Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_301/2023  
 
 
Arrêt du 16 juillet 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Juge présidant, Hohl et May Canellas. 
Greffier : M. Botteron. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Daniel Tunik et Me Xin Ye, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Thibault Blanchard, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
contrat e-forex; contestation d'un montant global; échec de la preuve de ce montant; restitution des avoirs en compte, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 8 mai 2023 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (PT16.021199-201668, 194). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ SA (ci-après: la banque ou la demanderesse ou la recourante), à U.________, est une société anonyme qui offre notamment à ses clients un accès aux principaux marchés boursiers du monde, leur permettant de procéder en ligne à des transactions boursières, ainsi qu'à des opérations de négoce sur devises (ci-après: les opérations forex).  
Les opérations forex sont des opérations par lesquelles des devises sont échangées l'une contre l'autre (on parle de paires de devises), comme la paire USD/CHF. Il s'agit d'opérations hautement spéculatives, et ce d'autant plus lorsque l'effet de levier est important. Elles entraînent donc des possibilités de gain et des risques de pertes très importants. Le marché du négoce de devises est en outre très sensible aux différents impondérables de l'actualité. 
La banque a développé sa propre plateforme informatique de négoce de devises en ligne, dénommée C.________. L'effet de levier va jusqu'à un facteur 100, l'effet de levier par défaut étant l'effet maximal de 100. La banque propose un cours pour des paires de devises sur son site internet, cours qu'elle donne sur la base de cours qu'elle reçoit d'autres banques ou fournisseurs, auxquels elle ajoute sa rémunération ("spread"). Le client décide sur cette base de passer un ordre d'achat ou de vente. La banque se fournit alors auprès d'un fournisseur. Si l'ordre du client débouche sur une transaction, la banque est sa contrepartie: elle est donc son vendeur ou son acheteur suivant l'ordre donné. 
Pour éviter que les comptes des clients ne deviennent négatifs et que ceux-ci perdent donc plus que la totalité de leur ligne de crédit e-forex, la banque a mis en place un système de liquidation automatique. Ce système s'enclenche dès que leur ligne de crédit atteint ou tombe au-dessous d'un certain pourcentage de la marge requise pour leurs positions ouvertes; toutes les positions ouvertes du client sont alors liquidées et ses ordres ouverts sont effacés. La banque gère seule ce système et elle fixe, seule et à sa guise, le pourcentage de la marge au-dessous duquel le système de liquidation automatique se déclenche. Suivant le moment auquel la liquidation forcée survient, elle peut provoquer une perte pour le client sans que celui-ci ne puisse l'empêcher. 
D.________, entendu comme témoin, a déclaré que, lorsque le système de liquidation automatique ferme la position d'un client, la banque a deux possibilités: soit elle conserve dans son stock la position liquidée si sa quantité lui permet de la vendre dans le cercle de ses clients avec une marge, soit la position est revendue à un des partenaires de la banque. 
 
A.b. B.________ (ci-après: le client ou le défendeur ou l'intimé) est un ressortissant suisse, domicilié dans le canton de Vaud, qui a exercé comme analyste junior auprès de plusieurs banques, puis comme analyste confirmé.  
Il a ouvert un compte (n° xxx) auprès de la banque en février 2011 et a accepté le contrat e-forex pour l'utilisation de la plateforme C.________. 
L'art. 4.10 (Système de liquidation automatique) ch. ii et vii des conditions générales du contrat e-forex dispose: 
 
" ii. [...] Vous acceptez d'ores et déjà toute transaction ou opération qui sera effectuée en vertu du Système de liquidation automatique et reconnaissez être seul responsable des éventuelles pertes, dommages et autres conséquences liés à la liquidation automatique de vos positions" 
"vii. Dans l'hypothèse où le Système de liquidation automatique ne parviendrait pas à limiter les pertes au montant total de la Ligne de crédit e-forex [...] le montant de vos pertes non couvert sera débité de votre Compte banque. Si ce montant n'est pas disponible en cash sur votre Compte banque, A.________ se réserve le droit de clôturer toute ou partie des positions ouvertes dans votre Compte banque, sans avis préalable et à sa libre appréciation, i ndépendamment du fait qu'il pourrait en résulter une perte importante pour vous. À cet égard, A.________ a un droit de nantissement de premier rang et un droit de rétention sur tous les actifs que vous détenez chez A.________. Si de tels avoirs ne sont pas disponibles, vous aurez l'obligation de payer immédiatement la somme d'argent nécessaire pour couvrir le solde négatif sur votre Compte banque, qui vaut reconnaissance de dette au sens de la Loi suisse sur la poursuite pour dettes et la faillite." 
Dès le 28 février 2011, le client a essentiellement procédé à des transactions forex par le biais de la plateforme de la banque C.________, et ce sur différentes paires de devises, dont la paire USD/CHF. Il s'est vu concéder un effet de levier, lui permettant d'ouvrir des positions dont la valeur était largement supérieure à ses avoirs en compte. 
 
A.c. La Banque nationale suisse (ci-après: BNS) avait, le 6 septembre 2011, instauré un taux plancher de 1.20 fr. pour 1 euro pour répondre aux préoccupations croissantes liées à la hausse du franc suisse.  
Au soir du 14 janvier 2015, le client disposait sur son compte d'un montant de 193'325 USD et de 17 positions sur devises, notamment d'une position USD/CHF, l'exposant au dollar américain, de 6'000'000 au cours de 0.986378, qu'il avait constituée progressivement depuis le mois d'octobre 2014. 
Le 15 janvier 2015 à 10h25, le dollar américain s'échangeait à un cours proche de 1.02 fr. et le client disposait d'une marge disponible de 423'477,48 USD 
 
A.d. A 10h30, la BNS a abandonné le taux plancher. Cela a provoqué une appréciation du franc suisse par rapport à l'euro et au dollar américain et a entraîné un mouvement de panique sur les marchés financiers. La paire USD/CHF a été fortement impactée. Cela a entraîné un assèchement subit de la liquidité des marchés qui a rendu impossible l'exécution d'ordres dans des conditions normales.  
À 10h31, le compte du client est passé en "alerte de marge". À 10h36 et 22 secondes, le système de liquidation automatique s'est déclenché et a entraîné la liquidation de toutes les positions ouvertes du client, sauf celle sur la paire USD/BRL, soit 16 positions. Pour la position du client USD/CHF, le taux de change était au plus bas, soit à un cours situé entre 0.76 et 0.77 fr. 
À 10h41, la banque a stoppé tout négoce de la paire de devises EUR/CHF et, à 10h50, de toutes les paires comprenant le franc suisse. 
À 11h14, à la reprise du négoce, la paire USD/CHF s'échangeait à 0.89 fr. et est restée stable par la suite. 
À 14h02, la position restante du client en USD/BRL a également été liquidée. 
 
A.e. Le 26 janvier 2015, la banque a avisé le client que ses positions avaient dû être liquidées, que le solde de son compte était négatif et l'a invité à régler le montant de 929'075 USD.  
 
B.  
Par demande du 29 avril 2016, la banque a ouvert action en paiement contre le client devant la Chambre patrimoniale du canton de Vaud, concluant à ce qu'il soit condamné à lui payer le montant de 929'075 USD avec intérêts à 5 % l'an dès le 13 février 2015. 
Dans ses allégués n° 83 à 86, la banque a indiqué que la liquidation automatique des positions du client le 15 janvier 2015 à 10h36 s'est soldée par une perte de 1'014'902,93 USD, la position USD/BRL demeurant ouverte, puis que, après liquidation de la position USD/BRL, la perte se montait à 1'054'220,22 USD, ensuite que la perte en fin de journée, après conversion automatique dans la devise passerelle du compte du client, s'élevait à 1'125'991,40 USD et enfin, qu'après déduction des avoirs en compte du client de 193'325,62 USD, le débit du compte était de 929'075 USD. Elle a produit différentes pièces. 
Dans sa réponse, le client défendeur a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement, a conclu à la condamnation de la banque à lui restituer le montant de 193'325,62 USD avec intérêts à 5 % l'an dès le 17 octobre 2016. 
Aux allégués 83 à 90, le défendeur a répondu: "Contestés". 
Les parties ont encore répliqué et dupliqué, puis elles ont introduit plusieurs nova. 
Par jugement du 7 avril 2020, la Chambre patrimoniale cantonale a notamment condamné le défendeur à verser à la demanderesse le montant de 929'075 USD (ch. I) avec intérêts à 5 % l'an dès le 14 février 2015; elle a rejeté sa demande reconventionnelle, la banque ayant valablement compensé ce montant. 
Statuant sur appel du défendeur le 8 mai 2023, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a réformé le jugement attaqué en ce sens que la demande principale de la banque a été rejetée et que, sur reconvention, la demanderesse a été condamnée à verser au défendeur le montant de 193'325,62 USD avec intérêts à 5 % l'an dès le 4 novembre 2016. 
 
C.  
Contre cet arrêt, qui lui a été notifié le 16 mai 2023, la demanderesse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 15 juin 2023, concluant à ce que sa demande soit admise dans le sens du jugement de la Chambre patrimoniale et à ce que la demande reconventionnelle soit rejetée; subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle fait valoir, premièrement, que le défendeur n'a pas contesté les montants des pertes qu'elle invoquait, qui n'avaient donc pas à être prouvés, et qu'en admettant le contraire, la cour cantonale a violé les art. 55 al. 1, 150 al. 1 et 222 al. 2 CPC; deuxièmement, elle se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits et de violation des art. 157, 177 et 178 CPC
L'intimé a conclu au rejet du recours. 
Les parties ont encore déposé chacune des observations. 
La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), par la demanderesse qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Vaud (art. 75 LTF) dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, compte tenu de l'obligation de motiver qui incombe au recourant en vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine pas, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, mais uniquement celles qui sont soulevées devant lui, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2). Il ne traite donc pas les questions qui ne sont plus discutées par les parties (ATF 140 III 86 consid. 2). Il n'examine pas non plus les griefs qui n'ont pas été soumis à l'instance cantonale précédente (principe de l'épuisement des griefs; ATF 143 III 290 consid. 1.1; 147 III 172 consid. 2.2). Il demeure toutefois libre d'intervenir s'il estime qu'il y a une violation manifeste du droit (ATF 140 III 115 consid. 2).  
Lorsqu'il entre en matière sur une question, il n'est lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 140 III 86 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1; 133 III 545 consid. 2.2). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de l'arrêt attaqué (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles ne soient manifestement inexactes (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 144 III 93 consid. 5.2).  
Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 144 III 145 consid. 2; 132 I 13 consid. 5.1; 131 I 217 consid. 2.1, 57 consid. 2; 129 I 173 consid. 3.1). 
En matière de constatations de fait et d'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2). En cette matière également, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables, il faut encore que le résultant de celle-ci soit insoutenable. 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
 
3.  
Il n'est pas contesté que les parties sont liées par un contrat e-forex pour l'utilisation de la plateforme de négoce de devises de la banque dénommée C.________. 
 
3.1. La cour cantonale a retenu que, selon l'art. 4.10 ch. ii des conditions générales applicables à ce contrat e-forex, le client accepte d'ores et déjà toute transaction ou opération qui sera effectuée en vertu du système de liquidation automatique et reconnaît être seul responsable des éventuelles pertes, dommages et autres conséquences liées à la liquidation automatique de ses positions, et que, d'après, l'art. 4.10 ch. vii, dans l'hypothèse où le système de liquidation automatique ne parviendrait pas à limiter les pertes du client au montant total de sa ligne de crédit e-forex, le montant de ses pertes non couvert sera débité de son compte bancaire et qu'il devra payer le solde négatif, lequel vaut reconnaissance de dette au sens de la LP.  
La cour cantonale en a déduit, premièrement, que le client a accepté que le montant des pertes non couvert soit débité de son compte bancaire et que, s'il n'est pas disponible en cash, il doive régler immédiatement le solde négatif. Deuxièmement, elle a exclu que la clause, qui prévoit que le solde négatif du compte vaut reconnaissance de dette au sens de la LP, permette de considérer que le solde négatif du compte ferait foi. Troisièmement, elle a donc jugé qu'il incombe à la banque de prouver le montant du solde négatif du compte et, partant, le montant de sa créance. 
 
3.2. Ces points ne sont pas remis en cause par les parties. Il s'agira donc de vérifier si la banque a allégué et prouvé le montant de la perte, à défaut de quoi l'absence d'allégation ou l'échec de la preuve de celui-ci entraînera la perte de son droit et, par conséquent, le rejet de sa demande.  
On peut donc se dispenser de qualifier plus précisément la relation juridique nouée par les parties (arrêts 4A_334/2023 du 13 mars 2024 consid. 3.1; 4A_502 et 504/2022 du 12 septembre 2023 consid. 4.1; 4C.290/2002 du 14 janvier 2003 consid. 2.2 et les références). De même, on peut laisser ouverte la question de savoir si la perte dont le client est responsable est un dommage subi par la banque dont le client est responsable ou si elle est un dommage subi directement par le client, les parties adoptant indifféremment l'une et l'autre notions. 
La Cour de céans n'examinera que les deux griefs soulevés par la banque recourante, le client intimé, de son côté, s'étant limité à répondre à ces griefs et ne soulevant pas de griefs propres (cf. consid. 2.1 ci-dessus). 
 
4.  
Dans son premier grief, la banque soutient que le client n'a pas contesté le montant global du solde négatif de son compte et, partant, de sa créance à elle et qu'elle n'avait donc pas à la prouver. Elle fait valoir que la cour cantonale a violé les art. 55 al. 1, 150 al. 1 et 222 al. 2 CPC en retenant le contraire. 
L'action contractuelle de la banque en paiement du solde négatif du compte du client, fondée sur l'art. 4.10 ch. ii et vii des conditions générales du contrat e-forex, est soumise à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC). 
 
4.1. En vertu de la maxime des débats de l'art. 55 al. 1 CPC, il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès. Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent (fardeau de l'administration des preuves) et contester les faits allégués par la partie adverse (fardeau de la contestation), le juge ne devant administrer les moyens de preuve que sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC) (ATF 149 III 105 consid. 5.1; 144 III 519 consid. 5.1). À cet égard, il importe peu que les faits aient été allégués par le demandeur ou par le défendeur puisqu'il suffit que les faits fassent partie du cadre du procès pour que le juge puisse en tenir compte (ATF 149 III 105 consid. 5.1; 143 III 1 consid. 4.1).  
Il n'en demeure pas moins que celui qui supporte le fardeau de la preuve (art. 8 CC) et donc, en principe, le fardeau de l'allégation objectif, a toujours intérêt à alléguer lui-même les faits pertinents, ainsi qu'à indiquer au juge ses moyens de preuve, pour qu'ils fassent ainsi partie du cadre du procès (ATF 149 III 105 consid. 5.1; 143 III 1 consid. 4.1). 
 
4.1.1. En vertu de l'art. 221 al. 1 let. d CPC, respectivement de l'art. 222 al. 2 CPC, les faits doivent être allégués en principe dans la demande, respectivement dans la réponse pour les faits que doit alléguer le défendeur (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1; 144 III 67 consid. 2).  
En ce qui concerne l'allégation d'une facture, d'un compte ou d'un dommage, les différents postes doivent être présentés dans la demande sous plusieurs numéros, car cela est nécessaire pour permettre au défendeur de se déterminer clairement (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.2; 144 III 54 consid. 4.1.3.5). Il a été admis qu'exceptionnellement, l'allégué de la demande n'indique que le montant total lorsque le demandeur peut se référer à une pièce qu'il produit et qui contient toutes les informations nécessaires de manière claire et complète, au point que l'exigence de la reprise du détail de la facture, du compte ou du dommage dans les allégués de la demande n'aurait pas de sens. Il ne suffit pas que la pièce produite contienne, sous une forme ou sous une autre, lesdites informations. Leur accès doit être aisé et aucune marge d'interprétation ne doit subsister (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.2; arrêts 4A_415/2021 du 18 mars 2022 consid. 5.4; 4A_164/2021 du 21 décembre 2021 consid. 3.2; 4A_535/2018 du 3 juin 2019 consid. 4.2.1; 4A_281/2017 du 22 janvier 2018 consid. 5, spéc. 5.3). 
Parallèlement à l'allégation des faits pertinents, les parties doivent, en vertu de l'art. 55 al. 1 CPC, proposer leurs moyens de preuve à l'appui de chacun des faits allégués (fardeau de l'administration des preuves; Beweisführungslast). 
 
4.1.2. Le défendeur doit contester les faits dans sa réponse (art. 222 al. 2 2e phr. CPC) et, en ce qui concerne les faits allégués par le défendeur, le demandeur doit les contester en règle générale dans la réplique, car seuls les faits contestés doivent être prouvés (art. 150 al. 1 CPC; ATF 141 III 433 consid. 2.6). Une contestation en bloc (pauschale Bestreitung) ne suffit pas (ATF 144 III 519 consid. 5.2.2.1; 141 III 433 consid. 2.6; arrêt 4A_261/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.3).  
La partie adverse peut en principe se contenter de contester les faits allégués. Elle n'est pas tenue de motiver sa contestation (ATF 144 III 519 consid. 5.2.2.2; 115 II 1 consid. 4); autrement dit, elle n'a pas à exposer pourquoi elle les conteste, puisqu'elle n'est pas chargée du fardeau de la preuve (Beweislast), et n'a donc en principe pas le devoir de collaborer à l'administration des preuves (ATF 144 III 519 consid. 5.2.2.2; 117 II 113 consid. 2). Elle peut donc se contenter de dire qu'elle conteste ou ignore le fait, ce qui a pour conséquence que le demandeur doit le prouver. 
Ce n'est que dans certaines circonstances exceptionnelles, qu'il est possible d'exiger du défendeur qu'il concrétise sa contestation (charge de la motivation de la contestation; Substanziierung der Bestreitungen), de façon que le demandeur puisse savoir quels allégués précis sont contestés et, partant, puisse faire administrer la preuve dont le fardeau lui incombe; plus les allégués du demandeur sont motivés, plus les exigences de contestation de ceux-ci par la partie adverse sont élevées (ATF 144 III 519 consid. 5.2.2.3; 141 III 433 consid. 2.6; arrêt 4A_261/2017 précité consid. 4.3 in fine). 
 
4.1.3. En vertu de l'art. 8 CC, la partie qui a le fardeau de la preuve d'un fait doit supporter les conséquences de l'absence de preuve de ce fait (Folgen der Beweislosigkeit) et, partant la perte du procès. Autrement dit, si le juge ne parvient pas à une conviction, s'il n'est pas à même de déterminer si un fait s'est produit ou ne s'est pas produit, il doit statuer au détriment de la partie qui a le fardeau de la preuve et rejeter sa prétention (ATF 132 III 689 consid. 4.5; 129 III 18 consid. 2.6; arrêts 4A_531/2022 du 20 octobre 2023 consid. 3.1.2; 4A_30/2020 du 23 mars 2021 consid. 3.2.2).  
 
4.2. Il s'agit donc d'examiner tout d'abord si le client défendeur a ou non contesté le solde négatif de son compte, ce qui aurait une conséquence sur la nécessité pour la banque de devoir le prouver, puisque seuls les faits contestés doivent être prouvés (art. 150 al. 1 CPC).  
 
4.2.1. Il ressort des faits constatés que la banque demanderesse a allégué quatre montants globaux de pertes (all. 83 à 86) : premièrement, à la suite de la liquidation automatique de presque toutes les positions du client le 15 janvier 2015 à 10h36 environ, une perte de 1'014'902,93 USD; deuxièmement, en ajoutant à ce montant la liquidation de la dernière position du client encore ouverte, une perte totale de 1'054'220,22 USD; troisièmement, après conversion automatique en fin de journée dans la devise passerelle du compte du client, une nouvelle perte totale corrigée de 1'125'991,40 USD; enfin quatrièmement, après déduction des actifs de 193'325,62 USD du compte du client, le solde négatif du compte de 929'075 USD.  
Dans sa réponse, répondant aux allégués n° 83 à 90, le défendeur a indiqué: "Contestés". Il a ainsi contesté le montant global de 1'014'902,93 USD de l'allégué n° 83 correspondant à la liquidation automatique de toutes ses positions, sauf une. Il a également contesté les trois allégués n° 84 à 86 qui, par addition, correction et soustraction, sont aussi des montants globaux. Cette contestation est expresse; il est clair que le défendeur a voulu et manifesté par là qu'il contestait devoir ces montants et donc finalement le montant nécessaire à couvrir le solde négatif de son compte, qui lui était réclamé par la banque. Une contestation aussi claire ne nécessite aucune autre interprétation. Le défendeur n'avait pas à motiver sa contestation. Elle n'est pas annihilée par le fait que le client a reproché à la banque d'avoir provoqué une perte par la liquidation forcée de ses positions (réponse en première instance; all. 175), le détendeur n'ayant pas à motiver sa contestation, sauf cas exceptionnel non réalisé en l'espèce. C'est donc à raison que la cour cantonale a retenu que le défendeur a clairement contesté la quotité de la perte alléguée par la banque ensuite de cette liquidation et, partant, la créance réclamée par la banque. On ne décèle aucune violation des règles sur l'interprétation des manifestations de volonté adressées, dans les écritures, au juge et à la partie adverse (interprétation objective; ATF 105 II 149 consid. 2a; arrêts 4A_31/2023 du 11 janvier 2024 consid. 4.2.3; 4A_276/2021 du 9 septembre 2021 consid. 3.2; 4A_556/2016 du 19 septembre 2017 consid. 4.1; 4A_66/2016 du 22 août 2016 consid. 4.1.2; 4A_383/2015 du 7 janvier 2016 consid. 2.3). 
Contrairement à ce que croit la recourante, le fait que le défendeur ait répondu, en relation avec les allégués regroupés n° 83 à 90, "Contestés", ne constitue pas techniquement une "contestation en bloc": d'une part, il ne s'agit pas, ce qui est visé par cette locution, de la simple formule par laquelle le défendeur conteste tous les faits allégués dont il ne reconnaît pas expressément l'exactitude; d'autre part, la demanderesse n'ayant pas détaillé les nombreuses positions liquidées, l'exigence d'indiquer spécialement la ou les positions qui étaient contestées, à supposer que le défendeur n'entendît pas les contester toutes, n'existait pas. La demanderesse ne saurait opposer au défendeur qu'elle ne pouvait pas savoir ce qu'il contestait et donc ce sur quoi elle devait administrer la preuve. 
 
5.  
Dans son second grief, la banque recourante reproche à la cour cantonale d'avoir apprécié arbitrairement les pièces qu'elle avait produites pour établir le montant de la perte et, partant, de sa créance, invoquant la violation de l'art. 9 Cst. et des art. 157, 177 et 178 CPC
 
5.1. La cour cantonale a estimé, au vu des critiques soulevées devant elle, qu'il lui fallait examiner la force probante des pièces produites par la banque pour établir sa créance de 929'075 USD, soit les pièces 23, 25 et 29 à 33.  
A propos de la force probante des pièces 23 et 29, invoquées à l'appui de la perte de 1'014'902,93 USD de l'allégué n° 83, la cour cantonale a constaté que la pièce 23 est un document de 13 pages intitulé "extraction des transactions en lien avec la liquidation de la position" du client, qui ne contient aucune référence à la banque et n'est pas signé et qui est une liste d'opérations, dont 135 opérations effectuées le 15 janvier avec des montants, parfois positifs parfois négatifs, qui sont incompréhensibles, aucun montant total n'étant exposé; en outre la pièce 23 contient certaines incohérences. Quant à la pièce 29, elle est une capture d'écran n'apportant aucune preuve. La cour relève que ces pièces ne permettent pas de voir comment la banque a établi la perte de 1'014'902,93 USD et que la demanderesse n'a fourni aucune explication sur ce calcul, que ces pièces sont donc sujettes à caution et ne valent qu'allégations de partie. 
La cour cantonale a examiné ensuite les pièces fournies à l'appui des allégués 84 à 86 et est arrivée à la même conclusion. 
La cour en a donc conclu que ces pièces confectionnées par la banque sont difficilement compréhensibles, voire incompréhensibles, présentent des incohérences et qu'elles ne sont pas suffisantes pour établir la quotité de sa créance et qu'il aurait fallu une expertise pour la déterminer, moyen de preuve que la demanderesse n'a pas offert. 
Constatant ainsi que la preuve du solde du compte du client n'a pas été apportée par la demanderesse, à qui incombait le fardeau de la preuve, la cour cantonale a libéré le client de devoir payer le montant auquel le premier jugement l'avait condamné. 
 
5.2. Il faut préciser d'emblée que la recourante ne tente même pas de fournir des explications qui permettraient de comprendre clairement les pièces 23 et 29, que la cour cantonale a qualifiées d'incompréhensibles. Dans la mesure où elle invoque qu'elle n'a pas à prouver le détail de son calcul puisqu'il n'est pas contesté, elle se base sur un fait non constaté, dont le sort a été réglé ci-dessus (cf. consid. 4.2 ci-dessus).  
La recourante soulève deux griefs. 
 
5.2.1. Tout d'abord, en tant qu'elle reproche à la cour cantonale d'avoir apprécié la force probante des pièces qu'elle avait produites, leur déniant une telle valeur, alors qu'elle n'a pas entendu son représentant, dont l'interrogatoire ou la déposition avait été offert, la recourante ne démontre pas que ce moyen serait apte à prouver les chiffres que les pièces elles-mêmes n'ont pas permis d'établir. Il ne saurait être question de violation de l'art. 157 CPC lorsque le juge a apprécié les preuves selon son intime conviction (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêt 4A_292/2022 du 22 décembre 2022 consid. 7.1.3).  
Pour le reste, la recourante ne démontre pas l'arbitraire de l'appréciation de la cour cantonale. Il ne suffit en effet pas de lui opposer les déclarations d'un employé, qui, selon l'arrêt attaqué, a été interrogé comme témoin, au sujet de la façon dont la banque procède en cas de liquidation automatique, pour démontrer l'exactitude des chiffres qui y figurent. D'ailleurs, si la cour cantonale a estimé que la seule déclaration de ce témoin ne lui permettait pas d'admettre que la banque pouvait librement conserver dans ses stocks les positions du client jusqu'à ce que le cours du dollar américain se stabilise, elle s'est finalement déclarée non convaincue par les pièces produites, seule une expertise - non offerte - étant à même de la convaincre. 
 
5.2.2. Ensuite, dans la mesure où la recourante reprend les déclarations de l'employé précité pour en déduire que celui-ci avait corroboré l'authenticité des pièces qu'elle avait produites, elle méconnaît que ce n'est pas tant l'origine des pièces qui fait problème, la cour admettant que la pièce 23 a bien été confectionnée par la banque, mais bien les montants indiqués incompréhensibles et incohérents - et pour lesquels la recourante ne fournit toujours aucune explication -, qui sont insuffisants pour permettre de vérifier la perte alléguée et que seule une expertise pourrait établir à satisfaction de droit. L'arbitraire de cette appréciation n'est pas démontré. Il n'y a pas de violation des art. 177 et 178 CPC si, par appréciation des preuves, dont l'arbitraire n'est pas démontré, la cour cantonale ne s'estime pas convaincue par le montant de la perte alléguée.  
 
