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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_186/2024  
 
 
Arrêt du 18 juin 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par B.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Administration fiscale cantonale du canton de Genève, 
rue du Stand 26, 1204 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Impôts cantonaux et communaux du canton de Genève et impôt fédéral direct, période fiscale 2020, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative du 13 février 2024 (A/1842/2022-ICCIFD ATA/213/2024). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ (ci-après: la contribuable) est propriétaire de la parcelle n° xxx de la commune de U.________, dans le canton de Genève. 
L'Administration fiscale cantonale du canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale) a procédé à la taxation de la contribuable pour l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD), ainsi que pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après: ICC) de l'année fiscale 2020 (bordereaux de taxation du 10 août 2021). 
Statuant sur réclamation le 5 mai 2022 et après avoir invité la contribuable à se déterminer, l'Administration fiscale a rectifié les bordereaux de taxation du 10 août 2021 en défaveur de A.________. 
 
B.  
 
B.a. Par jugement du 13 mars 2023, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le TAPI) a déclaré sans objet le recours de la contribuable contre les décisions sur réclamation du 5 mai 2022. En substance, il a considéré qu'à la suite de bordereaux rectificatifs adoptés le 12 septembre 2022 par l'Administration fiscale, la contribuable avait entièrement obtenu gain de cause sur le fond du litige, à savoir quant au montant des impôts réclamés en fonction de la valeur locative de l'immeuble à U.________, puisque ceux-ci avaient été supprimés.  
 
B.b. La Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative (ci-après: la Cour de justice) a, par arrêt du 13 février 2024, rejeté le recours formé par A.________ dans la mesure où il était recevable.  
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ conclut en substance et à titre principal à l'annulation de l'arrêt cantonal du 13 février 2024 et à ce qu'il soit constaté que le recours interjeté contre le jugement du TAPI du 13 mars 2023 est recevable, "la Cour de justice n'ayant pas examiné l[e] fond de la contestation". Elle demande également que la cause soit renvoyée à la Cour de justice ou au TAPI pour nouvelle décision dans le sens des considérants. À titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation des bordereaux rectificatifs du 12 septembre 2022 et à ce qu'il soit ordonné à l'Administration fiscale et à l'Administration fédérale des contributions de rectifier ceux-ci "pour supprimer, sans compensation, la taxation de la valeur locative". Entre autres conclusions supplémentaires, la contribuable demande à ce que l'Administration fiscale soit condamnée à l'indemniser "pour le tort moral découlant des traitements caractérisant la mauvaise foi de l'administration et l'arbitraire". 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. La décision attaquée est finale (art. 90 LTF) et a été rendue par une autorité judiciaire supérieure de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est partant ouverte (cf. aussi art. 146 LIFD et 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]).  
 
1.2. L'instance précédente a traité dans un seul arrêt de l'IFD et des ICC, ce qui est admissible. Partant, le dépôt d'un seul acte de recours est aussi autorisé, dans la mesure où la recourante s'en prend aux deux catégories d'impôts (ATF 142 II 293 consid. 1.2; 135 II 260 consid. 1.3.1).  
 
1.3. Le recours a été déposé en temps utile et dans les formes requises par la recourante qui, destinataire de l'arrêt attaqué, a qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière, sous réserve de ce qui suit.  
 
1.4.  
 
1.4.1. Selon l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, le recours doit indiquer, entre autres exigences, les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, en exposant succinctement en quoi l'acte attaqué est contraire au droit. Pour satisfaire à ces exigences, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse et d'expliquer en quoi ceux-ci seraient contraires au droit (ATF 148 IV 205 consid. 2.6; 140 III 86 consid. 2). La motivation doit être topique, c'est-à-dire se rapporter à la question juridique tranchée par l'autorité cantonale. De manière générale, un recours ne comportant que des arguments sur le fond, alors que l'autorité dont le jugement est attaqué ne traite que d'une question de procédure, ne constitue pas un recours valable, faute de contenir une motivation topique (cf. ATF 123 V 335).  
 
1.4.2. La Cour de justice a uniquement examiné le point de savoir si c'était à juste titre que le TAPI avait déclaré le recours de la contribuable sans objet. Elle a donc statué seulement sur la question de qualité pour agir de la contribuable devant l'instance précédente. Dès lors que l'arrêt attaqué traite de ce seul aspect, le Tribunal fédéral n'entrera pas en matière sur les arguments présentés par la recourante en lien avec le fond de la cause (soit notamment la violation alléguée des art. 9 Cst., 21 al. 1 let b, 33 al. 1 let. c et 123 al. 1 LIFD ou encore de certaines dispositions de la loi fédérale du 25 septembre 2020 sur la protection des données [RS 235.1] en relation avec des "demandes d'information" à l'administration formulées par la recourante). Ces motifs ne sont en effet pas topiques au sens de l'art. 42 LTF, conformément à la jurisprudence qui vient d'être rappelée.  
 
1.5. Les conclusions relatives à l'annulation des bordereaux rectificatifs du 12 septembre 2022 de l'Administration fiscale, respectivement à leur modification, sont irrecevables en raison de l'effet dévolutif complet du recours auprès de la Cour de justice (cf. ATF 136 II 539 consid. 1.2; arrêt 9C_683/2023 du 18 décembre 2023 consid. 1.3).  
 
1.6. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Cette exception, dont il appartient au recourant de démontrer que les conditions sont remplies (ATF 143 V 19 consid. 1.1), vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée, par exemple concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente afin d'en contester la régularité, ou encore des faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours. En dehors de ces cas, les nova ne sont pas admissibles, qu'il s'agisse de faits ou moyens de preuve survenus postérieurement à la décision attaquée (ATF 144 V 35 consid. 5.2.4) ou d'éléments que les parties ont négligé de présenter aux autorités cantonales (ATF 143 V 19 consid. 1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3).  
En l'espèce, les pièces produites pour la première fois par la contribuable devant le Tribunal fédéral et qui ont trait à une procédure civile la concernant, ne seront pas pris en compte. La recourante n'explique en effet pas pourquoi elle n'aurait pas été en mesure de les produire devant la juridiction cantonale, alors qu'elles sont antérieures à l'arrêt déféré. De plus, ces pièces ne résultent pas davantage de l'arrêt cantonal. Elles n'ont, au demeurant, aucune pertinence pour l'issue du présent litige. 
 
2.  
 
2.1. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Il examine en principe librement l'application du droit fédéral ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID (cf. ATF 134 II 207 consid. 2; arrêt 2C_826/2015 du 5 janvier 2017 consid. 2, non publié in ATF 143 I 73).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF.  
 
3.  
Le litige porte sur le point de savoir si la Cour de justice a considéré à bon droit que la contribuable ne disposait pas d'un intérêt à recourir contre le jugement rendu par la juridiction administrative de première instance. 
 
4.  
La juridiction cantonale a retenu que la recourante avait obtenu entièrement gain de cause par le biais des bordereaux rectificatifs émis par l'Administration fiscale pendant la procédure devant le TAPI. Dès lors, que la diminution d'impôt (en faveur de la contribuable) se fît par le biais d'un poste plutôt que d'un autre ne revêtait aucune importance. Puisque l'objet du litige avait disparu pendant la procédure de première instance, c'était à bon droit que le TAPI avait déclaré le recours sans objet. L'argumentation de recourante revenait à demander non pas la modification du dispositif de la décision, mais de ses motifs. Il s'agissait dès lors d'un intérêt théorique à recourir, et non pratique. 
 
5.  
À l'encontre de ce raisonnement, la recourante soutient avant tout que la Cour de justice aurait à tort nié sa qualité pour recourir contre le jugement du TAPI. 
 
6.  
 
6.1. Aux termes de l'art. 111 al. 1 LTF, la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. Dès le premier échelon et à tous les niveaux de la procédure cantonale, les conditions pour être partie ne peuvent ainsi pas être appliquées de manière plus restrictive qu'elles ne le sont pour recourir devant le Tribunal fédéral, étant précisé que les cantons demeurent libres de concevoir cette qualité de manière plus large (ATF 144 I 43 consid. 2.1; arrêt 2C_196/2023 du 7 février 2024 consid. 4.1 destiné à publication).  
 
6.2.  
 
6.2.1. À teneur de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour recourir en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision attaquée (let. b) et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celle-ci (let. c). Ces conditions sont cumulatives (ATF 137 II 40 consid. 2.2).  
Selon la jurisprudence, l'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à la partie recourante en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Il implique que la partie recourante soit touchée de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation. Un intérêt public purement indirect ou exclusivement général, sans que la personne ne soit elle-même dans un rapport suffisamment étroit avec le litige, ne suffit pas à lui conférer la qualité de partie (arrêt 2C_508/2023 du 24 janvier 2024 consid. 1.2.3 et les références). 
 
6.2.2. La question de l'intérêt digne de protection, de fait ou de droit, actuel et pratique, présente aussi une dimension spécifique dans le contexte du droit fiscal (arrêt 9C_611/2022 du 14 mars 2023 consid. 2.3.1). Elle s'est avant tout posée dans le contexte des taxations dites "taxation zéro". Ainsi, lorsqu'un contribuable reçoit une taxation sur un revenu nul et qu'il n'a en conséquence pas d'impôt à payer, le montant des pertes qui ont conduit à la taxation sur un revenu nul constitue uniquement un motif de la décision de taxation, de sorte que ce montant ne bénéficie pas de la force de chose jugée matérielle. Par conséquent, dans la mesure où un contribuable souhaite que le montant de la perte à reporter sur la période fiscale suivante soit arrêté, un intérêt actuel digne de protection lui fait défaut (ATF 140 I 114 consid. 2.4; arrêt 9C_611/2022 du 14 mars 2023 consid. 2.3.2.1).  
Il peut cependant en aller autrement lorsque la taxation zéro - malgré l'absence d'un impôt à payer durant la période fiscale litigieuse - peut déployer des effets juridiques immédiats, dont la clarification ne souffre d'être différée (arrêts 9C_416/2023 du 16 mai 2024 consid. 2.3.2 destiné à publication; 9C_611/2022 du 14 mars 2023 consid. 2.3.2.2 et les références). Cependant et à l'exception de ce cas particulier, il n'existe un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification d'une décision de taxation que lorsque le contribuable demande une diminution des facteurs déterminants ou une charge fiscale globalement plus basse pour la période fiscale litigieuse (arrêts 9C_106/2024 du 14 mars 2024 consid. 3.4.1; 9C_611/2022 du 14 mars 2023 consid. 2.3.2.2 et les références). 
 
6.2.3. En outre, on rappellera que seul le dispositif d'une décision entre en force, de sorte que seul celui-ci, à l'exception de la motivation ou des considérants (motifs), peut être attaqué (et donc constituer l'objet du litige; ATF 147 II 227 consid. 5.4.8.2; 140 I 114 consid. 2.4.2; arrêt 9C_611/2022 du 14 mars 2023 consid. 2.2.3 et les références).  
 
6.3. En se référant avant tout à l'existence d'un "préjudice [...] idéal" et en soutenant que les principes sur la recevabilité d'un recours en lien avec l'intérêt pour agir devraient être pondérés, la recourante ne présente pas une argumentation qui démontrerait que les facteurs déterminants relatifs à sa taxation IFD et ICC de l'année 2020 auraient dû être fixés de manière plus basse par l'Administration fiscale, pas plus qu'elle n'établit pouvoir obtenir une diminution de sa charge fiscale par rapport à celle qui a été fixée par les décisions de taxation du 12 septembre 2022. Partant, elle ne montre pas qu'elle aurait eu un intérêt de fait à recourir contre le jugement du TAPI parce qu'elle aurait bénéficié d'une diminution des impôts dus pour la période fiscale litigieuse.  
Par ailleurs, en alléguant que le fond du litige ne porterait pas sur le montant des impôts dus mais sur "la pertinence et la légalité même de la taxation de la VL [valeur locative]", la recourante ne met pas en évidence que les décisions de taxation rendues en cours de procédure auraient déployé des effets juridiques immédiats, dont la clarification aurait justifié un intérêt juridique suffisant en lien avec l'année fiscale concernée. 
Il s'ensuit que c'est à bon droit que les juges cantonaux ont confirmé que la recourante ne disposait pas d'un intérêt digne de protection à contester le jugement de la juridiction administrative de première instance, puisqu'elle avait obtenu gain de cause pendant la procédure devant celle-ci (sur la possibilité pour l'autorité de taxation de revoir sa décision en cas de recours, arrêts 2C_637/2012 du 4 octobre 2012 consid. 5.1; 2C_653/2012 du 28 août 2012 consid. 4). 
 
6.4. De plus et dès lors que le raisonnement de la Cour de justice relève d'une application correcte des règles relatives à la qualité pour recourir, l'arrêt entrepris ne méconnaît pas la garantie de l'accès au juge figurant à l'art. 29a Cst (cf. arrêt 2C_444/2021 du 19 octobre 2021 consid. 3.9), contrairement à ce que prétend la recourante. Pour les mêmes motifs, on ne saurait la suivre lorsqu'elle affirme que son droit d'être entendue aurait été violé, en raison du fait que ses arguments sur le fond n'auraient pas été examinés (sur le droit d'être entendu au sens de l'art. 29 al. 2 Cst. et l'examen des moyens soulevés par les parties, cf. ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2).  
 
7.  
Entièrement mal fondé, le recours doit être rejeté. 
 
8.  
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct de l'année fiscale 2020. 
 
2.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il concerne les impôts cantonaux et communaux de l'année fiscale 2020. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4ème section, et à l'Administration fédérale des contributions. 
 
 
Lucerne, le 18 juin 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser