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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_365/2024  
 
 
Arrêt du 4 juillet 2024  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
von Werdt et De Rossa. 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représentée par Me Nathalie Weber-Braune, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
B.A.________, 
représenté par Me Pierre Mauron, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
révocation et changement du curateur de représentation, assistance judiciaire, 
 
recours contre l'arrêt du Président de la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg du 21 mai 2024 (101 2024 178). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.A.________ et B.A.________ ont deux enfants (2017 et 2019). 
La I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg est saisie d'un appel du père dans le contexte d'une procédure de modification de mesures protectrices de l'union conjugale, la question litigieuse consistant principalement à déterminer si la garde des enfants doit être confirmée en faveur de la mère (selon une ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 28 mai 2019, que la décision de première instance, objet de la procédure d'appel, a refusé de modifier sur ce point) ou doit être transférée au père, chez qui les enfants sont placés depuis février 2023 (selon deux décisions de l'autorité de protection de l'enfant des 22 février et 21 mars 2023, rendues à titre superprovisionnel et provisionnel). 
Par arrêt du 26 février 2024, le Président de la cour cantonale (ci-après: le président) a admis la requête d'effet suspensif formée par le père à l'appui de son appel, en sorte que, durant la procédure devant le tribunal cantonal, le placement des enfants est maintenu auprès de leur père. La II e Cour de droit civil du Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière civile de la mère (arrêt 5A_206/2024 du 7 juin 2024). 
 
B.  
 
B.a. Par courrier du 26 février 2024, le président a indiqué aux époux que, compte tenu de leurs positions tranchées sur la question de l'attribution de la garde et de l'apparente complexité du dossier, il envisageait de désigner aux enfants un curateur de représentation en la personne de Me C.________.  
Un délai a été imparti aux parents pour lui faire savoir s'ils s'opposaient à cette proposition. Alors que le père a répondu par la négative, la mère s'y est opposée. 
Le 11 mars 2024 le président a institué une curatelle de représentation en faveur des mineurs, confiant cette mesure à Me C.________. 
Cet arrêt n'a pas fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral. 
 
B.b. Le curateur s'est déterminé par écriture du 22 avril 2024 sur les mémoires des parties après les avoir entendues, de même que les enfants et la curatrice éducative. Il a conclu à ce que la garde des enfants soit désormais confiée au père, sous réserve d'un droit de visite usuel de la mère, et s'en est remis à justice s'agissant des contributions d'entretien.  
Invitée à se déterminer sur ce rapport, la mère a présenté le 16 mai 2024 une requête tendant, en bref, à ce qu'il soit " constaté " que le curateur "ne dispose aucunement des qualifications nécessaires " pour exercer son mandat et à ce que le rapport en question soit " écarté du dossier "; en cas de confirmation de la mesure de curatelle, elle a demandé que le curateur soit remplacé par Me D.________, avocat à Fribourg. Parallèlement, elle a sollicité la suspension du délai imparti pour se déterminer sur le rapport établi par Me C.________, subsidiairement la prolongation de ce délai pour une durée de trente jours.  
Par arrêt du 21 mai 2024, le président a rejeté la requête (ch. I) et dit que l'assistance judiciaire qui avait été octroyée à l'intéressée le 26 février 2024 " ne couvrira[it] pas les opérations liées à l'élaboration de la requête " (ch. II). Le délai imparti à A.A.________ pour se déterminer sur l'écriture du curateur a été prolongé au 12 juin 2024.  
 
C.  
Par acte déposé le 10 juin 2024, A.A.________ (ci-après: la recourante) exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 21 mai 2024. Elle conclut à l'admission de son recours, à l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. L'on comprend également de ses conclusions qu'elle demande la réforme de l'arrêt entrepris en ce sens que l'assistance judiciaire qui lui est octroyée pour la procédure d'appel devant le tribunal cantonal s'étend également à la procédure incidente qu'elle a initiée en lien avec l'exercice du mandat du curateur. 
La recourante demande le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. 
Des déterminations n'ont pas été demandées. 
 
D.  
L'effet suspensif a été accordé au recours à titre superprovisionnel par ordonnance présidentielle du 11 juin 2024. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec un plein pouvoir d'examen la recevabilité des recours dont il est saisi (ATF 149 IV 9 consid. 2; 148 IV 155 consid. 1.1). 
 
1.1. La décision querellée, prise dans le contexte d'une procédure d'appel, est de nature incidente au sens de l'art. 93 LTF; elle ne peut faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral qu'à la condition de causer à la recourante un préjudice irréparable aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, la condition de l'art. 93 al. 1 let. b LTF apparaissant ici d'emblée exclue.  
Un préjudice ne peut être qualifié d'irréparable au sens de la disposition précitée que s'il cause un inconvénient de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale favorable au recourant; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable (ATF 147 III 159 consid. 4.1; 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2 et les références). Il appartient à la partie recourante d'alléguer et d'établir le caractère irréparable du préjudice (ATF 147 III 159 consid. 4.1; 144 III 475 consid 1.2; 134 III 426 consid. 1.2), à moins qu'il ne fasse d'emblée aucun doute (art. 42 al. 2 LTF; ATF 141 III 80 consid. 1.2; 138 III 46 consid. 1.2. 
 
1.2. La décision attaquée porte sur un double objet. D'une part, elle rejette la requête de la recourante visant à constater le défaut de qualifications nécessaires du curateur de représentation des enfants et à écarter du dossier le rapport qu'il a établi; elle dénie ainsi implicitement la désignation d'un nouveau curateur aux enfants. D'autre part, elle refuse d'étendre à la requête incidente de la recourante l'assistance judiciaire qui lui a été octroyée pour la procédure d'appel.  
La recourante motive l'existence d'un préjudice irréparable en lien avec ces deux objets. 
 
1.2.1. L'on relèvera d'emblée qu'aucun préjudice irréparable ne peut être retenu s'agissant du refus d'octroyer l'assistance judiciaire dans le cadre limité de la requête litigieuse, ce même si celle-là a été accordée à la recourante dans le cadre de la procédure d'appel dans laquelle s'insère la décision incidente attaquée. Ce refus lui a en effet été signifié alors que son avocate avait déjà rédigé l'écriture à l'appui de sa requête, en sorte que la recourante n'a nullement été privée de faire valoir ses droits; seule la question du règlement de la note d'honoraires de sa mandataire reste en suspens, ce que la recourante pourra contester dans le cadre d'un recours contre la décision finale, conformément à l'art. 93 al. 3 LTF (cf. arrêt 5A_988/2019 du 3 juin 2020 consid. 3.1 et la référence; également: arrêt 5A_1039/2021 du 19 octobre 2022 consid. 1.2). Sur ce point, le recours doit ainsi être déclaré irrecevable.  
 
1.2.2.  
 
1.2.2.1. Au sujet de la motivation cantonale relative à l'appréciation du curateur désigné à ses enfants, la recourante prétend subir un préjudice irréparable du fait qu'à défaut d'annulation de la décision entreprise, le rapport établi par l'intéressé ne pourrait être déclaré invalide et écarté du dossier. Cet argument est vain: un recours contre la décision finale permettra en effet à la recourante d'obtenir que cette preuve soit écartée du dossier, si bien que la décision entreprise ne lui cause aucun préjudice irréparable (ATF 144 IV 127 consid. 1.3).  
 
1.2.2.2. Par sa requête, la recourante tend néanmoins à contester la personne même du curateur, qu'elle estime incompétent, et à obtenir ainsi la désignation d'une autre personne à ce titre, ce que refuse implicitement la décision entreprise. Dans cette mesure, celle-ci lui cause un préjudice irréparable: la personne chargée d'exercer la curatelle et la manière dont elle mène la tâche qui lui est confiée sont en effet des facteurs susceptibles d'influencer le déroulement et l'issue du procès au fond, sans que ses éventuelles carences puissent être corrigées par la décision finale (arrêts 5A_710/2012 du 2 juillet 2013 consid. 1; 5A_732/2013 du 10 décembre 2013 consid. 1; 5A_894/2015 du 16 mars 2016 consid. 1). L'existence d'un préjudice irréparable doit ainsi être admise sous cet angle.  
Les autres conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réunies (art. 72 al. 1; art. 75 al. 2 LTF [ATF 143 III 140 consid. 1.2; 137 III 475 consid. 1]; 76 al. 1 let. a et b et 100 al. 1 LTF), étant précisé que, prise dans son ensemble, la cause au fond dans laquelle s'insère la décision querellée n'est pas de nature pécuniaire. 
 
2.  
 
2.1. Dès lors que la décision contestée a été prise dans le contexte d'un prononcé de mesures provisionnelles (ATF 149 III 81 consid. 1.3), seule peut être dénoncée la violation des droits constitutionnels (art. 98 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant ("principe d'allégation"; art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 147 I 73 consid. 2.2; 144 III 93 consid. 5.2.2), doit satisfaire au principe d'allégation susmentionné, sous peine d'irrecevabilité (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.1)  
 
3.  
La recourante invoque exclusivement la violation de l'interdiction de l'arbitraire. 
 
3.1. L'autorité cantonale a d'abord relevé la tardiveté de certaines critiques que la recourante élevait à l'encontre du curateur (principalement: son prétendu manque d'expérience et de qualification en droit de la famille), indiquant que celles-ci auraient pu être soulevées à la désignation de l'intéressé, qui n'avait pas suscité de réactions. Au sujet des prétendues défaillances de ce dernier dans l'exercice de son mandat, le président a ensuite estimé que les démarches qu'il avait entreprises jusqu'alors ne paraissaient pas a priori inadéquates, tout en soulignant que les déterminations du curateur demeuraient un élément d'appréciation parmi d'autres, sans pouvoir être tenues pour "argent comptant" et que la recourante disposait du droit de s'exprimer à leur égard, le délai qui lui avait été imparti pour ce faire étant d'ailleurs prolongé. La requête de la recourante apparaissait en définitive destinée à discréditer le travail du représentant qui avait été nommé à ses enfants; manifestement dénuée de fondement, elle se rapprochait même d'un comportement téméraire.  
 
3.2. L'argumentation développée par la recourante ne satisfait aucunement aux exigences de motivation susmentionnées (consid. 2 supra), ses critiques consistant en une série d'affirmations qui soit n'ont aucune espèce d'incidences sur l'issue du recours (à savoir: le fait que, contrairement à ce que retenait la décision entreprise, la Cour de céans n'aurait pas refusé d'accorder l'effet suspensif au recours en matière civile qu'elle avait déposé dans la procédure 5A_206/2024, supra let. A), soit relèvent d'appréciations personnelles sur la gestion du dossier par l'autorité d'appel (ainsi: l'autorité cantonale aurait "tout mis en oeuvre" pour éviter qu'elle puisse s'opposer au choix du curateur; dite autorité se serait "empressée" de rejeter sa requête le lendemain de sa réception; l'ensemble du dossier de l'instance précédente relèverait d'un "mépris total du travail de la première instance"; il serait "évident" que la décision sur appel allait être prise sur la seule base du rapport du curateur). L'on ne saisit enfin nullement les raisons pour lesquelles la recourante n'aurait pu s'opposer à la décision du 11 mai 2024 désignant le curateur dont elle refuse l'intervention. Elle n'explique en effet aucunement les raisons pour lesquelles un éventuel recours en matière civile au Tribunal fédéral aurait été déclaré d'emblée irrecevable.  
 
3.3. Vu les considérations qui précèdent, l'autorité cantonale fixera un nouveau délai à la recourante pour se déterminer sur le rapport du curateur.  
 
4.  
L'irrecevabilité des conclusions de la recourante était d'emblée prévisible, en sorte que sa requête d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et les frais judiciaires mis à sa charge (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé a été invité à se déterminer sur la requête d'effet suspensif, que le présent arrêt rend sans objet. Il peut dans cette mesure prétendre à une indemnité de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Il appartiendra à l'autorité cantonale de fixer à la recourante un nouveau délai pour se déterminer sur l'écriture de Me C.________ du 22 avril 2024. 
 
3.  
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée. 
 
4.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
5.  
Une indemnité de 200 fr., à verser à l'intimé à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
6.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Président de la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg et à Me C.________, Fribourg.  
 
 
Lausanne, le 4 juillet 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : de Poret Bortolaso