5.3. C'est donc à raison que la cour cantonale a mis l'échec de la preuve de sa créance à la charge de la banque; il en va de même pour la preuve des allégués n° 84 à 86. Si le système informatique de la banque n'est pas en mesure de fournir le détail de chaque opération de liquidation, de façon qu'il soit possible de le contrôler, seule reste alors la preuve par expertise. Toute comparaison avec d'autres affaires, dans lesquelles l'action en paiement de la banque a été admise, est dénuée de pertinence.  
 
6.  
Se prononçant enfin sur la demande reconventionnelle du client en restitution des actifs de son compte, la cour cantonale a condamné la banque à rembourser à celui-ci le montant de 193'325,62 USD avec intérêts à 5 % l'an dès le 4 novembre 2016. La banque recourante lui reproche d'avoir procédé à un amalgame entre sa créance et celle de son client, de s'être écartée des constatations de fait et d'avoir violé le droit fédéral et commis l'arbitraire. 
 
6.1. Il résulte de l'art. 4.10 ch. vii des conditions générales du contrat e-forex que, lorsque le système de liquidation automatique ne parvient pas à limiter les pertes au montant total de la ligne de crédit e-forex, le montant des pertes non couvert sera débité du compte du client et, si celui-ci ne suffit pas, la banque peut réaliser d'autres positions ouvertes du client, tous actifs sur lesquels elle a un droit de nantissement, et, à défaut, réclamer au client de payer la somme nécessaire pour couvrir le solde négatif de son compte.  
La banque dispose donc d'une créance à l'égard du client du montant des pertes et a le droit de se rembourser sur le compte bancaire du client et sur ses autres positions qu'elle peut réaliser, sur lesquels elle a un droit de nantissement. 
 
6.2. Il faut donc distinguer, d'une part, la créance de la banque à l'égard du client et, d'autre part, la garantie que constituent les actifs du client, qui ont été donnés en gage.  
Juridiquement, se pose donc la question de savoir si la créance invoquée par la banque, qui est contestée et dont celle-ci n'a pas établi le montant en procédure, lui permet de se payer au moyen des actifs du client. Comptablement et dans ses allégués n° 83 à 88, c'est ce que la banque a fait: elle a fait valoir sa créance correspondant aux pertes totales alléguées de 1'125'991,40 USD et en a déduit les actifs en compte de 193'325,62 USD, réclamant le paiement du solde non couvert de 929'075 USD au client. 
Or, puisque la banque n'a pas réussi à prouver en procédure le montant des pertes et, partant, de sa créance, elle ne pouvait pas se payer par prélèvement sur le compte bancaire du client. C'est ainsi à juste titre que la cour cantonale a considéré que, puisque la banque n'avait pas réussi à prouver le montant de sa créance, elle ne pouvait en déduire les actifs de son client de 193'325,62 USD et devait donc être condamnée à les lui restituer. 
En tant que la recourante persiste à soutenir que c'est à tort que sa créance n'aurait pas été établie, il peut être renvoyé à ce qui a été exposé au considérant précédent. Lorsqu'elle soutient que le client aurait admis que ses positions ont été liquidées et que la liquidation a été effectuée alors que le taux de change était au plus bas, que le solde négatif existait au moment où elle a procédé à la compensation, qu'il n'y aurait donc plus de solde positif du compte à restituer au client, la recourante se prévaut de ce qu'elle a fait et non de ce qu'elle avait le droit de faire, ce que précisément conteste le client. 
En conséquence, puisque le montant de sa créance n'a pas été prouvé en procédure, il ne peut pas et ne pouvait pas être éteint par compensation avec les actifs du compte du client. La reconvention formée par le défendeur est donc bien une action du client en restitution de son avoir en compte. 
 
7.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais et dépens de son auteur (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 17'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 16 juillet 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Kiss 
 
Le Greffier : Botteron