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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_657/2023  
 
 
Arrêt du 14 juin 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard, Heine, Viscione et Métral. 
Greffier : M. Colombi. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Nathalie Stegmüller, avocate, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (rente d'invalidité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 18 septembre 2023 
(AA 75 / 2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1992, travaillait en qualité de garde-frontière au sein de l'Administration fédérale des douanes (AFD) depuis juillet 2014 et était, à ce titre, assuré obligatoirement contre le risque d'accidents et de maladies professionnelles auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 3 juin 2017, alors qu'il se trouvait au volant de son véhicule, l'assuré s'est fait percuter frontalement par un autre véhicule, circulant en sens inverse, qui a dévié de sa trajectoire. La CNA a alloué des prestations d'assurance pour les suites de cet accident.  
 
A.b. Par appréciation du 10 mai 2021, le Dr B.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a relevé que l'assuré n'aurait définitivement plus récupéré le niveau de performance de sa cheville droite d'avant l'accident. La situation étant médicalement stabilisée, le médecin d'arrondissement a indiqué qu'une pleine capacité de travail, à plein temps et rendement normal, n'était possible que dans le cadre d'une activité adaptée, à savoir "pas de courses à pied au-delà de quelques minutes; pas de démarrages brusques répétés; pas de sauts; pas de manipulations répétées de charges excédant 20 kg; pas de positions statiques debout immobiles prolongées". Le même jour, le Dr B.________ a évalué à 15 % le taux d'atteinte à l'intégrité. La CNA a alloué l'indemnité correspondante par décision du 12 mai 2021. Cette dernière n'a pas été frappée d'opposition.  
 
A.c. Par décision du 4 mars 2022, confirmée sur opposition le 8 juin 2022, la CNA a refusé d'allouer une rente d'invalidité à A.________. Se fondant, d'une part, sur un revenu de valide de 81'038 fr. 81 (correspondant au revenu de garde-frontière) et, d'autre part, sur un revenu d'invalide de 90'525 fr. 61 évalué à l'aide de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2018, elle a considéré que l'intéressé ne subissait aucune perte de revenu.  
 
B.  
L'assuré a déféré la décision sur opposition à la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, en reprochant à la CNA, d'une part, de ne pas avoir pris en considération le revenu sans invalidité auquel il aurait pu prétendre en tant que membre de l'unité d'élite des douanes et, d'autre part, d'avoir pris en compte un niveau de compétence trop élevé pour le revenu d'invalide. En outre, un abattement de 10 % de ce dernier devait être opéré. 
Par arrêt du 18 septembre 2023, la juridiction cantonale a admis le recours (sans toutefois opérer d'abattement), annulé la décision sur opposition et renvoyé la cause à la CNA pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
C.  
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que la décision sur opposition du 8 juin 2022 soit confirmée. 
L'intimé, ainsi que la juridiction cantonale, concluent au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique ne s'est pas prononcé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est recevable contre les décisions finales, soit celles qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), et contre les décisions partielles visées à l'art. 91 LTF. Sous réserve des hypothèses visées à l'art. 92 LTF, il n'est recevable contre les décisions incidentes que si celles-ci peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).  
 
1.2. En règle générale, une décision de renvoi ne met pas fin à la procédure (ATF 140 V 282 consid. 4.2) et n'est pas non plus de nature à causer un préjudice irréparable aux parties, le seul allongement de la durée de la procédure ou le seul fait que son coût s'en trouve augmenté n'étant pas considéré comme constitutif d'un tel dommage (ATF 139 V 99 consid. 2.4). Néanmoins, lorsqu'une administration ou un assureur social sont ainsi contraints à rendre une décision qu'ils estiment contraire au droit et qu'ils ne pourront eux-mêmes pas attaquer, le jugement incident peut être déféré au Tribunal fédéral sans attendre le prononcé du jugement final (ATF 142 V 26 consid. 1.2; 141 V 255 consid. 1.1 et les arrêts cités; 133 V 477 consid. 5.2).  
 
1.3. En l'espèce, l'arrêt entrepris renvoie la cause à la recourante pour nouvelle décision après avoir procédé à une instruction complémentaire, vouée à déterminer le salaire auquel pourrait prétendre l'intimé en tant que membre de l'unité d'élite des douanes. Dès lors, on est en présence d'une décision incidente. Cela dit, le jugement cantonal a un effet contraignant pour la recourante en ce sens qu'elle doit effectuer une comparaison des revenus se fondant, pour le revenu sans invalidité, sur le salaire résultant de cette instruction complémentaire et, s'agissant du revenu d'invalide, sur un montant de fr. 71'133.56. Le jugement incident comporte donc un risque de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, bien que la recourante ne l'allègue pas.  
Les autres conditions étant également réunies (cf. art. 42, 86 al. 1 let. d et 100 LTF), le recours est admissible. 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF).  
 
2.2. S'agissant d'une procédure concernant l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits constatés par la juridiction précédente (art. 97 al. 2 et art. 105 al. 3 LTF).  
 
3.  
Le litige porte sur le droit de l'intimé à une rente d'invalidité, en particulier sur la détermination des revenus à comparer. 
 
4.  
L'arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à l'allocation de prestations d'assurance en cas d'accident (art. 6 al. 1 et 18 al. 1 LAA; art. 7 et 8 LPGA), ainsi qu'à l'évaluation de l'invalidité (art. 16 LPGA; cf. en particulier ATF 148 V 174 consid. 6.1-6.5). Il suffit d'y renvoyer. 
 
5.  
En ce qui concerne le revenu sans invalidité, la recourante s'en prend à l'appréciation des preuves effectuée par la cour cantonale, d'après laquelle l'intimé serait, sans accident, devenu membre de l'unité d'élite des douanes "MEK Helvetia". 
 
5.1. Selon la jurisprudence, le revenu que pourrait réaliser l'assuré sans invalidité est en principe établi sans prendre en considération les possibilités théoriques de développement professionnel (lié en particulier à un complément de formation) ou d'avancement, à moins que des indices concrets rendent très vraisemblable qu'elles se seraient réalisées. Cela pourra être le cas lorsque l'employeur a laissé entrevoir une telle perspective d'avancement ou a donné des assurances en ce sens. En revanche, de simples déclarations d'intention de l'assuré ne suffisent pas; l'intention de progresser sur le plan professionnel doit s'être manifestée par des étapes concrètes, telles que la fréquentation d'un cours, le début d'études ou la passation d'examens (ATF 145 V 141 consid. 5.2.1; arrêts 8C_287/2023 du 13 décembre 2023 consid. 2.3, 8C_45/2022 du 3 août 2022 consid. 3.2 et les références, in SVR 2023 UV n°7 p. 19). Ces principes s'appliquent aussi dans le cas de jeunes assurés (arrêts 8C_287/2023 du 13 décembre 2023 consid. 2.3; 8C_550/2009, 8C_677/2009 du 12 novembre 2009 consid. 4.2, in SVR 2010 UV n° 13 p. 52). Le point de savoir si le salaire réel aurait augmenté grâce à un développement des capacités professionnelles individuelles, notamment un changement de profession, doit être établi au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêt 8C_45/2022 du 3 août 2022 consid. 3.2 et les références, in SVR 2023 UV n°7 p. 19).  
 
5.2. Les premiers juges ont évalué que l'absence d'engagement effectif au sein de l'unité "MEK Helvetia", de même que l'absence d'assurances données par l'AFD quant à cet engagement, ne permettait pas d'en conclure que les perspectives de développement professionnel n'avaient pas été rendues vraisemblables. Ce qui était déterminant, c'était que l'intention de progresser s'était manifestée par des étapes concrètes. À ce propos, il ressortait du courriel du 28 janvier 2021 de l'AFD que l'intimé, avant la péjoration de son état de santé, avait débuté le cours de base "MEK Helvetia". Même s'il n'avait effectivement pas rejoint cette unité, et bien que la participation au cours de base ne donnait pas le droit d'occuper un poste spécifique au sein de l'unité spéciale des douanes, on ne pouvait pas nier que l'intention de progresser de l'intimé ait dépassé le stade des simples déclarations d'intention, celui-ci ayant pris des dispositions concrètes en vue d'obtenir les prérequis nécessaires pour rejoindre l'unité en question. L'intimé avait d'ailleurs dû mettre un terme à la fréquentation de ses cours et sa postulation n'avait pas été prise en compte en raison de ses facultés physiques restreintes de par l'état de sa cheville. Selon le degré de la vraisemblance prépondérante, sans l'accident, l'intimé aurait développé ses compétences professionnelles et aurait pu rejoindre l'unité d'élite. Or, le montant des indemnités ("de nuit, de dimanche,...") n'était pas déterminable d'après les pièces du dossier, ce qui exigeait de renvoyer la cause à la recourante pour qu'elle procède à une instruction complémentaire afin de pouvoir fixer le revenu sans invalidité sur la base du salaire auquel l'intimé aurait pu prétendre en tant que membre de cette unité.  
 
5.3. La recourante critique l'appréciation du tribunal cantonal dans la mesure où elle ne serait pas fondée sur les pièces du dossier mais uniquement sur les déclarations, non étayées, de l'intimé. En premier lieu, l'AFD n'aurait jamais indiqué que ce dernier était ou serait membre de ce corps d'élite. Aucune garantie n'aurait jamais été donnée à l'intimé, lequel n'aurait à aucun moment dépassé le stade de simple candidat potentiel à une offre d'emploi avec toutes les incertitudes que cela représente. Il n'aurait eu, au demeurant, aucune assurance quant à la réussite de son "cours de base MEK Helvetia". Deuxièmement, l'AFD aurait souligné que l'intimé, qui était attribué "au poste gardes-frontière U.________", n'avait pas pu être retenu "dans le cadre d'une procédure de nomination", sa blessure ayant "empêché une prise en compte de sa postulation à la place mise au concours". Il ressortirait de l'ensemble de ces indications que l'intimé aurait été en poste aux gardes-frontière de U.________, aurait déposé sa candidature pour un poste mis au concours par l'AFD et aurait été en train de suivre un cours de base pour cette fonction. Néanmoins, la procédure de sélection aurait été encore en cours et aucune perspective d'avancement ou assurances en ce sens n'auraient été données. En d'autres termes, il n'aurait nullement été démontré au degré de la vraisemblance prépondérante que l'intimé aurait, d'une part, réussi sa formation de base et, d'autre part, qu'il aurait été finalement engagé au sein de l'unité MEK Helvetia.  
 
5.4. Contrairement à ce que soutient la recourante, les premiers juges ont bien fondé leur appréciation sur des circonstances confirmées dans les pièces du dossier. Par courriel du 5 mars 2021, en transmettant le descriptif du poste à la recourante, l'ancien employeur indique certes que l'intimé était "à l'essai" mais n'avait jamais rejoint l'unité en question. Il résulte néanmoins du courrier du 28 janvier 2021 de l'AFD que l'intimé avait bien débuté son cours de base MEK Helvetia et que s'il avait dû l'interrompre en raison des atteintes à sa santé, sans avoir acquis un droit d'occuper un poste spécifique au sein de cette unité, il avait néanmoins été encouragé à repostuler. Sur la base de ces éléments il est possible de constater, à l'instar de la cour cantonale, que l'intimé avait effectivement manifesté son intention de progresser par la fréquentation - concrète - du cours de base, se trouvant d'ailleurs dans une période d'essai, lui permettant de participer à la sélection pour le poste dans l'unité d'élite des douanes. Cet aspect est d'ailleurs admis par la recourante elle-même, bien qu'elle souligne principalement le fait qu'il n'y aurait eu aucune assurance que l'intimé termine ladite formation ou rejoigne l'unité spéciale. Or, contrairement à l'exigence de fréquentation d'un cours, la jurisprudence ne prévoit pas qu'il y ait une certitude d'engagement. Qui plus est, la circonstance selon laquelle l'intimé n'avait pas pu être retenu dans le cadre d'une procédure de nomination en raison de son accident, mise en avant dans le recours en citant une attestation de l'AFD datée du 27 novembre 2017, permet de confirmer la conclusion des premiers juges plutôt que de l'infirmer. Par ailleurs, dans ce document figure encore qu'"une nouvelle approche pourra être envisagée lorsque [l'intimé] sera totalement rétabli". Dans un tel contexte, et vu également les compétences de l'intimé mises en évidence par la recourante elle-même à propos de la détermination du revenu d'invalide (cf. consid. 6.3 ci-après), on peut raisonnablement admettre, comme les premiers juges, que l'intention de progresser de l'intimé ne s'était pas uniquement limitée à de simples déclarations, et que le développement professionnel en question est établi au degré de la vraisemblance prépondérante. Par conséquent, l'arrêt cantonal peut être confirmé sur ce point.  
 
6.  
La recourante s'en prend également au niveau de compétence pris en compte par la cour cantonale dans la détermination du revenu d'invalide de l'intimé. 
 
6.1. Depuis la dixième édition de l'ESS (2012), les emplois sont classés par l'Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. Les critères de base utilisés pour définir le système des différents groupes de profession sont les niveaux et la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession. Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf grands groupes de professions (voir tableau T17 de l'ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l'expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l'ESS 2012; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques).  
Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier; arrêt 8C_50/2022 du 11 août 2022 consid. 5.1.2, in SVR 2023 UV n° 8 p. 22). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l'utilisation de machines et d'appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt 8C_444/2021 du 29 avril 2022 consid. 4.2.3 et les arrêts cités). L'application du niveau 2 se justifie uniquement si la personne assurée dispose de compétences ou de connaissances particulières (arrêt 8C_202/2022 du 9 novembre 2022 consid. 4.1 et les arrêts cités; pour le tout, cf. arrêt 8C_605/2022 du 29 juin 2023 consid. 4.2.2, in SVR 2023 UV n°47 p. 165). L'accent est donc mis sur le type de tâches que l'assuré est susceptible d'assumer en fonction de ses qualifications mais pas sur les qualifications en elles-mêmes (arrêts 8C_293/2023 du 10 août 2023 consid. 4.2 in fine; 8C_801/2021 du 28 juin 2022 consid. 2.3; 8C_66/2020 du 14 avril 2020 consid. 4.2.1 et les références). Il faut encore préciser que l'expérience professionnelle de plusieurs années dont peut se prévaloir un assuré - sans formation commerciale ni autre qualification particulière acquise pendant l'exercice de la profession - ne justifie pas à elle seule un classement supérieur au niveau de compétence 2, dès lors que dans la plupart des secteurs professionnels un diplôme ou du moins des formations et des perfectionnements (formalisés) sont exigés (arrêts 9C_486/2022 du 17 août 2023 consid. 7.3.3 in fine; 8C_444/2021 du 29 avril 2022 consid. 4.2.4; 8C_581/2021 du 19 janvier 2022 consid. 4.4; 9C_148/2016 du 2 novembre 2016 consid. 2.2).  
 
6.2. La cour cantonale a constaté que l'intimé bénéficiait d'une maturité gymnasiale bilingue, qu'il avait fréquenté la Faculté de droit de l'Université de Neuchâtel pendant trois ans sans toutefois obtenir de diplôme correspondant, puis obtenu le brevet fédéral de garde-frontière ainsi qu'un certificat de formateur d'adultes. En outre, il s'adonnait à des activités accessoires et gérait plusieurs structures et sociétés. Cependant, à l'exception du brevet fédéral de garde-frontière et du certificat de formateur d'adultes, ses autres expériences pratiques n'avaient été sanctionnées par aucun diplôme. Tel était le cas pour les connaissances juridiques qu'il avait acquises après avoir suivi pendant trois ans des cours de droit à la Faculté de droit de l'Université de Neuchâtel. Il en était ainsi également pour les compétences dans le domaine administratif, l'intimé n'étant pas en possession, en particulier, d'un CFC d'employé de commerce, ni d'une longe expérience pratique dans ce domaine. Par conséquent, il apparaissait pour le moins douteux qu'il puisse exercer en qualité de secrétaire juridique. De même, on ne pouvait pas déduire du certificat de formateur d'adultes que l'intimé pourrait occuper une fonction d'instructeur/animateur, en l'absence encore de CFC ou d'expérience du terrain, ce qui était valable également pour la profession de photographe ou d'enseignant technique ou professionnel. En conclusion, le tribunal cantonal a jugé que l'intimé ne disposait pas de vastes connaissances dans un domaine spécialisé, de sorte que seul le niveau de compétence 2 pouvait entrer en considération.  
 
6.3. D'après la recourante, les brevets dont disposerait l'intimé correspondraient à des formations exigeantes et dont la qualité ne serait pas contestée sur le marché du travail. Le fait d'avoir suivi durant trois ans des cours de droit à l'Université de Neuchâtel impliquerait qu'il dispose de connaissances dans ce domaine. Il aurait pu demander une attestation de suivi de cours ou un relevé de notes au Bureau des immatriculations, ce que les premiers juges auraient négligé de prendre en considération. L'intimé serait donc loin d'être dénué de diplômes et d'attestations de ses compétences, y compris sur le plan juridique, ce qui apparaîtrait au demeurant sur son profil Linkedin. Les premiers juges auraient en outre méconnu la notion de niveau de compétences et se seraient écartés de la jurisprudence du Tribunal fédéral en se référant presque exclusivement aux diplômes et attestations de l'intimé. Se référant au considérant 2.5.3 de l'ATF 142 V 178, la recourante soutient que ces derniers n'auraient plus qu'une incidence réduite dans ce cadre, alors que l'accent serait mis sur le type de tâches à assumer en fonction des compétences et non plus sur les qualifications elle-mêmes. L'intimé aurait également une carrière en tant que photographe et réalisateur autodidacte et il occuperait une position dirigeante au sein de la société C.________ Sàrl. Associées aux diplômes précités, de telles connaissances et compétences permettraient à l'intimé de travailler sur des questions complexes nécessitant un vaste ensemble de connaissances spécialisées, en particulier dans les domaines de la sécurité des frontières, du droit, de l'administration et de la culture au sens large. Enfin, l'intimé aurait déjà exercé la fonction de formateur auprès du service des douanes et pourrait travailler en tant que secrétaire juridique, ces activités étant comprises dans le niveau de compétences 3, tout comme l'activité de photographe (par ailleurs non sanctionnée par un diplôme) et de dirigeant dans une petite entreprise.  
 
6.4. Les critiques sont mal fondées. Dans son évaluation, le tribunal cantonal a certes insisté sur l'absence de diplômes dans certains domaines mais il a aussi tenu compte de l'absence d'expérience de l'intimé dans ceux-ci, ce qui est conforme à la jurisprudence. En effet, comme on l'a vu ci-avant (consid. 6.1), et contrairement à l'interprétation effectuée par la recourante, pour la détermination du niveau de compétences l'accent est avant tout mis sur le type de tâches à assumer en fonction des qualifications de la personne concernée. Or, l'absence de diplômes attestant les qualifications que la recourante prête à l'intimé, rajoutée au manque d'expérience dans les domaines et professions indiqués par cette dernière ne permet pas de conclure qu'il disposerait d'un vaste ensemble de connaissances dans l'un ou l'autre domaine spécialisé, lui permettant ainsi d'assumer les tâches afférentes. En particulier, avoir suivi des cours de droit à l'université, toutefois sans titre universitaire à la clé, ne remplace pas la formation et l'expérience nécessaires pour accomplir les tâches spécifiques de la profession de secrétaire juridique, jamais exercée par l'intimé. Une attestation de suivi de cours ou un relevé de notes - qui auraient pu, par ailleurs, être obtenus par la recourante elle-même lors de l'instruction de la cause - n'auraient pas davantage permis d'en déduire le contraire. Il en va de même pour les autres domaines mentionnés par la recourante, en particulier la profession de photographe ou de "dirigeant d'une petite entreprise". Bien que l'intimé dispose d'une certaine expérience à cet égard, celle-ci a été développée dans son temps libre, à côté de son activité de garde-frontière. Sans nier d'emblée ses capacités, on ne peut pas considérer, selon le degré de la vraisemblance prépondérante, que l'intimé puisse directement exercer ces mêmes activités en tant que professionnel et assumer les tâches pratiques complexes qui s'y rapportent. C'est donc à raison que les juges cantonaux ont pris en considération le niveau de compétences 2 dans la détermination du revenu d'invalide. Le recours doit ainsi être rejeté sur ce point.  
 
7.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera à l'intimé une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 14 juin 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Colombi