Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_512/2023  
 
 
Arrêt du 7 juin 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Hohl et Kiss. 
Greffière : Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Sàrl, 
représentée par Me Hrant Hovagemyan, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
Juge à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève, 
place du Bourg-de-Four 1, 1204 Genève, 
intimée, 
 
C.________, 
représentée par Me Emmanuelle Guiguet-Berthouzoz, avocate, 
partie intéressée. 
 
Objet 
demande de récusation, 
 
recours en matière civile contre la décision rendue le 18 septembre 2023 par la Cour de justice du canton de Genève, Délégation des Juges de la Cour de justice en matière de récusation (C/14165/2023, ACJC/1203/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Aux termes d'un accord entre A.________ Sàrl (ci-après: la locataire) et C.________ (ci-après: la bailleresse) entériné le 29 novembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève, le bail qui les liait a pris fin le 28 février 2022, date à laquelle la locataire s'était engagée à restituer les locaux.  
 
A.b. En parallèle à cette procédure, le 28 septembre 2020, la locataire a saisi le Tribunal des baux et loyers d'une demande en paiement dirigée contre la bailleresse (cause C/17279/19).  
 
A.b.a. Lors d'un premier incident de procédure sur délai pour répliquer, le Tribunal a imparti à la locataire, par ordonnance du 15 février 2022, un ultime délai non prolongeable pour répliquer au 25 mars 2022; à défaut de détermination dans le délai fixé, elle serait considérée comme ayant renoncé à répliquer.  
La locataire a recouru contre cette ordonnance auprès de la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice. Elle a requis la suspension de son caractère exécutoire. 
Par arrêt présidentiel du 8 mars 2022, la juge D.________ a ordonné la suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance du 15 février 2022. 
Par arrêt du 3 octobre 2022, la Chambre des baux et loyers, composée des juges B.________, Présidente, E.________ et F.________, juges, ainsi que de deux assesseurs, a déclaré irrecevable le recours formé à l'encontre de l'ordonnance du 15 février 2022. D'une part, il n'y avait pas de préjudice difficilement réparable et d'autre part, "l'écoulement du temps dans la présente procédure de recours (avait) eu pour effet que les délais fixés dans l'ordonnance entreprise (étaient) également déjà échus". 
Le 5 décembre 2022, le Tribunal a constaté que l'arrêt du 3 octobre 2022 était désormais définitif et a fixé un délai aux parties pour se déterminer sur la suite à donner à la procédure. 
 
A.b.b. Au cours d'un second incident de procédure, le 18 janvier 2023, la locataire a alors requis du Tribunal la suspension de la cause jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral sur le recours qu'elle avait formé à l'encontre d'un arrêt rendu le 20 septembre 2022 par la Chambre administrative de la Cour de justice.  
Par ordonnance du 3 mars 2023, le Tribunal a rejeté la demande de suspension et a imparti un délai au 31 mars 2023 à la locataire pour se déterminer exclusivement sur les allégués et conclusions amplifiées de la bailleresse du 5 mai 2022. 
Le 17 mars 2023, la locataire a exercé un recours devant la Chambre des baux et loyers contre cette ordonnance, assorti d'une requête d'effet suspensif. 
Par arrêt présidentiel du 24 mars 2023, la juge B.________, en sa qualité de juge unique, a rejeté la requête d'effet suspensif. En substance, s'agissant de la détermination sur les allégués et conclusions amplifiées exclusivement, elle a considéré que le recours formé contre l'ordonnance du 15 février 2022 avait été déclaré irrecevable par arrêt du 3 octobre 2022 (art. 105 al. 2 LTF), qu'il appartenait ainsi à la recourante de déposer sa réplique dans le délai fixé par l'ordonnance du 15 février 2022 et qu' a priori, au vu des faibles chances de succès du recours, il se justifiait de rejeter la requête d'effet suspensif.  
Dans l'intervalle, la locataire a saisi la Chambre des baux et loyers d'une requête en interprétation des arrêts rendus les 8 mars et 3 octobre 2022. 
 
B.  
 
B.a. Par lettres des 1er et 19 juin 2023, la locataire a demandé à la Chambre des baux et loyers de lui communiquer les noms des magistrats chargés de traiter le recours contre l'ordonnance du 3 mars 2023 et la requête en interprétation des arrêts des 8 mars et 3 octobre 2022.  
Par courrier du 21 juin 2023, le greffe de la Chambre des baux et loyers a informé que les magistrats en charge de la cause C/17279/19 étaient B.________, présidente, E.________ et F.________, juges, ainsi que G.________ et H.________, juges assesseurs. 
Le 6 juillet 2023, la locataire a requis de la Chambre des baux et loyers la récusation de B.________ dans la cause C/17279/19. Elle a allégué que l'objet du recours dirigé contre l'ordonnance du 3 mars 2023 et des requêtes en interprétation était de déterminer les conséquences de l'effet suspensif octroyé par la juge D.________ le 8 mars 2022 sur les délais fixés par le Tribunal. Or, dans le cadre de la procédure de recours contre l'ordonnance du 3 mars 2023, la juge B.________ avait rejeté la requête d'effet suspensif (par arrêt du 24 mars 2023) sans faire référence à l'arrêt du 8 mars 2022. La juge B.________ avait retenu qu' "il appartenait à la partie recourante de déposer sa réplique dans le délai fixé par l'ordonnance susmentionnée du 15 février 2022" et avait estimé que les chances de succès étaient par conséquent faibles. Ces faits faisaient redouter une activité partiale de la Chambre des baux et loyers sous la présidence de la juge B.________. 
 
B.b. Par décision du 18 septembre 2023, la Délégation des Juges de la Cour de justice en matière de récusation a rejeté la requête de récusation. Elle a relevé que la locataire faisait référence aux procédures en interprétation des arrêts des 8 mars et 3 octobre 2022, ainsi qu'au recours contre l'ordonnance du 3 mars 2023 du Tribunal. La demande de récusation n'avait pas de raison d'être s'agissant des requêtes d'interprétation. Quant à la procédure de recours, un motif de récusation n'était pas réalisé.  
 
C.  
Le 20 octobre 2023, la locataire (ci-après: la recourante) a exercé un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cette décision. Elle a conclu à sa réforme en ce sens que soit prononcée la récusation de la juge B.________ dans la cause C/17279/19, subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause à la Délégation des Juges pour nouvelle décision au sens des considérants. 
B.________, intimée, et la bailleresse, partie intéressée à la procédure, n'ont pas été invitées à se déterminer. 
La demande d'effet suspensif présentée par la recourante a été rejetée par ordonnance du 24 octobre 2023, au motif que le recours apparaissait dénué de toute chance de succès. 
Le 29 avril 2024, la recourante a déposé une requête de restitution de délai au sens de l'art. 50 LTF, en se fondant sur un courrier du 11 mars 2024 de la juge B.________. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références).  
 
1.2. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2). Le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 140 III 86 consid. 2).  
 
2.  
Dans la présente procédure, seule est litigieuse la décision rendue le 18 septembre 2023 par la Délégation des Juges de la Cour de justice en matière de récusation. 
 
3.  
Sous un chapitre intitulé "Faits", la recourante se prévaut d'abord d'une violation de l'art. 112 al. 1 let. b LTF, en alléguant que l'état de fait de la décision était insuffisant, mais n'explicite pas plus amplement son grief. Il est dès lors irrecevable. 
Elle expose ensuite sur plusieurs pages certains faits, l'amenant à considérer que le sens donné par la Délégation au courrier du 21 juin 2023 était insoutenable. Il sera revenu sur ce point ci-après (cf. consid. 4.3 infra).  
 
4.  
La recourante critique le raisonnement de la Délégation en lien avec les procédures d'interprétation des arrêts précités. Elle soutient que la Délégation n'avait pas la compétence pour juger que ces arrêts devaient être interprétés par leurs auteurs. Elle allègue aussi que la Délégation aurait implicitement admis sa requête de récusation, même si le dispositif rejetait cette requête; la recourante y discerne un déni de justice formel (art. 29 al. 1 Cst.) et une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), dans la mesure où elle avait été empêchée de faire valoir de manière complète ses droits déduits de l'art. 30 al. 1 Cst. au sujet de la récusation de la juge B.________. 
 
4.1. Aux termes de l'art. 334 al. 1, 1ère phrase, CPC, si le dispositif de la décision est peu clair, contradictoire ou incomplet ou qu'il ne correspond pas à la motivation, le tribunal procède, sur requête ou d'office, à l'interprétation ou à la rectification de la décision.  
 
4.2. La Délégation a considéré que la requête en récusation n'avait pas de raison d'être s'agissant des procédures d'interprétation, puisque seul le juge ayant rendu une décision pouvait procéder à son interprétation et préciser ainsi ce qu'il entendait exprimer par sa décision. Partant, la requête en interprétation de l'arrêt présidentiel du 8 mars 2022 sera traitée par son unique auteure (soit D.________), alors que celle dirigée contre l'arrêt du 3 octobre 2022 sera examinée par les cinq magistrats ayant prononcé cet arrêt. C'était le sens du courrier du 21 juin 2023 du greffe de la Chambre des baux et loyers, qui avait communiqué à la locataire la composition amenée à traiter son recours contre l'ordonnance rendue le 3 mars 2023 et non pas la composition des juges qui traiteraient des requêtes en interprétation, dont l'identité était déjà connue de la locataire.  
 
4.3. En retenant que la requête en récusation n'avait pas pour objet les procédures d'interprétation des arrêts précités, lesquelles relevaient de la compétence des juges ayant rendu ces arrêts, la Délégation a répondu négativement à la requête de récusation à cet égard. Elle n'a de toute évidence pas admis implicitement la demande de récusation sur ce point. En outre, elle était manifestement compétente pour se déterminer sur la requête de récusation qui lui était soumise et se devait d'expliquer son appréciation. Par ailleurs, même si l'art. 334 al. 1 CPC ne précise pas explicitement que la requête d'interprétation doit être traitée par les magistrats ayant rendu la décision à interpréter, la recourante ne démontre pas que la Délégation aurait violé le droit fédéral à cet égard. Au contraire, il semble évident que, dans la mesure du possible, le (s) juge (s) qui a (ont) rendu une décision est (sont) ensuite celui (ceux) qui doi (ven) t l'interpréter (cf. ATF 143 III 520 consid. 6.2; cf. également IVO SCHWANDER, in Schweizerische Zivilprozessordnung - Kommentar, t. II, 2e éd. 2016, n° 9 ad art. 334, p. 2539). Si MARTIN H. STERCHI considère que la question de la composition de l'autorité appelée à interpréter une décision est laissée ouverte par le droit fédéral et qu'il appartient aux cantons de régler ce point (Berner Kommentar, t. II, 2012, n° 3 ad art. 334 CPC), la recourante ne tente pas de démontrer que le droit cantonal genevois aurait traité différemment la question de la composition de l'autorité chargée de traiter des requêtes d'interprétation, et que la Délégation l'aurait violé de manière arbitraire.  
La recourante allègue encore que la Délégation aurait donné un sens insoutenable au courrier du 21 juin 2023. Selon la recourante, il faudrait retenir que la juge D.________, non mentionnée dans ce courrier, était écartée également s'agissant des procédures d'interprétation, et que la juge B.________ les présiderait. Certes, par lettres des 1er et 19 juin 2023, la recourante a demandé à ce que lui soient communiqués tant les noms des magistrats chargés du recours contre l'ordonnance du 3 mars 2023, que ceux qui traiteront les requêtes en interprétation. La réponse du 21 juin 2023 cite les magistrats en charge de la cause C/17279/19 (demande en paiement), parmi lesquels ne figure pas D.________, en précisant que B.________ est la présidente. Toutefois, la recourante ne fait que proposer sa propre interprétation de cette réponse. Elle ne parvient pas à démontrer que celle effectuée par la Délégation, à savoir que ce courrier informait uniquement de la composition amenée à traiter du recours, et non celle - déjà connue - des requêtes en interprétation, serait arbitraire. Au vu des considérations qui précèdent, cette appréciation n'est en aucun cas insoutenable. 
Les griefs de la recourante doivent être rejetés. 
 
5.  
 
5.1. La recourante soutient encore que certains éléments pertinents allégués par ses soins ont été passés sous silence dans la décision attaquée, ce qui consacrerait tant un déni de justice formel qu'une violation de son droit d'être entendue. Il s'agit du fait que la juge B.________, en désaccord avec l'arrêt du 8 mars 2022 de la juge D.________, aurait décidé de l'ignorer dans sa décision du 24 mars 2023, laquelle ne mentionnait pas l'arrêt de la juge D.________. C'était aussi la raison pour laquelle la juge B.________ préjugeait du sort de la cause. Enfin, celle-ci s'était désignée pour interpréter l'arrêt du 8 mars 2022 de la juge D.________, privant cette dernière de parole, et avait fixé elle-même la composition dans chacune des trois causes (soit les requêtes en interprétation et le recours contre l'ordonnance du 3 mars 2023).  
 
5.2. Le fait que dans le cadre du premier incident de procédure la juge D.________ a accordé l'effet suspensif, par arrêt du 8 mars 2022, n'est nullement déterminant pour l'arrêt du 24 mars 2023 pris sur le second incident de procédure et n'avait pas à être pris en considération dans le cadre de ce dernier arrêt qui a refusé l'effet suspensif. En effet, le recours pour lequel l'effet suspensif avait été octroyé par l'arrêt du 8 mars 2022 a été déclaré irrecevable par arrêt du 3 octobre 2022. Ce dernier arrêt, définitif, a donc rendu sans objet l'arrêt du 8 mars 2022; l'effet suspensif qu'il avait octroyé est ainsi automatiquement tombé. La recourante méconnaît les conséquences de l'arrêt rendu sur recours en relation avec l'octroi précédent de l'effet suspensif à ce recours.  
Par ailleurs, comme relevé ci-dessus, c'est la juge D.________ qui devrait interpréter son propre arrêt du 8 mars 2022 et non la juge B.________. La Délégation a expressément analysé cette question. La juge B.________ n'a pas décidé de la composition de l'autorité appelée à se prononcer sur les requêtes d'interprétation. Le point de savoir comment a été fixée celle devant statuer sur le recours contre l'ordonnance du 3 mars 2023 n'est pas décisif au vu du rejet de la requête de récusation (cf. consid. 6 infra).  
 
6.  
Pour finir, la recourante soutient que sa demande de récusation était fondée et dénonce une violation de l'art. 47 CPC, de l'art. 30 al. 1 Cst., ainsi que de l'art. 6 par. 1 CEDH
 
6.1. La garantie d'un tribunal indépendant et impartial, telle qu'elle résulte des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH - lesquels ont, de ce point de vue, la même portée - permet, indépendamment du droit de procédure (en l'occurrence l'art. 47 CPC), de demander la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, parce qu'une disposition relevant du for intérieur ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Cependant, seules les circonstances objectivement constatées doivent être prises en compte, les impressions purement subjectives de la partie qui demande la récusation n'étant pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 140 III 221 consid. 4.1; 139 III 433 consid. 2.1.2).  
L'art. 47 al. 1 CPC dresse une liste exhaustive des motifs de récusation. Les magistrats et les fonctionnaires judiciaires sont récusables dans les situations décrites aux lettres a à f. Ils sont aussi récusables, selon l'art. 47 al. 1 let. f CPC - qui constitue une clause générale -, s'ils sont " de toute autre manière " suspects de partialité. 
L'art. 47 al. 2 CPC liste de manière exemplative quelques cas qui ne constituent pas à eux seuls un motif de récusation, comme la participation à la procédure d'octroi de l'assistance judiciaire, de conciliation ou de prononcé de mesures provisionnelles. 
 
6.2. La Délégation a retenu que lors du prononcé de l'arrêt du 24 mars 2023, la juge B.________ avait été amenée à procéder à un examen sommaire de l'état de fait et de la situation juridique de la cause, et avait considéré en fonction de la pesée des intérêts en présence que l'effet suspensif au recours dirigé contre l'ordonnance du 3 mars 2023 ne pouvait être accordé. La locataire faisait valoir que la phrase "ainsi, il appartenait à la partie recourante de déposer sa réplique dans le délai fixé par l'ordonnance (...) du 15 février 2022" réaliserait les conditions de la prévention. Or, cette phrase n'était pas à elle seule suffisante pour fonder un motif de récusation. En effet, elle s'inscrivait dans le cadre de l'examen préjudiciel auquel la magistrate s'était livrée en vue de statuer sur l'effet suspensif. Elle devait être mise en relation avec l'expression "a priori" employée par la juge concernant l'évaluation des chances de succès du recours, laquelle traduisait bien le caractère sommaire et provisoire de l'examen effectué. L'évaluation des chances de succès du recours faisait du reste partie des éléments à prendre en considération pour statuer sur l'effet suspensif. Considérer qu'il y avait prévention dans une telle circonstance conduirait à devoir récuser un magistrat chaque fois qu'il prend une décision préjudicielle défavorable au recourant. Ainsi, il n'y avait pas de motif susceptible de fonder une apparence de prévention, de sorte que la requête en récusation devait être rejetée.  
 
6.3. Dans une large mesure, la recourante ne critique pas valablement la motivation de la Délégation. Elle se réfère principalement au fait que la juge B.________ n'avait, dans son arrêt du 24 mars 2023, pas pris en considération l'arrêt du 8 mars 2022. Ce point n'est toutefois pas pertinent (cf. consid. 5.2 supra).  
La recourante allègue encore que la locution "a priori" ne concernait pas "le préjugé en cause", mais les chances de succès du recours. La Délégation a elle-même relevé que cette expression avait été employée par la juge pour évaluer les chances de succès du recours. L'intéressée soutient enfin que cette locution ne relativisait pas les affirmations péremptoires, et non nécessaires pour statuer sur l'effet suspensif, présentées dans l'arrêt du 24 mars 2023, selon lesquelles le recours formé contre l'ordonnance du 15 février 2022 avait été déclaré irrecevable par arrêt du 3 octobre 2022, de sorte qu'il lui appartenait de déposer sa réplique dans le fixé par l'ordonnance du 15 février 2022. La Délégation a fourni une motivation s'agissant de la seconde phrase, que la recourante ne parvient pas à remettre en cause. La recourante n'explique pas non plus la raison pour laquelle elle estime que ces phrases ne seraient pas nécessaires pour statuer sur l'effet suspensif. 
Ainsi, le grief de la recourante ne peut qu'être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
7.  
La recourante sollicite enfin une restitution du délai de recours, en se fondant sur un courrier du 11 mars 2024 de la juge B.________. Selon la recourante, il y serait indiqué que celle-ci interprétera l'arrêt du 8 mars 2022 de la juge D.________. 
 
7.1. Aux termes de l'art. 50 al. 1 LTF, si, pour un autre motif qu'une notification irrégulière, la partie ou son mandataire a été empêché d'agir dans le délai fixé sans avoir commis de faute, le délai est restitué pour autant que la partie en fasse la demande, avec indication du motif, dans les 30 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé; l'acte omis doit être exécuté dans ce délai.  
 
7.2. Encore une fois, la recourante revient sur une prétendue interprétation de l'arrêt du 8 mars 2022 par la juge B.________, qui n'a pas lieu d'être. La demande de restitution de délai au sens de l'art. 50 LTF, dont la recourante méconnaît de toute évidence la portée, doit être rejetée, quand bien même elle serait recevable.  
 
8.  
En définitive, le recours, manifestement mal fondé aux termes de l'art. 109 al. 2 let. a LTF, doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
La recourante, qui succombe, prendra en charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande de restitution de délai est rejetée dans la mesure où elle est recevable. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à C.________ e t à la Cour de justice du canton de Genève, Délégation des Juges de la Cour de justice en matière de récusation. 
 
 
Lausanne, le 7 juin 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Raetz