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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4D_62/2023  
 
 
Arrêt du 7 juin 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas. 
Greffière: Mme Fournier. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Francine Defferrard, avocate, 
demandeur et recourant, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Philippe Bardy, avocat, 
défenderesse et intimée. 
 
Objet 
action en libération de dette (art. 83 LP), 
 
recours contre l'arrêt rendu le 9 octobre 2023 par la Ire Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (101 2022 118). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. À une date inconnue, B.________ SA (ci-après: la société ou la défenderesse) et A.________ (ci-après: le demandeur) ont conclu un contrat de travail en la forme écrite. Le demandeur a ainsi été engagé par la défenderesse en tant que "chef du service immobilier" avec une entrée en fonction le 1er septembre 2017. Le contrat prévoyait une rémunération composée d'un salaire mensuel brut de 8'000 fr., ainsi qu'une participation aux bénéfices des transactions, pour autant que le demandeur apportât le bien ou l'investisseur lié à la transaction en question.  
Par contrat de prêt du 26 janvier 2018, la société a prêté au demandeur la somme de 25'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an. Le demandeur s'est, quant à lui, engagé à rembourser un montant de 26'165 fr. au plus tard le 31 décembre 2018. En outre, il a autorisé la société à compenser les montants impayés avec toute rémunération à laquelle il avait droit. 
Le 12 février 2019, la société lui a versé 150'000 fr. En procédure, le demandeur invoquera que ce versement soldait la participation aux bénéfices que lui devait la société, sous déduction du montant qu'il lui devait au titre de remboursement du prêt. 
Le 29 novembre 2019, la société a résilié le contrat de travail. Les parties ont convenu que les rapports de travail prendraient fin le 30 novembre 2019. 
 
A.b. Le 9 mai 2020, le demandeur s'est vu notifier, sur réquisition de la société, un commandement de payer portant notamment sur un montant de 27'927 fr. 50, intérêts en sus, au titre de "remboursement du prêt du 25 janvier 2018". Le même jour, le demandeur a formé opposition totale. Faisant suite à la requête déposée par la société le 15 juin 2020, le Tribunal civil de la Sarine a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition pour le montant de 26'125 fr., ainsi que pour les intérêts et les frais de poursuite.  
 
B.  
 
B.a. Le 2 novembre 2020, le demandeur a déposé une demande en libération de dette auprès du Tribunal civil de la Sarine, tendant à ce qu'il soit constaté qu'il ne devait pas à la défenderesse la somme précitée.  
Le demandeur a formulé différentes réquisitions de preuves, lesquelles ont été rejetées. 
Par décision du 18 février 2022, le Tribunal civil de la Sarine a rejeté cette demande. 
 
B.b. Le demandeur a interjeté un appel devant la Ire Cour d'appel civil du Tribunal cantonal fribourgeois. Dans le cadre de la procédure, il a fait valoir des faits et moyens de preuve nouveaux, respectivement le 2 avril, le 9 juin et le 28 décembre 2022. Statuant le 9 octobre 2023, la cour cantonale a rejeté l'appel.  
A titre liminaire, la cour cantonale a jugé que le moyen de preuve produit le 9 juin 2022 par le demandeur n'était pas recevable en procédure d'appel. Le document en question, qui se trouvait au domicile du demandeur mais que celui-ci disait avoir découvert fortuitement en cours de procédure d'appel en raison d'une erreur de classement dans ses papiers, ne remplissait pas les critères d'un pseudo novum admissible en appel. En revanche, le jugement du 21 décembre 2022 du tribunal des prud'hommes du canton de Genève produit par le demandeur le 28 décembre 2022 était recevable.  
Sur le fond, la cour cantonale a rejeté la thèse du demandeur selon laquelle la dette en remboursement du prêt litigieux aurait été éteinte par compensation avec une prétendue créance en participation aux bénéfices qu'il aurait détenue à l'encontre de la société. Selon la cour cantonale, le demandeur n'était pas parvenu à démontrer l'existence d'une telle créance. En particulier, les affaires que le demandeur aurait prétendument apportées à la société n'étaient pas démontrées, tout comme le calcul de la participation. Les réquisitions de preuve formulées par le demandeur en première instance n'étaient pas propres à les établir et ses allégations étaient trop lacunaires pour justifier l'administration des preuves requises à cet égard. Il s'ensuivait que c'était à bon droit que l'autorité de première instance avait rejeté l'action en libération de dette du demandeur. 
Sur cette base, selon l'autorité précédente, il était vain d'analyser le deuxième grief du demandeur, qui critiquait la constatation des faits et l'appréciation des preuves opérée par le juge de première instance, en tant que celui-ci avait retenu que le montant de 150'000 fr. versé au demandeur par la société le 12 février 2019 ( supra A.a) était un nouveau prêt et non le solde de sa prétendue créance en participation aux bénéfices après compensation de la dette résultant du contrat de prêt litigieux. Puisque la créance en participation aux bénéfices n'était pas démontrée, le sort de la cause était scellé sans qu'il soit nécessaire de qualifier juridiquement le versement de la somme de 150'000 fr., ce d'autant qu'il était allégué qu'une procédure distincte opposait les parties à ce sujet.  
 
C.  
Le demandeur interjette un recours constitutionnel subsidiaire à l'encontre de cet arrêt. En substance, il conclut principalement à sa réforme, en ce sens que l'action en libération de dette est admise. Subsidiairement, il formule des conclusions en renvoi à l'autorité de première instance, voire à la cour cantonale. 
Le Tribunal fédéral n'a pas requis le dépôt d'une réponse au recours. 
L'autorité précédente a produit le dossier cantonal. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. La valeur litigieuse de cette affaire civile pécuniaire n'atteint pas le seuil de 30'000 fr. auquel l'art. 74 al. 1 let. b LTF subordonne la recevabilité du recours en matière civile. Le recourant admet par ailleurs implicitement qu'aucune des exceptions prévues par l'art. 74 al. 2 LTF n'est réalisée. Partant, seul le recours constitutionnel subsidiaire est ouvert (art. 113 LTF).  
 
1.2. Le recours a été déposé en temps utile (art. 117, art. 100 al. 1 et art. 45 LTF) contre une décision finale (art. 117 et art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale et sur recours par un tribunal supérieur (art. 114 et art. 75 LTF), par une partie qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt juridique à la modification de la décision attaquée (art. 115 LTF). Le recours constitutionnel subsidiaire est dès lors recevable. Demeure réservé l'examen de la recevabilité des griefs invoqués par le recourant.  
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 116 LTF (art. 118 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 262).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2 p. 234; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1). Il ne suffit pas qu'une appréciation différente puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 142 II 369 consid. 4.3; 140 III 167 consid. 2.1). 
 
2.2. Comme son nom l'indique, le recours constitutionnel subsidiaire peut être formé uniquement pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). Pour ce type de grief prévaut une exigence de motivation accrue. Selon le principe de l'allégation, la partie recourante doit indiquer quel droit constitutionnel a été violé, en expliquant de façon circonstanciée en quoi réside la violation (art. 106 al. 2 LTF, applicable par analogie en vertu de l'art. 117 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.2; 133 II 396 consid. 3.2).  
Lorsqu'il soulève le grief d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'application du droit, le recourant ne peut se contenter de plaider que la décision attaquée serait arbitraire. Il doit expliquer, sur la base de la subsomption opérée dans le cas concret, en quoi la décision attaquée méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si la décision entreprise apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans raisons objectives ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 III 145 consid. 2; 141 III 564 consid. 4.1; 140 III 16 consid. 2.1; 139 III 334 consid. 3.2.5; 136 III 552 consid. 4.2). 
 
2.3. En l'occurrence, l'acte de recours soumis au Tribunal fédéral ne satisfait manifestement pas aux exigences rappelées ci-dessus.  
Dans son mémoire de recours qui s'étend sur cinquante pages, le recourant expose une version de son propre cru des circonstances de la cause. Il consacre une partie considérable de ce mémoire à retranscrire in extenso des extraits de l'arrêt attaqué et de son mémoire d'appel. A titre d'exemple, pour son premier "motif d'appel" (sic), le recourant cite sur six pages des extraits de l'arrêt attaqué qu'il fait suivre d'extraits de son mémoire d'appel retranscrits sur près de seize pages. Pour son deuxième grief, il recopie encore sur quatre pages son mémoire d'appel et pour le dernier, il en reprend encore un extrait sur près de huit pages. Ce procédé contrevient aux exigences de motivation requises, le recourant ne s'en prenant par-là manifestement pas à la décision attaquée. S'ensuit l'irrecevabilité de la critique formulée dans les extraits précités.  
Les paragraphes qui suivent ou précèdent les extraits en question, mêlant le fait et le droit, ne répondent pas davantage à l'exigence de motivation accrue prescrite par l'art. 106 al. 2 LTF
Dans un premier grief, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir versé dans l'arbitraire (art. 9 Cst.) en n'examinant pas à quel titre le versement de 150'000 fr. avait été effectué par l'intimée ( supra let. B.b). Cette question formerait selon lui "un tout indissociable" avec le montant qui lui est réclamé, à moins que ce soient les versions de chacune des parties qui s'avéreraient indissolubles (son mémoire n'est pas clair), et serait déterminante pour juger de "la crédibilité de [l'intimée]". Par ailleurs, la motivation de la cour cantonale serait "lacunaire et ne rempli[rait] pas l'exigence de motivation suffisante de la décision au sens de l'art. 238 let. g CPC".  
Si la cour cantonale a considéré qu'il n'était pas nécessaire pour elle de qualifier juridiquement le versement de 150'000 fr., c'est - comme elle l'a fort bien indiqué - parce que le recourant n'avait pas apporté la preuve de la créance qui aurait été compensée avec celle résultant du prêt conclu entre les parties le 26 janvier 2018. Le Tribunal fédéral ne cerne pas sur quel point ce raisonnement serait arbitraire, l'explication fournie par le recourant demeurant impénétrable, respectivement sur quel aspect cette motivation serait lacunaire. Le grief corrélatif doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
Dans un deuxième grief, le recourant soutient que l'instance précédente "n'a pas examiné la recevabilité des faits et moyens de preuves nouveaux contenu[s] dans le courrier du 2 avril 2022", soit la "liste des transferts de biens immobiliers effectués par [l'intimée] en Allemagne de 2014 à 2019". Le recourant feint d'ignorer le considérant 3.5 de l'arrêt entrepris, où la cour cantonale se rallie au raisonnement de l'autorité de première instance, en considérant que le recourant n'a pas suffisamment allégué les faits qui fonderaient une créance de participation aux bénéfices ( supra let. B.b). Cela étant, il ne discute aucunement les motifs à la base de la décision attaquée et n'indique pas en quoi cette motivation enfreindrait le droit fédéral, exigence qui s'imposait pourtant à lui (ATF 140 III 86 consid. 2). Exprimé différemment, il ne démontre pas en quoi il serait arbitraire de retenir que ses allégations étaient trop lacunaires pour permettre l'administration des preuves requises et ne satisfait ainsi pas à l'exigence de motivation qui s'impose à lui.  
Enfin, dans un dernier grief, le recourant relève que la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire en déclarant irrecevable le moyen de preuve qu'il a produit le 9 juin 2022 ( supra let. B.b). Dans un développement nébuleux, on croît discerner qu'il reproche à la cour cantonale d'avoir appliqué l'art. 317 CPC. Selon lui, "[l']application de l'art. 317 al. 1 CPC ne saurait emporter le pas et heurter de manière choquante le sentiment de justice" puisque, à le lire, la pièce qu'il a produite "contredi[rait] totalement la version des faits de [l'intimée]" de sorte qu'il serait arbitraire de l'écarter. Ici encore, on ne retrouve aucune trace des motifs pour lesquels la cour cantonale a estimé que la production en appel de la pièce en question ne remplissait pas les conditions légales, ce alors que le recourant devait impérativement mettre le doigt sur les failles prétendument arbitraires de ce raisonnement, ce qui scelle ce grief du sceau de l'irrecevabilité.  
Somme toute, le recours doit être rejeté, dans la faible mesure où il est recevable. 
 
3.  
Le recourant, qui succombe, supportera les frais de procédure (art. 66 al. 1 LTF), mais sera dispensé de verser des dépens à l'intimée puisque celle-ci n'a pas eu à se déterminer. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Ire Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du canton de Fribourg. 
 
 
Lausanne, le 7 juin 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Fournier