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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_684/2023  
 
 
Arrêt du 20 juin 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Stadelmann et Scherrer Reber. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représentée par Me Jeanne-Marie Monney, avocate, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (restitution), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 26 septembre 2023 (AI 316/21 - 260/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par décisions des 18 janvier et 8 février 2019, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a statué sur la demande de prestations déposée par A.________ le 31 août 2015. Il lui a alloué une demi-rente d'invalidité à partir du 1er avril 2016. Il considérait qu'elle n'était plus apte à exercer son activité habituelle mais qu'elle disposait d'une capacité résiduelle de travail de 60 % dans une activité adaptée dès le 1er avril 2015.  
L'assurée a déféré ces décisions à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Elle contestait l'appréciation des répercussions de sa situation médicale et familiale sur sa capacité de travail, ainsi que l'évaluation de son taux d'invalidité. L'office AI a conclu à ce que ses décisions soient annulées et que la cause lui soit renvoyée pour instruction complémentaire portant sur le statut et le revenu sans invalidité. Par arrêt du 13 mai 2019, le tribunal cantonal a constaté que l'administration admettait le caractère incomplet de l'instruction. Il a dès lors annulé les décisions attaquées (sans examiner le fond ni le risque de reformatio in pejus) et a renvoyé la cause à l'autorité administrative pour qu'elle en complète l'instruction au sens des considérants et rende une nouvelle décision. 
 
A.b. Au terme du complément d'instruction, l'office AI n'a relevé aucun changement (rapports de son Service médical régional [SMR] des 14 novembre 2019 et 15 février 2021) autre que le statut (désormais mixte, de 60 % pour la part active et de 40 % pour la part ménagère; rapports d'enquêtes des 15 janvier 2020 et 19 janvier 2021). Par décision du 10 août 2021, il a considéré que l'intéressée présentait un taux d'invalidité de 13,65 % du 1er avril 2016 (fin du délai d'attente) au 31 décembre 2017, de 34,72 % du 1er janvier 2018 (entrée en vigueur de la nouvelle teneur de l'art. 27bis RAI) au 16 décembre 2018 (séparation d'avec le mari) puis de 40 %. Il lui a alloué un quart de rente d'invalidité dès le 1er décembre 2019 pour "calculer une invalidité moyenne [de 40 %] sur douze mois". Il a aussi constaté qu'il avait versé à tort un montant de 70'560 fr. entre le 1er avril 2016 et le 31 août 2021. Il a requis la restitution de 59'083 fr., déduction faite des 11'477 fr. dus depuis le 1er décembre 2019.  
 
B.  
Saisie du recours de A.________ contre cette décision, la juridiction cantonale l'a partiellement admis par arrêt du 26 septembre 2023. Elle a réformé la décision administrative litigieuse en ce sens que l'assurée avait droit à un quart de rente d'invalidité dès le 1er octobre 2021 et l'a annulée en tant qu'elle exigeait la restitution de la demi-rente d'invalidité versée indûment du 1er avril 2016 au 31 août 2021, compensée avec le quart de rente d'invalidité alloué depuis le 1er décembre 2019. 
 
C.  
L'office AI forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Il requiert son annulation et conclut principalement à la confirmation de sa décision du 10 août 2021 et, subsidiairement, au renvoi de la cause aux premiers juges pour qu'ils examinent les questions qui ne seraient pas en état d'être jugées et rendent une nouvelle décision. 
A.________ a conclu au rejet du recours et l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.  
Le litige porte sur la restitution de 59'083 fr. conformément à l'art. 25 al. 1 première phrase LPGA. Cette somme correspond au montant de la demi-rente (70'560 fr.) accordée à l'intimée du 1er avril 2016 au 31 août 2021 (décisions des 18 janvier et 8 février 2019 annulées par arrêt du 13 mai 2019), diminuée du montant du quart de rente (11'477 fr.) versé entre le 1er décembre 2019 et le 31 août 2021 (décision du 10 août 2021). Vu les arguments avancés dans le recours, il s'agit plus particulièrement de déterminer si la juridiction cantonale était fondée à nier le droit de l'office recourant de demander la restitution des prestations en cause au motif que le droit de l'assurée à un quart de rente d'invalidité était né le 1er octobre 2021. 
 
3.  
D'après l'art. 25 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées (al. 1 première phrase). Le droit de demander la restitution s'éteint un an (trois ans depuis le 1er janvier 2021) après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation (al. 2 première phrase). 
 
4.  
Sur la base du dossier constitué, le tribunal cantonal a considéré que l'intimée n'était plus apte à exercer son activité habituelle depuis le 1er avril 2015 mais qu'elle disposait d'une capacité résiduelle de travail de 60 % dans une activité adaptée dès la même date. Il a aussi confirmé le statut mixte, de même que l'évolution et la quotité du taux d'invalidité de l'assurée depuis la fin du délai d'attente le 1er avril 2016, tels qu'ils avaient été retenus par l'office recourant. Il a par ailleurs examiné la question de la restitution des 59'083 fr. correspondant à la valeur de la demi-rente d'invalidité versée du 1er avril 2016 au 31 août 2021 réduite du quart de rente d'invalidité versé entre les 1er décembre 2019 et 31 août 2021. Il a en particulier constaté que le montant, dont la restitution était demandée, avait été versé indûment dès lors qu'il reposait sur les décisions des 18 janvier et 8 février 2019, qui avaient été annulées par l'arrêt du 13 mai 2019. À la différence de ce qu'avait retenu l'office recourant, il a fixé la date de "la modification des prestations" au 1er octobre 2021 (le premier jour du deuxième mois suivant la notification de la décision du 10 août 2021). Il a précisé à cet égard que, même si l'on ne se trouvait pas dans le cas d'une reconsidération par l'administration d'une décision erronée mais dans celui d'une nouvelle décision rendue après l'annulation par l'autorité judiciaire d'une décision erronée, il n'y avait pas de motif de traiter différemment les deux situations quant aux effets temporels de la nouvelle décision. Il a ajouté que, dans la mesure où l'erreur ayant motivé la rectification de la décision antérieure portait sur un aspect qui avait spécifiquement trait au droit de l'assurance-invalidité (soit, le statut de l'assurée et, par conséquent, le choix de la méthode [mixte] d'évaluation de l'invalidité), il se justifiait de modifier la prestation d'assurance due avec un effet ex nunc et pro futuro, conformément aux art. 85 al. 2 et 88bis al. 2 RAI, ainsi qu'à la jurisprudence relative à la restitution de prestations indues dans le cadre d'une procédure de reconsidération, et, partant, de nier le droit de l'office recourant de réclamer la restitution. Il a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les autres conditions de l'art. 25 LPGA
 
5.  
 
5.1.  
 
5.1.1. L'administration fait d'abord grief aux premiers juges d'avoir violé le droit fédéral en appliquant au cas d'espèce les règles applicables à la reconsidération d'une décision initiale erronée. Elle argue qu'il n'est pas nécessaire de disposer d'un motif de révision, de reconsidération ou de révision procédurale pour demander la restitution de prestations versées sur la base de décisions annulées judiciairement. Elle considère que la cour cantonale aurait dû confirmer la naissance du droit de l'assurée à un quart de rente d'invalidité au 1er décembre 2019 et admettre l'obligation de celle-ci de restituer les rentes perçues en trop.  
 
5.1.2. Les décisions rendues les 18 janvier et 8 février 2019 justifiaient le droit de l'assurée à une demi-rente d'invalidité. Elles ont cependant été annulées par l'arrêt du 13 mai 2019 et la cause a été renvoyée à l'administration afin qu'elle complète l'instruction et rende une nouvelle décision. Le Tribunal fédéral a déjà jugé que des prestations servies sur la base de décisions annulées par une autorité judiciaire (comme c'est le cas de la demi-rente d'invalidité en l'occurrence) ne reposaient sur aucun fondement juridique (cf. arrêt 9C_761/2012 du 7 juin 2013 consid. 3.1). Or selon la jurisprudence, il n'est pas nécessaire d'avoir un motif de révision, de reconsidération ou de révision procédurale pour exiger la restitution de prestations qui ne reposent sur aucun fondement juridique ou, autrement dit, qui n'ont fait l'objet d'aucune décision entrée en force (cf. arrêt 9C_564/2009 du 22 janvier 2010 consid. 6.4 et les références in: SVR 2010 IV n° 45 p. 141). Les premiers juges ont donc violé le droit fédéral en assimilant le cas particulier (nouvelle décision rendue après l'annulation par une autorité judiciaire d'une décision erronée) à celui de la reconsidération par un office AI d'une décision erronée. Ils n'avaient en conséquence aucune raison d'appliquer la jurisprudence distinguant les effets dans le temps d'une reconsidération en fonction de la qualification de "spécifique au droit de l'assurance-invalidité" (effet ex nunc) ou d'"analogue au droit de l'assurance-vieillesse et survivants" (effet ex tunc) des aspects sur lesquels portaient l'erreur justifiant la reconsidération (cf. ATF 119 V 431 consid. 2; arrêt 9C_678/2011 du 4 janvier 2012 consid. 5.1 et les références in: SVR 2012 IV n° 35 p. 136). Peu importe dès lors que ce soient le statut et le choix de la méthode d'évaluation de l'invalidité qui ont conduit l'office recourant à reconnaître le droit de l'intimée à un quart de rente (plutôt qu'à une demi-rente) dans sa décision du 10 août 2021, la juridiction cantonale se devait d'admettre l'obligation de l'assurée de restituer les prestations indues au sens de l'art. 25 al. 1 première phrase LPGA dans les limites de l'art. 25 al. 2 première phrase. Le grief soulevé par l'administration concernant l'obligation de restituer se révèle fondé.  
 
5.1.3. On précisera toutefois que, contrairement à ce qu'allègue l'office recourant, le droit de l'intimée au quart de rente n'est pas né le 1er décembre 2019 mais le 1er décembre 2018. Selon les constatations du tribunal cantonal, l'assurée a effectivement présenté une incapacité ininterrompue de travail de 40 % depuis le 1er avril 2015, de sorte que le délai d'attente d'une année était écoulé au 31 mars 2016 (art. 28 al. 1 let. b LAI). Son taux d'invalidité a atteint 40 % le 16 décembre 2018, de sorte que son droit au quart de rente est bien né le 1er décembre 2018 (art. 28 al. 1 let. c LAI), sa demande de prestations ayant été déposée plus de six mois auparavant (art. 29 al. 1 LAI). Ce point ne peut toutefois pas être corrigé dans la mesure où le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF), de sorte que la confirmation de la décision du 10 août 2021 quant au principe de la restitution revient à confirmer la naissance du droit de l'intimée à un quart de rente au 1er décembre 2019.  
 
5.2.  
 
5.2.1. L'office recourant reproche par ailleurs aux premiers juges de ne pas avoir examiné les conditions de l'art. 25 al. 2 LPGA.  
 
5.2.2. Compte tenu de la solution adoptée par la juridiction cantonale, il est logique que cette autorité n'ait pas examiné la question de la péremption du droit de l'administration de demander la restitution des prestations indues et n'ait procédé à aucune constatation factuelle à cet égard. Il convient toutefois de combler cette omission. Le Tribunal fédéral peut effectivement lui-même constater les faits et les apprécier (art. 105 al. 2 LTF) lorsque l'état de l'instruction le permet (cf. arrêt 9C_906/2010 du 5 avril 2011 consid. 3.2.4 in: SVR 2011 IV n° 67 p. 201).  
 
5.2.3. Selon la jurisprudence, le délai de péremption relatif d'un an commence à courir dès le moment où l'administration aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention qu'on pouvait raisonnablement exiger d'elle. L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde - quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution. Si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires. À défaut, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où elle aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 148 V 217 consid. 5.2.2; arrêt 8C_78/2022 du 3 octobre 2022 consid. 4.4). Dans le cas d'une nouvelle décision rendue après l'annulation par une autorité judiciaire d'une décision erronée et le renvoi de la cause à l'autorité administrative pour instruction complémentaire, le Tribunal fédéral a jugé que le début du délai relatif de péremption d'une année n'est pas le moment du prononcé du jugement de renvoi mais dépend des circonstances du cas d'espèce et correspond à celui où l'administration a connaissance du résultat définitif du complément d'instruction justifiant l'obligation de restituer (arrêt 9C_195/2014 du 3 septembre 2014 consid. 4 et les références in: SVR 2015 IV n° 5 p. 10).  
 
5.2.4. Compte tenu de ce qui précède, le délai relatif de péremption de l'art. 25 al. 2 LPGA a en l'occurrence commencé à courir au plus tôt à l'époque où l'office recourant a pris connaissance des résultats du complément d'instruction (soit les 19 janvier et 15 février 2021, lorsque l'administration a obtenu le dernier rapport d'enquête économique sur le ménage et que le SMR a apprécié les nouveaux rapports médicaux récoltés) dans la mesure où le droit à la rente n'était pas clairement établi (ni par conséquent l'obligation de restituer) au moment du renvoi. En réclamant pour la première fois la restitution de 59'083 fr. dans sa décision du 10 août 2021, l'office recourant a agi dans le délai relatif de trois ans (en vigueur depuis le 1er janvier 2021). En revanche, comme la créance en restitution portait sur la demi-rente versée depuis le 1er avril 2016, l'administration ne pouvait réclamer le remboursement des prestations allouées avant le mois d'août 2016, le délai absolu de péremption de cinq ans étant acquis pour ces prestations. Il convient dès lors d'annuler la décision administrative litigieuse et de renvoyer la cause à l'office recourant pour qu'il établisse le montant à restituer conformément à ce qui précède.  
 
6.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont répartis entre les parties à raison d'un quart à la charge de l'office recourant et de trois-quarts à la charge de l'intimée (art. 66 al. 1 LTF). Cette dernière a droit à des dépens réduits à la charge de l'administration (art. 68 al. 1 LTF). La cause est par ailleurs renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure (art. 67 et 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 26 septembre 2023 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 10 août 2021 sont annulés. La cause est renvoyée à l'office AI pour nouvelle décision au sens des considérants. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis pour 200 fr. à la charge du recourant et pour 600 fr. à la charge de l'intimée. 
 
3.  
Le recourant versera à l'intimée la somme de 700 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 20 juin 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Cretton