l'infraction étaient réunies. 
Sur le plan subjectif, la juridiction cantonale a considéré que le recourant détenait la majorité des actions de la société et qu'il n'était pas contesté qu'il dirigeait la société durant la période fiscale en cause en tant qu'administrateur et président. Or, au vu de cette position et de la nature des reprises effectuées, il ne pouvait ignorer qu'il prélevait de manière indue des fonds de la société et qu'il grevait les comptes de charges non justifiées commercialement. Cette conclusion s'imposait d'autant plus compte tenu de la différence importante entre les revenus déclarés et les revenus imposés à la suite des reprises confirmées par le Tribunal fédéral. En effet et au vu de cet écart, le recourant devait se rendre compte, à tout le moins sous l'angle du dol éventuel, que les éléments déclarés étaient clairement inférieurs à ses revenus. À cet égard et s'il avait des doutes sur le fait que certains éléments devaient être soumis à imposition ou non, il lui appartenait d'interpeller l'autorité fiscale pour s'assurer que son appréciation était correcte. En définitive, lorsque le recourant avait signé sa déclaration d'impôt, il ne pouvait qu'avoir conscience de ce que les valeurs déclarées étaient trop faibles. 
 
6.  
Dans un premier grief d'ordre formel, le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu, en reprochant à la juridiction cantonale de ne pas "trouver dans l'arrêt ce qui [lui] est reproché concrètement". 
Au regard de l'obligation de toute autorité judiciaire de motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient (cf. art. 29 al. 2 Cst.; ATF 142 II 154 consid. 4.2; 9C_68/2023 du 2 avril 2024 consid. 5.2.1 et les références), ce grief est mal fondé. En effet, le Tribunal cantonal a détaillé de manière suffisante en quoi les conditions objectives et subjectives de l'infraction de l'art. 176 LIFD étaient en l'espèce réunies. Il a clairement exposé les faits y relatifs et ses déductions juridiques, et ce de manière compréhensible, conformément aux exigences tirées de l'art. 29 al. 2 Cst. (sur ce point, ATF 142 II 154 consid. 4.2; 9C_68/2023 du 2 avril 2024 consid. 5.2.1 et les références). Du reste, il apparaît que le recourant a compris la portée de l'argumentation du Tribunal cantonal, puisqu'il a présenté une argumentation visant à démontrer que les conditions objectives et subjectives de l'infraction n'étaient pas réalisées. 
 
7.  
 
7.1. À titre liminaire, le recourant semble considérer à tort que les "conditions d'application d'une norme pénale" n'auraient pas été mentionnées par les juges cantonaux. Ceux-ci ont en effet rappelé (consid. 6c de l'arrêt cantonal) la teneur de l'art. 176 LIFD en lien avec l'art. 175 LIFD, qui constitue une base légale suffisante pour prononcer une amende fiscale (cf. arrêt 9C_578/2023 du 27 novembre 2023 consid. 11.3).  
 
7.2. Ensuite et du point de vue des conditions objectives, le recourant ne saurait remettre en cause, par le biais de la présente procédure, le bien-fondé des reprises fiscales qui ont été confirmées définitivement par l'arrêt 9C_582/2023 du 6 décembre 2023. Partant, c'est à bon droit que la cour cantonale a considéré que vu ces reprises d'impôt définitivement confirmées, la déclaration d'impôt du contribuable pour l'année 2010 était incomplète, respectivement inexacte. Elle en a donc déduit en conformité au droit fédéral que les conditions objectives de l'infraction étaient remplies. En outre, le recourant ne saurait être suivi lorsqu'il se contente d'affirmer de manière péremptoire que "jusqu'à nouvel ordre, le fait d'analyser différemment une réalité économique dûment déclarée au fisc ne saurait constituer une infraction pénale", puisqu'il lui incombait, s'il avait un doute sur la manière d'appréhender certaines opérations, de se renseigner auprès de l'autorité fiscale. En effet, si le contribuable n'est pas sûr de la signification fiscale d'un fait, il ne peut pas simplement le passer sous silence, mais doit signaler l'incertitude. En tout état de cause, il doit exposer le fait en tant que tel de manière complète et exacte (arrêt 9C_578/2023 du 27 novembre 2023 consid. 11.2.1 et la référence).  
 
7.3. Sur le plan subjectif, lorsque le recourant se borne à alléguer "qu'il n'a jamais voulu cacher quoi que ce soit au fisc" ou encore qu'il n'a "jamais eu l'intention de frauder quoi que ce soit", il ne démontre pas que les constatations de fait de la cour cantonale au sujet de son intention de commettre l'infraction de l'art. 176 LIFD seraient manifestement inexactes ou arbitraires (consid. 2.2; cf. ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3; arrêt 9C_678/2022 du 5 juin 2023 consid. 8.2.3). Au demeurant, le raisonnement des premiers juges, selon lequel le recourant était conscient que les informations données à l'appui de sa déclaration d'impôt étaient incorrectes ou incomplètes, échappe à toute critique. C'est partant à bon droit qu'ils en ont conclu que le contribuable avait volontairement voulu tromper les autorités fiscales et celui-ci n'apporte aucun élément qui permettrait de renverser la présomption posée par la jurisprudence dans ce contexte (selon laquelle lorsqu'il est établi que le contribuable était conscient du caractère incomplet ou incorrect des informations données, il faut présumer qu'il a volontairement voulu tromper les autorités fiscales ou du moins qu'il a agi par dol éventuel, afin d'obtenir une taxation moins élevée; cf. arrêt 2C_81/2022 du 25 novembre 2022 consid. 10.2 et la référence). Enfin, l'allégation selon laquelle il se serait appuyé sur une fiduciaire "pointilleuse et méticuleuse" pour établir la déclaration d'impôt ne permet pas au recourant de se soustraire à sa responsabilité pénale, en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui seraient imputables (cf. arrêt 2C_396/2022 du 7 décembre 2022 consid. 8.1 et la référence). Vu les constatations cantonales, dont le recourant ne démontre pas le caractère manifestement inexact ou arbitraire, on doit considérer que le recourant aurait pu, le cas échéant, reconnaître le caractère erroné de la déclaration fiscale préparée par son mandataire s'il avait agi avec la diligence requise.  
 
8.  
En ce qui concerne les ICC, les conditions de l'infraction de la tentative de soustraction d'impôt (art. 56 al. 2 LHID et 243 LI/VD), correspondent à celles de l'art. 176 LIFD. Par conséquent, les considérations développées pour l'IFD s'appliquent mutatis mutandis aux ICC pour la période fiscale sous examen (cf. arrêt 2C_81/2022 du 25 novembre 2022 consid. 11).  
 
9.  
Vu ce qui précède, le recours, manifestement mal fondé, est rejeté tant en matière d'IFD que d'ICC, en application de la procédure simplifiée prévue par l'art. 109 al. 2 let. a LTF. La requête d'octroi de l'effet suspensif devient sans objet. Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière de droit public est rejeté, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct de la période fiscale 2010. 
 
3.  
Le recours en matière de droit public est rejeté, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il concerne les impôts cantonaux et communaux de la période fiscale 2010. 
 
4.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à l'Administration fédérale des contributions. 
 
 
Lucerne, le 24 juin 2024 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser