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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_222/2024  
 
 
Arrêt du 24 juin 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Beusch et Scherrer Reber. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Jean-Michel Duc, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 14 mars 2024 (AI 319/22 - 84/2024). 
 
 
Faits :  
 
A.  
À la suite d'un premier refus de prestations de l'assurance-invalidité (décision de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud [ci-après: l'office AI] du 29 septembre 2015), A.________, née en 1962, a déposé une nouvelle demande de prestations, au mois d'avril 2019. 
Entre autres mesures d'instruction, l'office AI a diligenté une expertise pluridisciplinaire, qui a été attribuée à CEMEDEX SA (rapport du 2 septembre 2021). Par projet de décision du 28 septembre 2021, il a informé l'assurée qu'il entendait nier son droit à des prestations de l'assurance-invalidité. Le 1er novembre 2021, A.________ a contesté ce projet de décision et sollicité notamment un délai pour compléter ses objections. Par courrier du 3 novembre 2021, l'administration lui a octroyé un délai supplémentaire de 30 jours pour faire part de ses éventuelles objections complémentaires et transmettre tous les documents permettant d'étayer ses arguments. Le 3 décembre 2021, l'assurée a requis une nouvelle prolongation de délai au 30 avril 2022 pour déposer ses objections complémentaires, en faisant valoir qu'elle entendait mandater le docteur B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, pour une expertise privée. Par correspondance du 20 décembre 2021, l'office AI a accordé à A.________ un ultime et dernier délai au 31 janvier 2022, en l'informant qu'il n'était pas en mesure d'accéder à sa demande de prolongation de délai en vue de la mise en oeuvre d'une expertise indépendante car il disposait déjà d'une expertise, qu'il considérait comme probante. Les 7 et 25 janvier 2022, l'assurée a réitéré sa demande de prolongation de délai au 30 avril 2022. L'office AI a maintenu son point de vue, les 19 janvier et 3 février 2022. Il a confirmé son projet de décision du 28 septembre 2021, par décision du 3 février 2022. 
 
B.  
Statuant le 14 mars 2024 sur le recours formé par A.________ contre cette décision, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, l'a rejeté. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont elle requiert l'annulation, ainsi que celle de la décision administrative du 3 février 2022. Elle conclut au renvoi de la cause à l'office AI pour qu'il procède à un complément d'instruction puis rende une nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Même si la recourante se limite à prendre des conclusions cassatoires et en renvoi (à ce sujet, cf. ATF 137 II 313 consid. 1.3 et les références), son recours en matière de droit public, qui se caractérise comme un recours en réforme (art. 107 al. 2 LTF), est recevable. Les motifs du recours permettent de comprendre qu'elle requiert le renvoi de la cause à l'office intimé afin que celui-ci lui accorde le délai nécessaire et utile pour compléter ses objections, notamment par la mise en oeuvre d'une contre-expertise permettant d'établir l'absence de valeur probante du volet psychiatrique de l'expertise réalisée par CEMEDEX SA avant de statuer sur le droit à des prestations de l'assurance-invalidité auxquelles elle prétend. 
 
2.  
L'assurée a produit pour la première fois devant le Tribunal fédéral un rapport de la psychologue C.________ du 28 mars 2022 et un rapport du docteur B.________ du 19 décembre 2022. Elle explique avoir produit l'expertise du docteur B.________ afin "de démontrer la consistance de [ses] propos". Elle n'expose cependant pas en quoi la production desdits rapports serait recevable au regard des exigences légales en matière de production de preuves nouvelles devant le Tribunal fédéral (cf. art. 99 al. 1 LTF; ATF 143 V 19 consid. 1.2). Elle n'explique plus particulièrement pas pourquoi elle n'a pas pu produire en instance cantonale ces pièces établies avant le prononcé de l'arrêt attaqué le 14 mars 2024. La seule issue de la procédure précédente, défavorable à la recourante, ne peut en tout cas pas suffire pour admettre des faits ou moyens de preuve nouveaux qui auraient pu être invoqués à l'époque ("faux nova"). Cela résulte de la portée contraignante pour le Tribunal fédéral des faits établis par la juridiction de première instance (cf. ATF 134 V 223 consid. 2.2.1; arrêt 9C_952/2015 du 2 mai 2016 consid. 1). Les deux rapports précités n'ont donc pas à être pris en considération par la Cour de céans. 
 
3.  
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération. 
 
4.  
 
4.1. Le litige porte sur le droit de l'assurée à une rente de l'assurance-invalidité. Compte tenu des motifs et conclusions du recours, est seul litigieux, en instance fédérale, le point de savoir si c'est à bon droit que la juridiction cantonale a considéré que l'office intimé était fondé à statuer sur le droit de la recourante à des prestations de l'assurance-invalidité sans au préalable lui avoir accordé une nouvelle prolongation de délai au 30 avril 2022 aux fins de produire une expertise privée et déposer ses objections à l'encontre du projet de décision du 28 septembre 2021.  
 
4.2. À la suite de l'instance précédente, on rappellera que conformément à l'art. 57a al. 1 LAI, au moyen d'un préavis, l'office AI communique à l'assuré toute décision finale qu'il entend prendre au sujet d'une demande de prestations, ou au sujet de la suppression ou de la réduction d'une prestation déjà allouée ainsi que toute décision qu'il entend prendre au sujet d'une suspension à titre provisionnel des prestations. Selon l'al. 3 de cette disposition (introduit avec effet au 1er janvier 2021 [RO 2020 5143]), les parties peuvent faire part de leurs observations concernant le préavis dans un délai de 30 jours.  
 
5.  
 
5.1. À l'appui de son recours, l'assurée se prévaut d'une constatation manifestement inexacte des faits pertinents "en lien avec l'art. 57a al. 1 LAI", d'une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) et de son droit à un procès équitable (art. 6 par. 1 CEDH), ainsi que d'une violation du devoir d'instruction (art. 43 LPGA) et de la maxime inquisitoire (art. 61 let. c LPGA).  
 
5.2. Les griefs de l'assurée sont mal fondés, pour les raisons qui suivent.  
 
5.2.1. Comme l'ont dûment exposé les juges précédents, le délai de 30 jours accordé aux parties par l'art. 57a al. 3 LAI pour faire part de leurs observations concernant les préavis rendus par les offices AI conformément à l'art. 57a al. 1 LAI est un délai légal non prolongeable (cf. arrêt 8C_557/2023 du 22 mai 2024 consid. 5.3.1), ce que l'assurée ne conteste du reste pas. À cet égard, l'argumentation de la recourante, à l'appui d'une constatation manifestement inexacte des faits, selon laquelle elle n'aurait pas sollicité une prolongation du délai légal de 30 jours, dès lors qu'elle avait déposé des objections le 1er novembre 2021, ne peut pas être suivie, au regard déjà de la demande de prolongation y figurant ainsi que de ses courriers successifs du 3 décembre 2021 et des 7 et 25 janvier 2022, dans lesquels elle requiert expressément "une prolongation de délai". Elle affirme à ce propos que dans la mesure où elle avait respecté le délai légal, elle devait pouvoir, dans un deuxième temps, disposer du temps nécessaire afin de "compléter ses objections et [obtenir] un nouveau moyen de preuve, à savoir un rapport d'expertise privée confiée au [docteur] B.________, en vue d'établir l'absence de valeur probante de l'expertise [diligentée auprès de CEMEDEX SA]", sous peine d'être "privé[e] de la garantie du double degré de juridiction".  
L'argumentation de la recourante n'est pas pertinente dès lors déjà qu'elle n'a pas complété ses objections dans le délai accordé par l'intimé au 31 janvier 2022, ne serait-ce qu'en indiquant ce qu'elle contestait dans l'expertise de CEMEDEX SA. En effet, en janvier 2022, l'assurée s'est limitée à indiquer qu'un premier examen clinique aurait lieu avec le docteur B.________ le 24 janvier 2022 (correspondance du 7 janvier 2022) et à réitérer sa demande de prolongation de délai au 30 avril 2022 (correspondances des 7 et 25 janvier 2022). La seule communication de la prise d'un rendez-vous avec le docteur B.________ ne suffit pas encore à établir que l'assurée avait effectivement entrepris des démarches pour produire le rapport médical annoncé dans sa correspondance du 3 décembre 2021. En outre on rappellera, à la suite de la juridiction cantonale, que le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). C'est en l'occurrence ce qu'a fait l'office intimé, après avoir indiqué à la recourante, le 3 février 2022, qu'elle n'avait apporté aucun élément permettant de mettre en doute la valeur probante de l'expertise qu'il avait diligenté et le bien-fondé de sa position. La conclusion de l'instance précédente, selon laquelle il appartenait cas échéant à la recourante de contester l'appréciation des preuves par une motivation adéquate compte tenu aussi de sa représentation par un avocat spécialisé de surcroît, doit dès lors être confirmée. 
Au demeurant, l'argumentation de la recourante ne met pas en évidence que les premiers juges auraient méconnu la portée de l'art. 57a al. 3 LAI, ni qu'ils auraient mal compris les raisons pour lesquelles le législateur a instauré cette règle légale, voire que celui-ci entendait faire une distinction entre un délai pour déposer des objections et un délai pour compléter ses objections. 
 
5.2.2. En tout état de cause, même dans l'hypothèse où le droit d'être entendue de la recourante aurait été violé, cette violation aurait pu être guérie devant la juridiction cantonale, qui est dotée d'un plein pouvoir d'examen (à ce sujet, cf. arrêts 9C_23/2021 du 25 octobre 2021 consid. 5.2; 9C_205/2013 du 1er octobre 2013 consid. 1). Dans son écriture de recours devant la Cour de céans, l'assurée admet en effet qu'elle a obtenu en décembre 2022 le rapport médical qu'elle avait sollicité pour contester le volet psychiatrique de l'expertise de CEMEDEX SA, si bien qu'il lui aurait été loisible de produire le rapport médical annoncé durant la procédure de recours cantonal, comme l'ont exposé les juges précédents. Or le choix délibéré de l'assurée de renoncer à produire ce rapport devant l'instance précédente ne saurait conduire à admettre une violation de son droit à un procès équitable ou une violation d'autres garanties procédurales élémentaires, dès lors déjà qu'il appartient aux parties d'exercer concrètement leur droit de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort du litige, droit précisément déduit de l'art. 29 Cst. (cf. arrêt 9C_6/2024 du 27 mai 2024 consid. 4.2).  
Dans ce contexte, le grief tiré de la violation du devoir d'instruction (art. 43 LPGA) et de la maxime inquisitoire (art. 61 let. c LPGA) est également mal fondé. La maxime inquisitoire, qui régit la procédure devant le tribunal cantonal des assurances - de même que la procédure administrative (art. 43 al. 1 LPGA) - dans le domaine des assurances sociales et oblige le juge à établir (d'office) les faits déterminants pour la solution du litige, avec la collaboration des parties, doit en effet être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties. Celui-ci comprend l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; voir aussi arrêt 9C_434/2023 du 30 novembre 2023 consid. 2.2). En renonçant à produire le rapport du docteur B.________ du 19 décembre 2022, l'assurée n'a pas rempli son devoir de collaborer. Le recours est mal fondé. 
 
6.  
Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires y afférents sont mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 24 juin 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Perrenoud