Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_21/2024  
 
 
Arrêt du 24 juin 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard et Heine. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Jean-Michel Duc, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (nouvelle demande), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 11 décembre 2023 (AI 280/22 - 343/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 26 juillet 2012, A.________ (ci-après aussi: l'assurée), infirmière, née en 1968, a déposé une demande de prestations auprès de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) en raison d'un cancer du sein. Par décision du 17 mars 2016, l'office AI a octroyé à l'assurée une rente entière d'invalidité entre le 1 er février 2013 et le 31 octobre 2013, en considérant notamment qu'elle disposait, à compter du 1 er août 2013, d'une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.  
 
A.b. Le 8 novembre 2018, l'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations de l'assurance-invalidité, arguant être en incapacité de travail totale depuis avril 2016 et souffrir de troubles psychiques. Le 20 janvier 2021, elle a demandé la révision de la décision du 17 mars 2016, motif pris qu'elle présentait une "invalidité entière" depuis son traitement de chimiothérapie en 2012. Entre autres mesures d'instruction, l'office AI a confié une expertise pluridisciplinaire (médecine interne générale, rhumatologie et psychiatrie) à SMEX (Swiss Medical Expertise) SA (ci-après: SMEX). Les experts ont rendu leur rapport le 21 février 2022.  
Par projet de décision du 23 juin 2022, l'office AI a, sur la base de l'expertise de SMEX, fait part à l'assurée de son intention de rejeter sa nouvelle demande du 8 novembre 2018; un délai de 30 jours lui était imparti pour se déterminer. Le 7 juillet 2022, celle-ci a déposé ses observations, en requérant l'octroi d'un délai pour compléter sa prise de position et produire des "contre-expertises et d'autres rapports médicaux". Dans le délai accordé au 31 août 2022, elle a demandé une prolongation de délai jusqu'au 30 septembre 2022. L'office AI a accordé une ultime prolongation de délai au 7 octobre 2022, en indiquant qu'en l'absence de nouveaux éléments, il se prononcerait sur la base des éléments à sa disposition. Le 7 octobre 2022, l'assuré a requis une nouvelle prolongation de délai au 30 novembre 2022 pour produire les contre-expertises annoncées. 
Statuant le 10 octobre 2022, l'office AI a rejeté la nouvelle demande de prestations du 8 novembre 2018. 
 
B.  
L'assurée a recouru contre cette dernière décision auprès de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud. En cours de procédure, la juge instructrice a requis de l'assurée qu'elle produise d'éventuels rapports d'expertise privée; celle-ci a répondu qu'une expertise était en cours auprès d'un psychiatre, dont elle a donné le nom. Par arrêt du 11 décembre 2023, la juridiction cantonale a rejeté le recours. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens qu'une rente entière d'invalidité lui soit octroyée. A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et de la décision du 10 octobre 2022 et au renvoi de la cause à l'intimé pour "nouvelle instruction" et nouvelle décision. 
L'intimé conclut implicitement au rejet du recours. La cour cantonale se réfère purement et simplement à son jugement. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard toutefois à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2). Il statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2; 135 II 313 consid. 5.2.2). 
 
3.  
 
3.1. Au vu de l'arrêt cantonal et de la motivation du recours, est seul litigieux le point de savoir si c'est à bon droit que la juridiction cantonale a considéré que l'intimé était fondé à rejeter la nouvelle demande de la recourante, sans au préalable lui avoir accordé une nouvelle prolongation de délai aux fins de produire une contre-expertise privée ou de nouveaux rapports médicaux.  
 
3.2.  
 
3.2.1. L'art. 57a LAI - dans sa version en vigueur depuis le 1 er janvier 2021, applicable au cas d'espèce - dispose qu'au moyen d'un préavis, l'office AI communique à l'assuré toute décision finale qu'il entend prendre au sujet d'une demande de prestations, ou au sujet de la suppression ou de la réduction d'une prestation déjà allouée ainsi que toute décision qu'il entend prendre au sujet d'une suspension à titre provisionnel des prestation (al. 1, première phrase); l'assuré a le droit d'être entendu, conformément à l'art. 42 LPGA [RS 830.1] (al. 1, seconde phrase); les parties peuvent faire part de leurs observations concernant le préavis dans un délai de 30 jours (al. 3). Ce délai de 30 jours est un délai légal, donc non prolongeable (arrêt 8C_557/2023 du 22 mai 2024 consid. 5.3.1).  
 
3.2.2. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1; 145 I 167 consid. 4.1).  
Une violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux procéduraux de la partie lésée. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 147 IV 340 consid. 4.11.3; 142 II 218 consid. 2.8.1). 
 
4.  
Après avoir rappelé que le délai de 30 jours de l'art. 57a al. 3 LAI était un délai légal, de ce fait non prolongeable, les juges cantonaux ont considéré que l'on ne pouvait pas reprocher à l'intimé d'avoir refusé une troisième prolongation de délai à la recourante, alors que celle-ci avait déjà bénéficié de deux prolongations. Si l'on pouvait admettre que le délai prolongé au 7 octobre 2022 était trop restreint pour produire une contre-expertise, il était suffisant pour déposer de nouveaux rapports médicaux et compléter les observations du 7 juillet 2022, en indiquant en quoi l'expertise de SMEX était contestée. Les premiers juges ont ajouté que la recourante n'avait même pas transmis un courrier, une convocation ou tout autre document attestant ses démarches auprès d'un expert psychiatre, de sorte que l'intimé ne disposait d'aucun moyen de vérifier que de telles démarches avaient été entreprises. En outre, la recourante - représentée par un avocat spécialisé - avait été avertie que la prolongation de délai au 7 octobre 2022 était la dernière, ce qui devait l'amener au minimum à inciter les médecins sollicités à rédiger promptement de nouveaux rapports. Enfin, en procédure [cantonale] de recours, malgré la demande expresse de la juge instructrice, la recourante n'avait produit aucun document attestant la mise en oeuvre d'une contre-expertise ni aucune nouvelle pièce médicale de ses médecins traitants. A ce titre, la seule communication du nom de l'expert convoité ne suffisait pas. Le tribunal cantonal en a conclu que l'intimé n'avait pas violé le droit d'être entendue de la recourante. Celle-ci n'ayant soulevé aucun grief sur le fond, en dehors de l'allégation toute générale de l'absence de valeur probante de l'expertise de SMEX compte tenu des rapports contradictoires des médecins traitants, son recours devait être rejeté et la décision de l'intimé du 10 octobre 2022 confirmée. 
 
5.  
 
5.1. Se plaignant d'une violation de son droit d'être entendue, la recourante reproche à l'intimé de ne pas lui avoir octroyé la nouvelle prolongation de délai sollicitée le 7 octobre 2022. Exposant que seule une contre-expertise serait de nature à remettre en cause l'expertise de SMEX, elle soutient ne pas avoir bénéficié de suffisamment de temps pour produire un tel moyen de preuve, comme retenu d'ailleurs par les juges précédents. Ceux-ci auraient dû en déduire que son droit d'être entendue avait été violé. S'agissant de l'absence de document attestant de démarches auprès d'un expert psychiatre, la recourante objecte que l'intimé n'aurait jamais indiqué douter de la réalité de telles démarches ni demandé qu'elles soient étayées. Si les juges cantonaux avaient eux-mêmes douté de ces démarches, ils auraient dû interpeller la recourante afin que celle-ci en établisse l'existence, ce qu'ils n'auraient pas fait en se limitant à solliciter la communication d'un rapport d'expertise. Il ne serait pas admissible de considérer qu'un délai d'un peu plus de trois mois est suffisant pour participer à l'administration des preuves.  
 
5.2. Cette critique est mal fondée. La recourante a eu 30 jours à disposition pour prendre position sur le projet de décision de l'intimé du 23 juin 2022. Il n'est pas contesté que ce délai de 30 jours, légal, n'était pas prolongeable. La recourante a toutefois bénéficié ensuite d'un nouveau délai - d'ordre cette fois-ci - pour compléter ses observations et surtout produire d'éventuels moyens de preuve. Ce délai, fixé au 31 août 2022, a été prolongé au 7 octobre 2022. La recourante a ainsi disposé de suffisamment de temps pour agir, en particulier pour déposer d'éventuels avis médicaux remettant en cause l'appréciation des experts de SMEX, qui ont remis leur rapport en février 2022. A cet égard, on ne saurait retenir, comme le soutient la recourante, que seule une expertise privée pouvait remplir cette fonction. On rappellera que selon la jurisprudence, l'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2; 125 V 351 consid. 3a; 122 V 157 consid. 1c). Aussi, des avis de médecins traitants peuvent suffire à remettre en cause les conclusions d'une expertise, si ceux-ci font état d'éléments objectifs et pertinents ignorés dans le cadre de l'expertise (arrêt 8C_685/2023 du 28 mars 2024 consid. 5.1 et l'arrêt cité). L'intimé ayant spécifié que la prolongation de délai au 7 octobre 2022 était la dernière, il était en droit de rendre une décision le 10 octobre 2022 sans donner suite à la nouvelle demande de prolongation de la recourante.  
En tout état de cause, une éventuelle violation du droit d'être entendue de la recourante aurait pu être guérie en instance cantonale (cf. arrêt 9C_6/2024 du 27 mai 2024 consid. 4.2 et les arrêts cités). La recourante avait en effet la possibilité de produire une éventuelle contre-expertise devant le tribunal cantonal, qui est doté d'un plein pouvoir d'examen, ce dont elle s'est abstenue bien qu'elle ait été invitée à le faire par la juge instructrice et que l'arrêt cantonal ait été rendu plus d'un an après le dépôt du recours. Comme relevé par les premiers juges, la recourante n'a même pas fourni le moindre document prouvant la mise en oeuvre concrète d'une expertise. On ne peut pas leur faire grief de ne pas avoir requis spécifiquement la production d'un tel document, la recourante étant de surcroît représentée par un mandataire professionnel spécialisé. Il s'ensuit que le recours, mal fondé, doit être rejeté. 
 
6.  
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 24 juin 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny