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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_274/2023  
 
 
Arrêt du 24 mai 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Haag. 
Greffière : Mme Rouiller. 
 
Participants à la procédure 
1. Patrimoine Suisse Genève, ruelle du Midi 10, case postale 3660, 1211 Genève 3, 
2. Patrimoine Suisse, Zollikerstrasse 128, 8008 Zurich, 
3. Action Patrimoine Vivant, maison des Associations, rue des Savoises 15, 1205 Genève, 
4. A.A.________, 
5. B.A.________, 
6. C.C.________, 
7. D.C.________, 
tous représentés par Me Alain Maunoir, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
E.________, 
représentée par Me François Bellanger, avocat, 
intimée, 
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office du patrimoine et des sites, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Protection du patrimoine; refus de mise à l'inventaire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 25 avril 2023 (ATA/422/2023 - A/3665/2022-AMENAG). 
 
 
Faits :  
 
A.  
E.________ (ci-après: la propriétaire) est propriétaire des parcelles n os 377, 378, 379 et 380 de la commune de Lancy (GE). Sises en zone de développement 3, avec une zone de fond 5, ces parcelles forment un triangle d'une surface totale de 10'900 m 2. Selon le plan directeur cantonal 2030, ces parcelles sont sises dans un secteur de densification différenciée de la couronne urbaine.  
Elles supportent trois immeubles de 8 logements chacun et une villa (bâtiments n os A548, A555, A553 et A551), qui forment un ensemble résidentiel construit entre 1931 et 1933 par les architectes Alexandre et André Bordigoni.  
 
B.  
 
B.a. Dans le cadre du recensement architectural et des sites du canton de Genève établi entre 1991 et 1993, la valeur "monument et bâtiment exceptionnel et leurs abords" a été attribuée aux bâtiments. Dans ce cadre, il est précisé que ces bâtiments forment un "ensemble de quatre petits immeubles à l'intérieur d'un périmètre défini par trois rues qui forment une entité de valeur importante [et que les] bâtiments semblables (CL3-5, S 53) réalisés par les mêmes architectes en 1931-1933 bénéficient de langage et de typologie identiques avec implantation en retrait de rue, de façon à créer de petites places devant".  
La commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après: CMNS) a confirmé cette valeur en septembre 2004. 
 
B.b. Dans le cadre du recensement architectural du canton de Genève 2015-2023, les bâtiments ont été qualifiés d'"intéressants". Il était relevé que l'"originalité du projet [tenait] à l'équilibre atteint entre une image d'ensemble rendue homogène par la similitude des implantations et des codes architecturaux, d'une part, et des détails d'exécution variant en fonction de la gradation fine des programmes respectifs, qui s'adressent à une catégorie sociale plus ou moins privilégiée". En particulier, le bâtiment n o A548, situé au chemin de Claire-Vue 5, présentait un traitement architectural plus sophistiqué.  
 
C.  
 
C.a. En décembre 2017, la propriétaire a déposé une demande d'autorisation de démolir les bâtiments (n o M 8052) et de construire à leur place des immeubles de 184 logements (n o DD 111'141).  
 
C.b. Un concours d'architecture a été organisé entre 2012 et 2015 en lien avec ce projet de construction. Le jury comprenait, parmi d'autres personnes, le directeur du service des monuments et des sites (ci-après: SMS) et l'architecte cantonal. Les concurrents avaient notamment pour consigne de tenir compte des bâtiments existants. Le projet finalement retenu ne prévoyait pas le maintien des bâtiments, la solution visant à densifier autour des bâtiments existants s'étant révélée impraticable.  
 
C.c. Dans le cadre de l'instruction de l'autorisation M 8052, l'ensemble des préavis recueillis s'est révélé favorable au projet de démolition. Le SMS a notamment préavisé favorablement l'autorisation de démolition. Il a en effet considéré qu'un arbitrage avait déjà été effectué par le jury du concours d'architecture susmentionné; une pesée d'intérêts avait dans ce cadre été réalisée entre la conservation des objets patrimoniaux et leur remplacement par un projet de densification.  
 
C.d. Le département du territoire de la République et canton de Genève (ci-après: DT) a délivré l'autorisation de démolir M 8052 et l'autorisation de construire DD 111'141 le 31 août 2020. Ces autorisations ont donné lieu à un recours de Patrimoine Suisse Genève (cf. cause 1C_276/2023).  
 
D.  
 
D.a. En octobre 2020, l'association Patrimoine Suisse Genève, section cantonale de Patrimoine Suisse, a demandé l'inscription des bâtiments n os A548, A555, A553 et A551 à l'inventaire des bâtiments du canton de Genève, au sens des art. 7 ss de la loi genevoise du 4 juin 1976 sur la protection des monuments, de la nature et des sites (LPMNS/GE; RS GE L 4 05). La procédure idoine a été ouverte le 16 novembre 2020.  
 
D.b. Le 1 er décembre 2020, la sous-commission 2 de la CMNS a préavisé défavorablement l'inscription à l'inventaire, tout en reconnaissant la valeur patrimoniale des bâtiments concernés. Elle a en effet estimé que toutes les options possibles visant à concilier la réalisation des droits à bâtir accordés et la sauvegarde de tout partie de cet ensemble ont été examinées lors du concours d'architecture mené en 2015. La CMNS ne recommandait par conséquent pas au DT d'adopter une mesure de protection.  
La propriétaire s'est opposée à la demande de mise à l'inventaire. 
Tout en prenant en considération la pétition de l'association des habitants P 2073 demandant la conservation des bâtiments, le Conseil administratif de Lancy n'a pas pu se prononcer favorablement ou défavorablement. Il estimait qu'aucun élément ne venait solidement étayer une position certaine. 
 
D.c. Le DT a rejeté la demande d'inscription à l'inventaire par arrêté du 5 octobre 2022.  
Par arrêt du 25 avril 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: CACJ) a rejeté le recours formé contre l'arrêté du 5 octobre 2022 par l'association Action Patrimoine Vivant (ci-après: APV), Patrimoine Suisse Genève et Patrimoine Suisse. Elle a notamment considéré que la sous-commission 2 de la CMNS avait valablement siégé pour adopter le préavis défavorable à l'inscription à l'inventaire et que le DT s'était fondé sur des critères objectifs et pertinents, sans violer la loi ou le pouvoir d'appréciation qui est le sien. 
LA CACJ a au surplus déclaré le recours irrecevable s'agissant de A.A.________, B.A.________, C.C.________ et D.C.________, propriétaires ou copropriétaires de parcelles voisines à celles où devrait être érigé le projet litigieux. 
 
E.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Patrimoine Suisse Genève (ci-après: recourante 1), Patrimoine Suisse (ci-après: recourante 2), APV (ci-après: recourante 3) et les propriétaires voisins (ci-après: recourants 4 à 7) demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 25 avril 2023 et l'arrêté du 5 octobre 2022, de constater que les recourants 4 à 7 ont qualité pour agir et de prononcer l'inscription à l'inventaire des bâtiments n os A548, A555, A553 et A551. Les recourants concluent subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance précédente pour qu'elle complète l'instruction de la cause et rende une nouvelle décision.  
La CACJ s'en rapporte à justice s'agissant de la recevabilité et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. 
Le DT conclut préalablement à l'irrecevabilité du recours des recourantes 1 et 3, ainsi que des conclusions en annulation de l'arrêté du 5 octobre 2022 et en inscription à l'inventaire des bâtiments n os A548, A555, A553 et A551; il s'en remet à justice concernant la recevabilité du recours de la recourante 2 et des recourants 4 à 7. Principalement, il conclut au rejet du recours de la recourante 2 et des recourants 4 à 7, ainsi qu'à la confirmation de l'arrêt du 25 avril 2023. Subsidiairement, le DT conclut au rejet du recours.  
L'intimée conclut préalablement à l'irrecevabilité du recours des recourants 4 à 7 et principalement au rejet du recours des recourantes 1, 2 et 3. Subsidiairement, elle conclut au rejet du recours. 
Au gré d'écritures ultérieures, les recourants et l'intimée ont persisté dans leurs conclusions respectives. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine librement la recevabilité des recours dont il est saisi. 
 
 
1.1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de la protection des monuments et des sites (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.  
 
1.2. L'art. 89 al. 1 LTF prévoit que la qualité pour former un recours en matière de droit public est reconnue à quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, est particulièrement atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. Selon l'art. 89 al. 2 let. d LTF, ont également qualité pour former un recours en matière de droit public les personnes, organisations et autorités auxquelles une autre loi fédérale accorde un droit de recours.  
 
1.2.1. Les associations Patrimoine Suisse Genève et APV ne peuvent fonder leur qualité pour agir sur l'art. 89 al. 2 let. d LTF. Elles ne figurent en effet pas dans la liste des organisations de protection de la nature, du paysage ou du patrimoine d'importance nationale habilitées à former un recours en matière de droit public en vertu de l'art. 12 al. 1 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN; RS 451), annexée à l'ordonnance relative à la désignation des organisations habilitées à recourir dans les domaines de la protection de l'environnement ainsi que de la protection de la nature et du paysage (ODO; RS 814.076).  
Ces deux associations ne font au surplus pas valoir qu'elles disposeraient de la qualité pour agir sur la base de l'art. 89 al. 1 LTF, ce qui ne ressort au demeurant pas de manière évidente du dossier de la cause (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.1). 
Partant, elles ne peuvent se prévaloir de la qualité pour attaquer l'arrêt de l'autorité précédente sur le fond; en revanche, bénéficiant d'un droit de recours sur le plan cantonal, elles ont qualité pour se plaindre d'une violation de leurs droits de partie à la procédure équivalant à un déni de justice formel, susceptible d'être séparé du fond (ATF 148 IV 82 consid. 6; 141 IV 1 consid. 1.1; cf. consid. 2 ci-dessous). 
 
1.2.2. Les recourants 4 à 7 peuvent se prévaloir d'un intérêt digne de protection à recourir contre un arrêt qui leur dénie la qualité pour agir (cf. ATF 129 II 297 consid. 2.3; 124 II 124 consid. 1b). Ils ont donc la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.  
Dans le cadre d'une procédure de recours portant sur un prononcé d'irrecevabilité, la partie recourante ne peut conclure qu'à l'annulation de la décision d'irrecevabilité et au renvoi de la cause à l'autorité pour qu'elle entre en matière sur le recours cantonal et statue sur le fond; les conclusions sur le fond ne sont pas recevables (ATF 143 I 344 consid. 4; 138 III 46 consid. 2; arrêt 1C_547/2023 du 21 mars 2024 consid. 1). Partant, les conclusions des recourants 4 à 7 portant sur le fond de la cause sont irrecevables. 
 
1.2.3. Il convient encore d'examiner la qualité pour recourir de Patrimoine Suisse.  
 
1.2.3.1. L'art. 12 al. 1 let. b de la loi fédérale du 1 er juillet 1966 sur la protection de la nature (LPN; RS 451) confère la qualité pour recourir contre les décisions des autorités fédérales ou cantonales aux organisations actives au niveau national qui se vouent à la protection de la nature, à la protection du paysage, à la conservation des monuments historiques ou à des tâches semblables, dans les domaines du droit visés depuis dix ans au moins par leurs statuts. L'habilitation prévue par l'art. 12 al. 1 LPN concerne toutefois exclusivement le recours contre des décisions prises dans l'accomplissement de tâches de la Confédération selon les art. 78 al. 2 Cst. et 2 LPN; l'art. 12 LPN est en effet inclus dans le chapitre premier de cette loi, intitulé "Protection de la nature et du paysage lors de l'accomplissement de tâches de la Confédération" (cf. ATF 138 II 281 consid. 4.4; 121 II 190 consid. 2c; arrêt 1C_237/2021 du 4 janvier 2023 consid. 1.2.1).  
L'art. 2 al. 1 LPN précise de manière non exhaustive ce qu'il faut entendre par accomplissement d'une tâche de la Confédération au sens de l'art. 78 al. 2 Cst. (ATF 139 II 271 consid. 9.1; arrêt 1C_283/2021 du 21 juillet 2022 consid. 3.1.2). Une tâche fédérale peut également exister lorsqu'une autorité cantonale prend une décision, si cette décision concerne un domaine relevant de la compétence de la Confédération, qui est réglé par le droit fédéral, et qu'il présente un lien avec la protection de la nature, du paysage et du patrimoine (cf. ATF 144 II 218 consid. 3.3; 139 II 271 consid 9.2, 9.3 et 9.4; arrêt 1C_283/2021 précité consid. 3.1.2). 
La LPN n'impose pas directement aux cantons de protéger les sites naturels ou les monuments historiques, et cela même s'ils sont reconnus d'importance nationale. De même, la protection du patrimoine bâti d'importance locale ou régionale incombe exclusivement aux cantons, sans que le droit fédéral ne leur donne un mandat impératif de légiférer en la matière; partant, elle ne peut être considérée comme une tâche fédérale (cf. ATF 121 II 190 consid. 3c/bb; 120 Ib 27 consid. 2c/dd; arrêt 1C_196/2010 du 16 février 2011 consid. 1.2; AURÉLIEN WIEDLER, La protection du patrimoine bâti, thèse 2019, p. 128). 
La recourante 2 fait partie des organisations habilitées à recourir en vertu de l'art. 12 LPN (ch. 5 de l'annexe à l'ordonnance du 27 juin 1990 relative à la désignation des organisations habilitées à recourir dans les domaines de la protection de l'environnement ainsi que de la protection de la nature et du paysage [ODO; RS 814.076]). A ce titre, elle bénéficie en principe de la qualité pour agir par la voie du recours en matière de droit public, en tant qu'elle allègue que la décision litigieuse est susceptible de porter atteinte aux intérêts de la nature et du paysage. 
 
1.2.3.2. En l'espèce, le litige porte sur un refus de mise à l'inventaire de bâtiments qui ne sont pas des objets d'importance nationale et qui ne bénéficient d'aucune mesure de protection particulière. Il s'agit tout au plus d'objets ayant un intérêt local, comme cela résulte du recensement architectural du canton 2015-2023, qui les qualifie d'"intéressants". Leur protection incombe donc exclusivement au canton. Leur mise à l'inventaire ne relève dès lors pas de l'accomplissement d'une tâche fédérale au sens de l'art. 2 LPN. Partant, la recourante 2 ne saurait fonder sa qualité pour recourir sur l'art. 89 al. 2 let. d LTF en relation avec l'art. 12 al. 1 LPN. Dans ce contexte, l'invocation des art. 14 al. 2 et 17 al. 1 let. c de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (RS 700) n'y change rien.  
La recourante 2 ne fait au surplus pas valoir qu'elle disposerait de la qualité pour agir sur la base de l'art. 89 al. 1 LTF, ce qui ne ressort au demeurant pas de manière évidente du dossier de la cause (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.1). 
Partant, elle ne peut se prévaloir de la qualité pour attaquer l'arrêt de l'autorité précédente sur le fond. En revanche, la recourante 2 a qualité pour se plaindre d'une violation de ses droits de partie à la procédure équivalant à un déni de justice formel, susceptible d'être séparé du fond (ATF 148 IV 82 consid. 6; 141 IV 1 consid. 1.1; cf. consid. 2 ci-dessous). 
 
1.3. Dans la mesure où les recourants s'en prennent aussi à l'arrêté du 5 octobre 2022, leurs conclusions sont irrecevables en raison de l'effet dévolutif complet des actes déposés auprès de la dernière instance cantonale (art. 67 de la loi cantonale du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative [LPA/GE; RS/GE E 5 10]; ATF 136 II 101 consid. 1.2). Pour le surplus, les conditions de recevabilité sont en revanche remplies si bien qu'il convient d'entrer en matière.  
 
2.  
Lorsqu'une partie n'a pas la qualité pour agir sur le fond, elle ne peut se prévaloir d'une violation de ses droits de partie qu'en présence d'un déni de justice formel (cf. consid. 1.2 ci-dessus). Dans ce cadre, elle peut faire valoir que son recours a été déclaré à tort irrecevable, qu'elle n'a pas été entendue, qu'on ne lui a pas donné l'occasion de présenter ses moyens de preuve ou qu'elle n'a pas pu prendre connaissance du dossier. Elle ne saurait toutefois se plaindre ni de l'appréciation des preuves, ni du rejet de ses propositions si l'autorité retient que les preuves offertes sont impropres à ébranler sa conviction, dès lors que ces griefs sont indissociablement liés à l'examen du fond (ATF 148 IV 82 consid. 6; 136 IV 41 consid. 1.4). 
Les recourants font valoir une violation de leur droit d'être entendu (art. 9 al. 2 Cst.). Ils reprochent à l'autorité précédente de ne pas avoir donné suite, au motif qu'elle était suffisamment renseignée, à leurs requêtes de mesures d'instruction visant à ce que le procès-verbal de la séance de la sous-commission CMNS 2 du 1 er décembre 2020 soit produit, à ce que le DT leur indique le nombre de personnes présentes à cette séance et à ce que l'un des membres de la sous-commission soit auditionné. Ils estiment que seules ces mesures d'instruction auraient permis de s'assurer que la sous-commission CMNS 2 était régulièrement composée.  
En réalité, la critique des recourants vise à démontrer que la sous-commission CMNS 2 du 1 er décembre 2020 aurait été irrégulièrement composée. Elle revient à se plaindre du fait que l'autorité précédente a rejeté leurs offres de preuves, se considérant comme suffisamment renseignée pour statuer en l'état du dossier. Par conséquent, ce grief ne peut être séparé du fond et ne saurait fonder la qualité pour recourir des recourants.  
 
3.  
Les recourants 4 à 7 font grief à l'instance précédente d'avoir statué sur la base d'un état de fait incomplet en lien avec leur qualité pour agir. 
 
3.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2). Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1). La partie recourante doit alors expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (art. 106 al. 2 LTF).  
 
3.2. En l'occurrence, les recourants 4 à 7 reprochent à la CACJ d'avoir omis de préciser la distance exacte qui séparait leurs parcelles des parcelles sur lesquelles est prévue la barre d'immeubles litigieuse. Ils n'exposent toutefois pas en quoi cet élément aurait une influence sur l'examen de leur qualité pour recourir. Dans la mesure où il ressort déjà de l'arrêt attaqué qu'ils sont propriétaires de parcelles voisines de celles qui accueilleront le projet litigieux, on ne voit pas en quoi la mention exacte du nombre de mètres séparant les différentes parcelles aurait été nécessaire.  
Partant, il n'apparaît pas que la CACJ ait fait preuve d'arbitraire dans l'établissement des faits en lien avec la qualité de partie des recourants 4 à 7; le grief doit être écarté. 
 
4.  
Sur le fond, les recourants 4 à 7 invoquent une application arbitraire des dispositions de procédure cantonale (art. 7 et 60 LPA/GE); ils contestent, en substance, la portée que la CACJ confère à la notion de qualité pour recourir, plus particulièrement du critère de l'intérêt digne de protection. 
 
