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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_956/2022  
 
 
Arrêt du 12 juin 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni, Ryter et Kradolfer. 
Greffière : Mme Vuadens. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Maîtres Pierre-Marie Glauser et Lysandre Papadopoulos, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, 
Eigerstrasse 65, 3003 Berne, 
intimée. 
 
Objet 
Assistance administrative (CDI CH-FR), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 5 novembre 2022 (A-2457/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 11 mai 2016, la Direction générale des finances publiques française (DGFP; ci-après : l'autorité requérante ou l'autorité française) a adressé une demande d'assistance administrative en matière fiscale à l'Administration fédérale des contributions (ci-après : l'Administration fédérale ou l'AFC) fondée sur l'art. 28 de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales (ci-après : CDI CH-FR, RS 0.672.934.91). L'autorité requérante indiquait qu'une enquête diligentée en Allemagne par le parquet de Bochum et des visites domiciliaires effectuées dans les succursales allemandes de la banque B.________ AG (ci-après : la Banque) avaient abouti à la saisie de données concernant des contribuables français en lien avec des comptes ouverts auprès de ladite banque. La demande d'assistance administrative concernait les années 2010 à 2014 pour l'impôt sur le revenu et les années 2010 à 2015 pour l'impôt de solidarité sur la fortune et se fondait sur des listes contenant des numéros de comptes bancaires liés à des personnes inscrites sous un code "domizil" français. Elle visait l'obtention des nom, prénom, date de naissance et l'adresse la plus actuelle disponible des titulaires, ayants droit économiques selon le formulaire A, et de toute autre personne venant aux droits et obligations de ces derniers auprès de la Banque.  
Déférant à une demande de production du 10 juin 2016, la Banque a transmis à l'Administration fédérale les informations demandées entre juin 2016 et juillet 2017. Informée par la Banque du risque que ces renseignements soient utilisés dans la procédure pénale ouverte contre elle en France, l'Administration fédérale a obtenu des autorités compétentes françaises, dans un échange de lettres du 11 juillet 2017, l'assurance que les informations transmises ne seraient communiquées qu'aux personnes et autorités mentionnées à l'art. 28 par. 2 CDI CH-FR et qu'elles ne seraient utilisées qu'aux fins qui y étaient énumérées. 
Le 9 février 2018, l'Administration fédérale a, dans huit décisions finales rendues à l'encontre de certaines personnes concernées, ainsi qu'à la Banque (dont le Tribunal administratif fédéral avait reconnu la qualité pour recourir dans l'arrêt A-4974/2016 du 25 octobre 2016), accordé l'assistance administrative à l'autorité française. 
Par arrêt du 30 juillet 2018, le Tribunal administratif fédéral a admis le recours formé par la Banque et annulé les décisions finales du 9 février 2018. Cette décision a été annulée, sur recours de l'Administration fédérale, par le Tribunal fédéral qui, par arrêt du 26 juillet 2019 (cause 2C_653/2018 partiellement publiée in ATF 146 II 150), a confirmé la validité des décisions finales du 9 février 2018. A la suite de cet arrêt, l'Administration fédérale a repris le traitement des procédures et adressé un courrier d'information aux personnes ayant indiqué une adresse actuelle en Suisse ou un représentant en Suisse autorisé à recevoir des notifications dans lequel elle leur communiquait les informations telles qu'elle envisageait de les transmettre à l'autorité française et leur impartissait un délai de 10 jours pour prendre position par écrit. 
 
A.b. Par courrier du 2 janvier 2020 (arrêt attaqué consid. 6.2), l'autorité requérante a adressé une nouvelle garantie à l'Administration fédérale, certifiant qu'elle respecterait ses engagements du 11 juillet 2017, en lui signifiant qu'" aucune transmission des renseignements reçus de vos services n'aura[it] lieu en faveur des autorités en charge de la procédure pénale pendante en France contre la banque B.________ AG, et [...] que ces renseignements ser[aie]nt exclusivement utilisés contre les personnes visées par notre demande (y inclus des personnes tierces dans un contexte fiscal) ".  
 
A.c. Le 28 septembre 2020, A.________ a informé l'Administration fédérale qu'elle s'opposait à la transmission de tout renseignement la concernant à l'autorité requérante, en se prévalant notamment de l'immunité qu'elle prétendait attachée aux fonctions qu'elle avait exercées comme membre du Tribunal administratif de l'ONU (ci-après : TANU) et comme arbitre du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (ci-après : CIRDI) et qui, selon elle, faisait obstacle à la transmission de renseignements bancaires la concernant. L'Administration fédérale lui a demandé de fournir une confirmation, émanant des organes compétents, de l'existence et de l'absence de levée de l'immunité en lien avec les renseignements dont la transmission était envisagée. A.________ n'a jamais produit de document correspondant à cette demande.  
 
B.  
Par décision finale du 27 avril 2021, l'Administration fédérale a accordé l'assistance administrative à l'autorité requérante concernant A.________. 
Par arrêt du 8 novembre 2022, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours de l'intéressée. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, principalement, d'annuler l'arrêt du 8 novembre 2022 du Tribunal administratif fédéral, d'admettre l'inviolabilité de tous les papiers et documents aux renseignements bancaires objets de la demande d'assistance administrative du 11 mai 2016 et de déclarer l'Administration fédérale et le Tribunal administratif fédéral incompétents pour les traiter; d'ordonner la destruction de tous les documents et de déclarer la demande d'assistance administrative nulle; subsidiairement, de renvoyer la cause au Tribunal administratif fédéral pour qu'il rende une nouvelle décision, en lui ordonnant préalablement d'obtenir une garantie que les renseignements seraient utilisés conformément au droit applicable, de révoquer le courrier du 2 janvier 2020 adressé par l'autorité requérante à l'Administration fédérale ainsi que tout accord qui en découlerait, d'interpeller l'autorité requérante sur la prescription et d'ordonner que tout envoi de renseignements indique les éventuels montants qui ont été soumis à l'art. 3 de l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, dans sa version antérieure au 1er janvier 2017; plus subsidiairement, de renvoyer la cause au Tribunal administratif fédéral ou à l'Administration fédérale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal administratif fédéral se réfère à son arrêt. L'Administration fédérale renvoie à l'arrêt attaqué ainsi qu'à sa décision finale et renonce à déposer une réponse. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Selon l'art. 83 let. h LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière d'entraide administrative internationale, à l'exception de l'assistance administrative en matière fiscale. Il découle de l'art. 84a LTF que, dans ce dernier domaine, le recours n'est recevable que lorsqu'une question juridique de principe se pose ou lorsqu'il s'agit, pour d'autres motifs, d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF
 
1.1. D'après la jurisprudence, la présence d'une question juridique de principe suppose que la décision en cause soit importante pour la pratique; cette condition est en particulier réalisée lorsque les instances inférieures doivent traiter de nombreuses causes analogues ou lorsqu'il est nécessaire de trancher une question juridique qui se pose pour la première fois et qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral (ATF 139 II 404 consid. 1.3; arrêt 2C_289/2015 du 5 avril 2016 consid. 1.2.1 non publié in ATF 142 II 218).  
 
1.2. En l'occurrence, la recourante, qui se prévaut de son activité de juge au sein du TANU et d'arbitre au sein du CIRDI, soutient en substance que la présente cause soulève la question juridique de principe de savoir dans quelle mesure l'assistance administrative internationale en matière fiscale est limitée par des règles prévoyant l'immunité d'une personne visée par une demande d'assistance administrative.  
Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif fédéral a constaté que le TANU avait cessé d'exister au 31 décembre 2009 et que la recourante n'avait donc pas pu fonctionner comme juge au sein de cette instance durant les périodes 2010 à 2015 visées par la demande d'assistance administrative en cause. À cela s'ajoute que la recourante n'a pas établi qu'elle aurait perçu des revenus liés à son activité de juge au TANU sur le compte bancaire visé par la demande durant la période 2010 à 2015, qu'elle n'explique pas en quoi ces revenus seraient concernés par l'immunité dont elle se prévaut ou quelles seraient les informations figurant dans la documentation bancaire destinées à être transmises qui seraient couvertes par cette immunité. En conséquence, le fait que la recourante a exercé une activité de juge au TANU jusqu'à la fin de l'année 2009 ne soulève aucune question juridique de principe concrète et ne saurait donc justifier une entrée en matière, le Tribunal fédéral n'ayant pas pour fonction de trancher des questions abstraites (cf. ATF 142 II 161 consid. 3). 
En revanche, la question se pose de savoir si le fait que la recourante a fonctionné comme arbitre au sein du CIRDI durant la période couverte par la demande d'assistance administrative peut faire obstacle à l'échange de renseignements, comme elle l'allègue en invoquant plusieurs conventions internationales. Le Tribunal fédéral n'a jamais eu l'occasion de trancher cette question, qui revêt les caractéristiques d'une question juridique de principe. La condition de l'art. 84a LTF est partant remplie. 
 
1.3. Au surplus, la recourante, qui a qualité pour agir (cf. art. 89 al. 1 LTF), a recouru en temps utile (art. 100 al. 2 let. b LTF) et dans les formes prévues (art. 42 LTF).  
 
1.4. Il convient donc d'entrer en matière.  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, il n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 149 III 81 consid. 1.3; 148 I 127 consid. 4.3; 145 V 304 consid. 1.2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des situations visées à l'art. 105 al. 2 LTF.  
 
3.  
La demande d'assistance administrative du 11 mai 2016 formée par l'État requérant est régie par l'art. 28 CDI CH-FR et sur le chiffre XI du Protocole additionnel à la CH-FR. Sur le plan interne, c'est la LAAF, applicable en l'espèce (cf. art. 24 LAAF), qui concrétise l'exécution en Suisse de l'assistance administrative en matière d'échange de renseignements sur demande (cf. art. 1 LAAF; ATF 146 II 150 consid. 5.4; 143 II 224 consid. 6.1; 628 consid. 4.3). 
 
4.  
 
4.1. La validité de la demande d'assistance administrative du 11 mai 2016 a fait l'objet d'un arrêt de principe du 26 juillet 2019, qui a été partiellement publié (ATF 146 II 150; supra let. A.a). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a d'abord constaté que cette demande revêtait les caractéristiques d'une demande dite "collective" (ATF 146 II 150 consid. 4). Il a ensuite retenu que l'autorité requérante était fondée à demander l'assistance administrative de la Suisse pour les périodes fiscales 2010 à 2015 en identifiant ces personnes par d'autres moyens que par leur nom et leur adresse (ATF 146 II 150 consid. 5) et que, sur le fond, les conditions de l'assistance administrative à la France étaient remplies; en effet, les renseignements demandés remplissaient la condition de la pertinence vraisemblable au sens de l'art. 28 par. 1 CDI CH-FR et la demande ne constituait pas une pêche aux renseignements inadmissible (ATF 146 II 150 consid. 6). Enfin, le Tribunal fédéral a jugé que l'autorité requérante avait fourni des assurances suffisantes que les informations qu'elle recevrait ne seraient pas transmises aux autorités pénales françaises pour être utilisées dans la procédure pénale qui était alors ouverte en France contre la Banque, en violation du principe de spécialité et de l'obligation de garder le secret prévue à l'art. 28 par. 2 CDI CH-FR (ATF 146 II 150 consid. 7).  
 
4.2. Le Tribunal administratif fédéral s'est largement référé à cet arrêt de principe pour rejeter le recours de la recourante. Il a par ailleurs jugé, en substance, que celle-ci ne pouvait pas se prévaloir de ses fonctions au sein du TANU et du CIRDI pour s'opposer à la transmission de renseignements sur ses comptes bancaires (consid. 5). Il a également retenu que, contrairement à ce que l'intéressée soutenait, la transmission de renseignements ne constituait pas une violation des principes de spécialité et de confidentialité (consid. 6) et que les renseignements requis remplissaient la condition de la pertinence vraisemblable nonobstant la prescription, alléguée par la recourante, de certaines périodes fiscales (consid. 7).  
 
5.  
La recourante reproche d'abord au Tribunal administratif fédéral d'avoir constaté les faits de manière arbitraire (art. 9 Cst.). 
 
5.1. En relation avec l'appréciation des preuves et l'établissement des faits, une décision n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a procédé à des déductions insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3).  
 
5.2. Pour autant que l'on saisisse le sens de son grief, la recourante semble d'abord reprocher aux juges précédents d'avoir arbitrairement ignoré qu'elle fonctionnait comme arbitre auprès du CIRDI en 2010 déjà en indiquant, au consid. 5.1 de l'arrêt attaqué, qu'elle se référait à l'art. 21 de la Convention CIRDI "pour les années 2011 à 2015".  
Il ne ressort pas clairement de l'arrêt attaqué que le Tribunal administratif fédéral retienne que la recourante ne fonctionnait pas déjà comme arbitre auprès du CIRDI durant l'année 2010. L'arrêt attaqué se réfère en effet expressément "aux activités de la recourante comme arbitre au CIRDI durant la période concernée" (cf. consid. 5.2), étant rappelé que la période concernée par la demande d'assistance administrative couvre l'année 2010. Quoi qu'il en soit, ce point n'est pas décisif puisque la recourante ne peut de toute manière rien tirer de sa fonction d'arbitre auprès du CIRDI pour s'opposer à l'échange de renseignements bancaires la concernant (infra consid. 6.3). Le premier grief de constatation arbitraire des faits est donc rejeté. 
 
5.3. C'est aussi en vain que la recourante reproche au Tribunal administratif fédéral d'avoir arbitrairement ignoré que la documentation destinée à être transmise à l'autorité requérante contient des informations qui démontrent que c'est sur le compte bancaire visé par la demande que lui ont été crédités des honoraires pour sa fonction d'arbitre du CIRDI. En effet, cet élément n'était pas pertinent pour le Tribunal administratif fédéral, puisqu'il a jugé que l'appartenance de la recourante au CIRDI n'était pas un obstacle à la transmission de renseignements. Savoir si c'est à juste titre relève de l'application du droit et non de l'établissement des faits.  
 
5.4. La recourante soutient encore que le Tribunal administratif fédéral a arbitrairement omis de constater que les numéros de référence d'affaires qu'elle a arbitrées au CIRDI, et qui figurent dans la documentation bancaire destinée à être transmise, permettent d'accéder facilement, par une recherche sur internet, à des indications sur le nom des parties qui ont sollicité l'arbitrage, alors qu'il s'agirait-là d'informations qui sont couvertes par l'immunité. Or, si l'autorité requérante devait accéder à cette documentation bancaire par la voie de l'assistance administrative, elle pourrait alors prendre connaissance d'informations confidentielles, "ce qui équivaudrait à une levée de l'anonymat, prohibée par les règles applicables".  
On peine à saisir ce que la recourante entend tirer en sa faveur de ces explications. En effet, en faisant valoir que le numéro de référence d'un arbitrage permet de retrouver facilement le nom des parties qui ont sollicité ledit arbitrage, la recourante démontre par là-même que cette information n'est précisément pas confidentielle, mais accessible au public. Du reste, si l'on procède à une recherche en ligne au moyen du numéro de référence qu'elle mentionne dans son recours, on accède aisément non seulement à la décision arbitrée correspondante, dans une version complète et non anonymisée, mais également à toutes les mesures ordonnées dans le cadre de l'instruction de la cause. 
 
5.5. Le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits, infondé, est partant rejeté.  
 
6.  
Sur le fond, la recourante fait d'abord valoir qu'au regard de ses fonctions passées en tant que juge au TANU et en tant qu'arbitre du CIRDI, elle bénéfice d'immunités et de privilèges garantis par plusieurs instruments internationaux, lesquels incluent l'inviolabilité de tous ses "papiers et documents" et que cette immunité fait obstacle à la transmission de renseignements bancaires la concernant, parce qu'ils contiennent des informations liées auxdites fonctions. 
 
6.1. Il convient au préalable de souligner qu'à l'instar des clauses d'échange de renseignements calquées sur l'art. 26 du Modèle OCDE de Convention sur le revenu et la fortune, l'art. 28 CDI CH-FR ne prévoit aucune restriction à l'échange de renseignements sur demande qui serait liée à la fonction occupée par la personne visée par la demande. Par ailleurs, le point de savoir si cette personne est soumise à l'impôt dans l'État requérant ou si elle y est au contraire exonérée, en raison de sa fonction au sein d'une organisation internationale par exemple, relève de l'application des dispositions matérielles applicables dans l'Etat requérant. Or, comme la jurisprudence l'a maintes fois souligné, l'application du droit interne échappe à la cognition de l'Etat requis dans le cadre de l'examen d'une demande d'assistance administrative (cf. not. ATF 142 II 161 consid. 2.2.2; 218 consid. 3.6; arrêt 2C_791/2021 du 6 juillet 2022 consid. 7.1.2). La recourante ne peut donc pas invoquer la CDI CH-FR pour s'opposer à l'échange de renseignements dans le cas d'espèce. Elle ne le fait du reste pas. En revanche, elle invoque l'immunité qui serait attachée à ses fonctions au sein du TANU et du CIRDI pour s'opposer à la transmission de renseignements bancaires.  
 
6.2. S'agissant de sa fonction de juge au TANU, comme déjà souligné (supra consid. 1.2), le Tribunal administratif fédéral a constaté, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que ce tribunal a cessé de fonctionner à la fin de l'année 2009. La recourante ne peut donc pas, quoi qu'elle en dise, sur la base au demeurant d'une argumentation brève, vague et sans lien avec le cas d'espèce, se prévaloir de cette fonction pour s'opposer à la transmission de renseignements, qui portent uniquement sur les années 2010 à 2015. A cela s'ajoute que la recourante n'a de toute manière fourni aucune explication claire qui permettrait de comprendre quelles informations ou quels documents liés au compte bancaire dont elle était titulaire au sein de la Banque pourraient être concernés par la prétendue immunité liée à sa fonction de juge au TANU.  
 
6.3. En lien avec sa fonction d'arbitre au sein du CIRDI, la recourante se prévaut de plusieurs textes internationaux qui, selon elle, font obstacle à la transmission des renseignements.  
 
6.3.1. Elle mentionne l'art. 21 de la Convention du 18 mars 1965 pour le Règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États, entrée en vigueur pour la Suisse le 14 juin 1968 (RS 0.975.2; ci-après : la Convention CIRDI). Cette disposition prévoit ce qui suit :  
Le Président, les membres du Conseil Administratif, les personnes agissant en qualité de conciliateurs, d'arbitres ou de membres du Comité prévu à l'art. 52, al. (3), et les fonctionnaires et employés du Secrétariat : 
 
a. Ne peuvent faire l'objet de poursuites en raison d'actes accomplis par eux dans l'exercice de leurs fonctions, sauf si le Centre lève cette immunité; 
 
b. Bénéficient, quand ils ne sont pas ressortissants de l'État où ils exercent leurs fonctions, des mêmes immunités en matière d'immigration, d'enregistrement des étrangers, d'obligations militaires ou de prestations analogues et des mêmes facilités en matière de change et de déplacements, que celles accordées par les États contractants aux représentants, fonctionnaires et employés de rang comparable d'autres États contractants. 
 
Cette disposition n'instaure manifestement aucune inviolabilité de documents. La recourante se limite du reste à la citer, sans expliquer ce qu'elle entend tirer concrètement de cette Convention pour s'opposer à la transmission de renseignements bancaires la concernant. 
 
6.3.2. La recourante mentionne également la Convention du 21 novembre 1947 sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées, entrée en vigueur pour la Suisse le 25 septembre 2012 (RS 0.192.110.03). Toutefois, et comme l'a aussi constaté le Tribunal administratif fédéral, le CIRDI ne fait pas partie de la liste des "institutions spécialisées" visées par cette Convention (cf. la liste des institutions spécialisées figurant à son art. I Section 1ch. ii). Quoi que la recourante en dise, le fait que le CIRDI a été constitué, selon le Préambule de la Convention CIRDI, "sous les auspices de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement" et que ladite Banque fait partie des institution spécialisées visées par la Convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées n'y change rien.  
 
6.3.3. La recourante évoque encore incidemment la Convention du 13 février 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies (RS 0.192.110.02), ainsi que l'Accord des 11 juin/1 er juillet 1946 sur les privilèges et immunités de l'Organisation des Nations Unies, conclu entre le Conseil fédéral suisse et le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies (RS 0.192.120.1). Elle n'explique toutefois pas en quoi ces instruments lui permettraient de s'opposer valablement à la transmission de renseignements bancaires la concernant. Elle invoque aussi la "coutume internationale", sans toutefois indiquer en vertu de laquelle elle pourrait échapper à l'échange de renseignements instauré par l'art. 28 CDI CH-FR. Il n'y a donc pas lieu de s'attarder plus avant sur ces points.  
 
6.4. Au vu de ce qui précède, c'est en vain que la recourante se prévaut de ses fonctions au TANU et au CIRDI et des immunités qui y seraient attachées pour s'opposer à la transmission à l'autorité requérante de renseignements sur le compte bancaire dont elle était titulaire en Suisse durant la période visée par la demande.  
 
7.  
La recourante fait ensuite valoir que le Tribunal administratif fédéral aurait dû refuser la transmission des renseignements à l'autorité requérante, en raison d'un risque de violation des principes de spécialité et de confidentialité garantis à l'art. 28 par. 2 CDI CH-FR. Elle relève que, dans un courrier du 2 janvier 2020 (supra let. A.b), l'autorité requérante avait informé l'Administration fédérale qu'elle serait susceptible d'utiliser les renseignements obtenus dans une procédure fiscale dirigée contre des "personnes tierces". Selon la recourante, cela attesterait que l'autorité requérante pourrait utiliser les renseignements transmis de manière contraire au principe de spécialité tel qu'il avait été circonscrit par le Tribunal fédéral. 
 
7.1. Selon l'art. 28 par. 2 CDI CH-FR, les renseignements reçus en vertu du par. 1 par un État contractant sont tenus secrets de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne de cet État et ne sont communiqués qu'aux personnes ou autorités (y compris les tribunaux et organes administratifs) concernées par l'établissement ou le recouvrement des impôts mentionnés au par. 1, par les procédures ou poursuites concernant ces impôts, par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts, ou par le contrôle de ce qui précède. Ces personnes ou autorités n'utilisent ces renseignements qu'à ces fins. Elles peuvent révéler ces renseignements au cours d'audiences publiques de tribunaux ou dans des jugements. Nonobstant ce qui précède, les renseignements reçus par un État contractant peuvent être utilisés à d'autres fins lorsque cette possibilité résulte des lois des deux États et lorsque l'autorité compétente de l'État qui fournit les renseignements autorise cette utilisation.  
 
7.2. Dans le contexte de la procédure d'assistance administrative initiée par la demande collective française du 11 mai 2016, le Tribunal fédéral a jugé que l'utilisation des renseignements obtenus par la voie de l'assistance administrative dans la procédure pénale alors ouverte en France contre la banque B.________ AG serait contraire au principe de la spécialité réservé à l'art. 28 par. 2 CDI CH-FR (ATF 146 II 150 consid. 7.5), mais que la France avait fourni des assurances suffisantes qu'elle ne les utiliserait pas dans le cadre de cette procédure pénale (ATF 146 II 150 consid. 7.6 à 7.9). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé plus avant sur le point de savoir si le principe de la spécialité s'opposait à ce que l'autorité requérante utilise des renseignements obtenus par la voie de l'assistance administrative dans une procédure fiscale dirigée contre une personne tierce. C'est dans un arrêt du 13 juillet 2020, publié dans l'ATF 147 II 13, que le Tribunal fédéral a précisé que la réserve du principe de spécialité revêtait aussi une dimension personnelle, en ce sens qu'il excluait également que l'autorité requérante puisse utiliser des renseignements reçus par la voie de l'assistance administrative dans une procédure fiscale dirigée contre des personnes tierces, à savoir contre d'autres personnes que celles visées par la demande (ATF 147 II 13 consid. 3.4; cf. toutefois aussi déjà ATF 144 II 29 consid. 4.4; 142 II 161 consid. 4.6.1). Constatant que la portée personnelle du principe de la spécialité n'était pas admise de manière générale, notamment au plan international, et qu'il subsistait de ce fait une ambiguïté sur la portée de ce principe, le Tribunal fédéral en a conclu que, dans ces circonstances, il incombait à l'Administration fédérale d'indiquer aux États requérants, dans les décisions finales qu'elle rendrait, de cette restriction d'utilisation des renseignements fournis selon la conception suisse du principe de spécialité (cf. ATF 147 II 13 consid. 3.7 et les références).  
S'il existe des indices concrets d'une violation de l'obligation de garder le secret ou du principe de spécialité par l'État requérant, l'État requis peut refuser l'assistance administrative (ATF 146 II 150 consid. 7.3; arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 7.2). 
 
7.3. En l'espèce, le Tribunal administratif fédéral a jugé qu'en invoquant une violation du principe de la spécialité en lien avec le risque que l'autorité requérante utilise les renseignements dans des procédures contre des tiers, la recourante ne faisait pas valoir ses propres intérêts, mais l'intérêt de tiers, de sorte que son grief était irrecevable et que, même s'il entrait en matière sur le grief, celui-ci devrait être rejeté (arrêt attaqué consid. 6.2 et 6.3).  
 
7.4. Le point de savoir si la recourante peut, comme elle le soutient, se prévaloir d'une violation du principe de la spécialité en faveur de tiers peut rester indécis, puisque le grief doit de toute manière être rejeté sur le fond. En effet, il ressort des constatations de fait des juges précédents, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF, supra consid. 2.2) que le courrier du 2 janvier 2020, par lequel l'autorité requérante évoque la possibilité d'utiliser les renseignements qu'elle recevrait dans des procédures fiscales dirigées contre des tiers, est antérieur à la précision apportée le 13 juillet 2020 par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 2C_537/2019, publié dans l'ATF 147 II 13, quant à la portée personnelle du principe de la spécialité (cf. aussi sur ce point l'arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 7.4). En outre, dans sa décision finale du 27 avril 2021, l'Administration fédérale a, conformément à l'arrêt précité 2C_537/2019 du 13 juillet 2020 publié dans l'ATF 147 II 13, dûment rappelé à l'autorité requérante qu'elle ne pourrait utiliser les renseignements obtenus qu'en relation avec la personne concernée par la demande et pour les faits décrits dans celle-ci. Le courrier du 2 janvier 2020 ne saurait ainsi constituer un indice concret de violation du principe de la spécialité propre à entraîner un refus de l'assistance administrative (cf. aussi arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 7.4), à supposer que la recourante soit légitimée à faire valoir les intérêts de tiers.  
 
7.5. Dans ces circonstances, on ne peut pas reprocher aux juges précédents d'avoir violé l'art. 28 par. 2 CDI CH-FR en confirmant la transmission des renseignements à l'autorité requérante.  
 
8.  
La recourante reproche encore au Tribunal administratif fédéral d'avoir violé l'art. 28 par. 1 CDI CH-FR en confirmant la transmission des renseignements dans le cas d'espèce, alors que ceux-ci ne rempliraient pas, à tout le moins s'agissant des années 2010 et 2011, la condition de la pertinence vraisemblable. A l'appui de son grief, elle relève que l'autorité requérante avait indiqué elle-même dans sa demande que la prescription était de dix ans en droit français, de sorte que les juges précédents n'auraient pas dû confirmer, en 2022, la transmission de renseignements concernant les années 2010 et 2011, en raison de la prescription. 
 
8.1. En vertu de l'art. 28 par. 1 CDI CH-FR, les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des États contractants.  
La condition de la pertinence vraisemblable figurant à l'art. 28 par. 1 CDI CH-FR a pour but d'assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible, sans qu'il soit pour autant loisible aux États contractants de demander des renseignements au hasard ou qui ne sont pas susceptibles d'apporter un éclairage sur les affaires fiscales d'un contribuable particulier (ch. XI par. 2 du Protocole additionnel à la CDI CH-FR; ATF 142 II 161 consid. 2.1.1). Selon la jurisprudence, cette condition est réputée réalisée si, au moment où la demande d'assistance administrative est formulée, il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révéleront pertinents. En revanche, peu importe qu'une fois fournie, il s'avère que l'information demandée soit finalement non pertinente (cf. notamment ATF 145 II 112 consid. 2.1.1; 144 II 29 consid. 4.2.2; 144 II 206 consid. 4.3; 142 II 161 consid. 2.1.1). L'appréciation de la pertinence vraisemblable des informations demandées est en premier lieu du ressort de l'État requérant. L'État requis se limite à examiner si les documents demandés ont un rapport avec l'état de fait présenté dans la demande et s'ils sont potentiellement propres à être utilisés dans la procédure étrangère (cf. ATF 148 II 336 consid. 7.2; 142 II 161 consid. 2.1.1). Il ne peut donc pas examiner les objections liées au bien-fondé de la procédure fiscale menée à l'étranger, ni déterminer lui-même si d'éventuels obstacles procéduraux du droit interne de l'État requérant empêcheraient l'utilisation des renseignements obtenus (cf. ATF 144 II 206 consid. 4.3; arrêts 2C_1162/2016 du 4 octobre 2017 consid. 6.3; 2C_241/2016 du 7 avril 2017 consid. 5.4). Le Tribunal fédéral a déjà indiqué à plusieurs reprises qu'il n'incombe donc pas à l'État requis d'examiner si certaines périodes fiscales concernées par une demande d'assistance administrative pourraient être atteintes par le délai de prescription dans l'État requérant, quand bien même l'existence d'un tel délai serait mentionnée dans la demande d'assistance administrative elle-même (arrêts 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 5.1; 2C_662/2021 du 18 mars 2022 consid. 5.4.1 et 5.4.2). 
 
8.2. Au vu de ce qui précède, c'est en vain que la recourante reproche au Tribunal administratif fédéral d'avoir confirmé la transmission de renseignements alors que certaines périodes fiscales concernées par la demande d'assistance administrative seraient prescrites selon le droit français. Cette objection doit être soulevée devant l'État requérant. On ne discerne donc aucune violation de l'art. 28 par. 1 CDI CH-FR dans le cas d'espèce.  
 
9.  
La recourante fait finalement valoir que le Tribunal administratif fédéral aurait dû ordonner à l'Administration fédérale d'indiquer à l'autorité requérante le montant des intérêts qui ont été versés au bénéficiaire effectif du compte bancaire concerné par la demande, en application "par analogie" de l'art. 2 par. 2 let. d de l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, dans sa teneur applicable jusqu'au 31 décembre 2016 (RO 2005 2571). Elle soutient que cela permettrait l'application du mécanisme d'élimination de la double imposition qui était prévu par cet accord. Selon elle, cela reviendrait à appliquer le droit alors en vigueur, qui prévoyait la communication du montant des intérêts payés.  
La question de l'élimination de la double imposition internationale d'un revenu est étrangère à la procédure d'assistance administrative, qui vise uniquement la transmission de renseignements vraisemblablement pertinents (cf. arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 9). Cette question peut se poser en aval, si en définitive la personne concernée se trouve dans une situation de double imposition internationale. Les griefs de la recourante en lien avec la double imposition internationale des intérêts qui auraient été versés sur le compte bancaire concerné n'ont donc pas de lien avec l'objet du litige. 
Le grief est ainsi infondé. 
 
10.  
Ce qui précède conduit au rejet du recours. 
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, à l'Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 12 juin 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : S. Vuadens