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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_31/2024  
 
 
Arrêt du 13 juin 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, présidente, Kiss et Rüedi. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me David Kohler, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Laurent Marconi, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
mainlevée provisoire de l'opposition, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2023 par la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud (KC22.051975-231224, 214). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 27 avril 2022, sur requête de B.________ SA, l'Office des poursuites du district de Nyon a notifié à A.________, dans la poursuite en réalisation de gage immobilier n...., un commandement de payer la somme de 3'403'499 fr. 16, intérêts en sus, indiquant comme titre de la créance ou cause de l'obligation: 
 
"Cédule hypothécaire au porteur, en 1er rang de 3'600'000.- no... grevant le gage ci-après mentionné". 
Le poursuivi a formé opposition totale. 
 
B.  
Le 22 novembre 2022, la poursuivante a requis du Juge de paix du district de Nyon la mainlevée provisoire de l'opposition. 
L'autorité de première instance a tenu une audience le 14 mars 2023. 
Par prononcé du 22 mars 2023 - dont les motifs ont été adressés aux parties le 28 août 2023 -, la Juge de paix du district de Nyon a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition et constaté l'existence du droit de gage. En substance, elle a considéré que la cédule au porteur produite par la poursuivante constituait une reconnaissance de dette valable. Elle a relevé que les parties étaient liées par un contrat de prêt hypothécaire et qu'elles avaient conclu une cession fiduciaire en propriété aux fins de garantie, par laquelle le poursuivi avait cédé à la poursuivante, à titre fiduciaire, en pleine propriété, aux fins de garantie, la cédule hypothécaire concernée. Elle a admis que le délai de dénonciation de trois mois prévu par le contrat de prêt et la cession fiduciaire l'emportait sur le délai de six mois figurant dans la cédule hypothécaire, de sorte que la créance était bien exigible au moment de la notification du commandement de payer. Elle a enfin souligné que le commandement de payer faisait précisément référence à la cédule hypothécaire en cause et visait donc la créance abstraite incorporée dans celle-ci. 
Statuant par arrêt du 23 novembre 2023, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté par le poursuivi contre ce prononcé. Les motifs qui étayent cette décision seront examinés plus loin dans la mesure utile à la compréhension des griefs dont celle-ci est la cible. 
 
C.  
Le 15 janvier 2024, A.________ (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif, à l'encontre de cet arrêt. Il conclut à la réforme de la décision attaquée, en ce sens que la requête de mainlevée introduite par la poursuivante (ci-après: l'intimée) est rejetée. 
La demande d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance présidentielle du 1er février 2024. 
Invitée à répondre au recours, l'intimée a conclu au rejet de celui-ci dans la mesure de sa recevabilité. 
La cour cantonale s'est référée aux considérants de sa décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites sur le principe. Demeure réservé l'examen de la recevabilité des différents griefs invoqués par le recourant. 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une autorité de première instance, toutes les questions juridiques pouvant se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1). En outre, le Tribunal fédéral ne connaît de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été invoqué et motivé par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 137 II 305 consid. 3.3), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 135 III 232 consid. 1.2; 133 II 249 consid. 1.4.2). La partie recourante ne saurait se borner à plaider à nouveau sa cause comme si elle s'adressait à une juridiction d'appel (ATF 133 IV 286; arrêt 5A_802/2014 du 7 novembre 2014 consid. 1.2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 133 III 589 consid. 2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
 
2.3. Dans son mémoire de recours, l'intéressé commence par exposer, sur plus de trois pages, une version de son propre cru des circonstances factuelles de la cause en litige sans soulever le grief d'établissement arbitraire des faits ni se conformer aux exigences applicables en matière de complètement de l'état de fait. Il n'en sera dès lors pas tenu compte.  
 
3.  
Dans un premier moyen, le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir enfreint l'art. 321 al. 1 CPC. Il lui reproche d'avoir déclaré irrecevable, faute de motivation suffisante, son moyen selon lequel l'intimée n'avait pas respecté le délai de dénonciation de six mois prévu par la cédule hypothécaire, raison pour laquelle la créance déduite en poursuite n'était pas exigible au moment de l'introduction de la poursuite. 
 
3.1. Selon l'art. 321 al. 1 CPC, le recours doit être introduit dans les 10 jours par un acte écrit et motivé. La motivation d'un recours doit, à tout le moins, satisfaire aux exigences qui sont posées pour un acte d'appel (art. 311 al. 1 CPC; arrêt 5A_488/2015 du 21 août 2015 consid. 3.2.1 et les références citées). Il résulte de la jurisprudence relative à l'art. 311 al. 1 CPC que le recourant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et que son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt 5A_488/2015, précité, consid. 3.2.1 et les références citées). Si la motivation de l'appel est identique aux moyens qui avaient déjà été présentés en première instance, avant la reddition de la décision attaquée, ou si elle ne contient que des critiques toutes générales de la décision attaquée, ou encore si elle ne fait que renvoyer aux moyens soulevés en première instance, elle ne satisfait pas aux exigences de l'art. 311 al. 1 CPC (arrêt 5A_206/2016 du 1er juin 2016 consid. 4.2.1 et les références citées).  
 
3.2. En l'espèce, la cour cantonale a déclaré irrecevable le grief formulé par le recourant au motif que celui-ci n'avait pas respecté les exigences de motivation applicables. A cet égard, elle a souligné que l'intéressé n'avait nullement discuté la motivation de l'autorité précédente selon laquelle le délai de dénonciation de trois mois prévu par le contrat de prêt et la cession fiduciaire primait le délai de six mois prévu par la cédule hypothécaire, de sorte que la créance était bien exigible au moment de la notification du commandement de payer.  
 
3.3. Tel qu'il est présenté, le grief ne saurait prospérer. Bien que le recourant affirme le contraire devant le Tribunal fédéral, il apparaît que l'intéressé, dans son mémoire de recours cantonal, s'est borné à reprendre les arguments qu'il avait avancés lors de l'audience tenue devant l'autorité de première instance et n'a ainsi nullement cherché à démontrer en quoi la motivation retenue par la première juge était contraire au droit. Comme l'expose l'intimée dans sa réponse sans être du reste contredite par son adversaire, l'intéressé n'a en particulier pas critiqué, en se conformant aux exigences de motivation sus-rappelées, l'argumentation de la première juge selon laquelle le délai de trois mois fixé dans la convention de prêt et la cession fiduciaire l'emportait sur le délai de six mois figurant dans la cédule hypothécaire. Le moyen tiré de la violation de l'art. 321 al. 1 CPC se révèle dès lors infondé.  
 
4.  
Dans un deuxième moyen, le recourant fait valoir que le montant réclamé en poursuite ne résultait pas clairement du commandement de payer que lui a fait notifier l'intimée. A l'en croire, ledit document faisait uniquement référence au droit de gage, et non pas à la créance déduite en poursuite. 
Pareille affirmation tombe à faux. Il semble en effet avoir échappé à l'intéressé qu'une cédule hypothécaire au porteur est un papier-valeur qui incorpore à la fois la créance et le droit de gage immobilier qui en est l'accessoire (ATF 140 IlI 180 consid. 5.1). Dans la poursuite en réalisation de gage immobilier pour la créance abstraite, la cédule hypothécaire au porteur est une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP et vaut titre de mainlevée pour toute la créance instrumentée dans le titre; le poursuivant n'a donc pas à produire une reconnaissance de dette pour la créance causale (ATF 140 III 180 consid. 5.2 et les références citées). En l'occurrence, l'intimée a introduit une poursuite en réalisation de gage immobilier sur la base d'une cédule hypothécaire au porteur. Selon les constatations de fait qui lient la Cour de céans, la créancière gagiste a réduit le montant de la créance cédulaire (créance abstraite) déduite en poursuite au montant inférieur de la créance causale découlant du prêt conclu par les parties. Il appert ainsi que le montant de la créance déduite en poursuite ressortait clairement du commandement de payer notifié au recourant. 
 
5.  
Dans un troisième et dernier moyen, le recourant, dénonçant une atteinte à son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), se plaint de ce que l'autorité de première instance n'a pas tenu de procès-verbal de l'audience du 14 mars 2023. 
 
5.1. En principe, la violation du droit d'être entendu entraîne l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Toutefois, le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi; il doit permettre d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêts 4A_148/2020 du 20 mai 2020 consid. 3.2; 4A_566/2019 du 30 avril 2020 consid. 9; 4A_590/2019 du 6 janvier 2020 consid. 6).  
 
5.2. Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a souligné que la question relative à l'éventuelle nécessité de tenir un procès-verbal de l'audience du 14 mars 2023 pouvait en l'occurrence rester indécise, car le recourant n'expliquait nullement en quoi l'absence de procès-verbal aurait porté atteinte à ses droits de procédure. L'intéressé ne soutenait en particulier pas qu'une opération n'aurait pas été verbalisée en violation de son droit d'être entendu ni qu'il aurait subi le moindre désavantage sur le plan procédural.  
 
5.3. On peut d'emblée s'interroger sur le point de savoir si le grief formulé par le recourant est suffisamment motivé. Quoi qu'il en soit, le raisonnement de la cour cantonale ne prête pas le flanc à la critique. Devant le Tribunal fédéral, le recourant ne se plaint pas de ce qu'il aurait été désavantagé dans la procédure du fait de l'absence de procès-verbal. La Cour de céans ne discerne dès lors pas en quoi la violation alléguée du droit d'être entendu a pu influencer la procédure. A le supposer recevable, le grief examiné ne peut qu'être rejeté.  
 
6.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à son adversaire (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 21'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 23'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 13 juin 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: Jametti 
 
Le Greffier: O. Carruzzo