4.1. Aux termes de l'art. 111 al. 1 LTF, la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. L'alinéa 3 précise que l'autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral doit pouvoir examiner au moins les griefs visés aux art. 95 à 98 LTF. Il en résulte que la qualité pour recourir devant les autorités cantonales ne peut pas s'apprécier de manière plus restrictive que la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral, les cantons demeurant libres de concevoir cette qualité de manière plus large (cf. ATF 135 II 145 consid. 5 et les références). Partant, et avant de s'interroger sur le caractère prétendument arbitraire de l'interprétation par la précédente instance des art. 7 et 60 LPA/GE en lien avec l'art. 7 LPMNS, il appartient au Tribunal fédéral de vérifier, librement et d'office (art. 106 al. 1 LTF), à l'aune de l'art. 89 al. 1 LTF, si la qualité pour recourir retenue par la CACJ s'avère conforme au standard minimum posé par le droit fédéral à l'art. 111 al. 1 LTF (cf. ATF 135 II 145 consid. 4; arrêt 2C_68/2015 du 13 janvier 2016 consid. 4.2).  
A teneur de l'alinéa premier de l'art. 89 LTF, a qualité pour recourir quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision attaquée (let. b) et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celle-ci (let. c). Selon la jurisprudence rendue à propos de cette disposition, la partie recourante doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation. Le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 121 II 171 consid. 2b; arrêt 1C_266/2015 du 20 juin 2016 consid. 1.1). 
La proximité avec l'objet du litige ne suffit pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir contre l'octroi d'une autorisation de construire. Celui-ci doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée. Il doit ainsi invoquer des dispositions du droit public des constructions susceptibles d'avoir une incidence sur sa situation de fait ou de droit; peu importe à cet égard que ces dispositions ne soient pas destinées à protéger la partie recourante. Toutefois, de manière à endiguer l'action populaire, la seule poursuite d'un intérêt général et abstrait à la correcte application du droit ne suffit pas (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3; arrêt 1C_754/2013 du 28 avril 2014 consid. 3.1). On admet que la partie recourante retire un avantage pratique à la procédure si l'issue favorable du recours empêche la réalisation de la construction selon les plans autorisés (ATF 137 II 30 consid. 2.3; cf. arrêts 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.2; 1C_266/2015 du 20 juin 2016 consid. 1.2). 
Il incombe à la partie recourante d'alléguer, sous peine d'irrecevabilité, les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir, lorsqu'ils ne ressortent pas de façon évidente de la décision attaquée ou du dossier (ATF 139 II 499 consid. 2.2). 
 
4.2. Les recourants 4 à 7 sont propriétaires de parcelles voisines des parcelles sur lesquelles se trouvent les immeubles qu'ils souhaitent voir inscrits à l'inventaire. Ils affirment disposer d'une vue directe et proche sur l'ensemble de ceux-ci. Ils considèrent que le refus d'inscription à l'inventaire entraînerait la démolition des bâtiments existants et la reconstruction d'une barre d'immeubles sur 8 niveaux (6 étages, rez-de-chaussée et attique) comportant 184 logements. La réalisation de ce projet entraînerait un trafic routier plus important, résultant en une augmentation de la pollution de l'air, ainsi que des nuisances sonores et olfactives. L'impact visuel serait également important, faisant perdre au quartier une grande partie de sa substance historique et naturelle.  
En l'espèce, les autorisations de démolir et de construire ont été octroyées plus d'un mois avant que la demande de mise à l'inventaire ne soit déposée et le recours à leur encontre a été rejeté ce jour par le Tribunal fédéral (cause 1C_276/2023). Ces autorisations ont par ailleurs été préavisées favorablement notamment par le SMS, qui a dans ce cadre effectué une pesée des intérêts entre la conservation des objets patrimoniaux et leur remplacement par un projet de densification. Par conséquent, il n'apparaît pas que la décision de refus de mise à l'inventaire soit un préalable indispensable à la délivrance des autorisations de démolir et de construire. Dans ces conditions, les recourants 4 à 7 ne retireraient aucun avantage pratique de l'admission de leur recours. 
On peine au demeurant à comprendre pour quelle raison les recourants 4 à 7 n'ont pas jugé utile de contester les autorisations de démolir et de construire, tout en recourant contre la décision de refus d'inscription à l'inventaire en faisant valoir qu'ils subiraient des désagréments en lien avec la démolition et la reconstruction projetées. 
 
4.3. Au vu de ce qui précède, la décision attaquée échappe à la critique, à tout le moins dans son résultat, et doit être confirmée en tant qu'elle déclare le recours des propriétaires voisins irrecevable.  
 
5.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 66 al. 1 et 5 LTF). L'intimée, qui a obtenu gain de cause à l'aide d'un mandataire, a droit à des dépens, à charge des recourants (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Les recourants verseront à l'intimée la somme de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, ainsi qu'au Département du territoire et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 24 mai 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Rouiller