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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_66/2023  
 
 
Arrêt du 4 juin 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, 
Donzallaz et Hänni. 
Greffière : Mme Kleber. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Yves Nidegger, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Département de la sécurité, de la population et de la santé du canton de Genève (DSPS), rue de l'Hôtel-de-Ville 14, 1204 Genève. 
 
Objet 
Liberté religieuse; usage accru du domaine public, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 20 décembre 2022 (ATA/1279/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ est l'abbé de B.________ et officie notamment à l'oratoire C.________, sis avenue D.________ à U.________, dans le canton de Genève. 
Le 13 mai 2022, A.________, agissant au nom de B.________, a sollicité auprès du Département de la sécurité, de la population et de la santé du canton de Genève (ci-après: le Département) l'obtention d'une autorisation en vue d'organiser le dimanche 19 juin 2022 de 16h30 à 17h30 à U.________ une manifestation intitulée "procession Fête-Dieu". La manifestation consistait en une procession partant de l'avenue D.________ en passant par le pont E.________, le quai F.________, le pont G.________, la rue H.________ et se terminant à son point de départ. Il était annoncé entre cent une et trois cents personnes. 
 
B.  
Par décision du 15 juin 2022, le Département a refusé la demande d'autorisation de B.________ pour la procession religieuse de la Fête-Dieu à U.________ le 19 juin 2022, au motif que B.________ ne faisait pas partie des organisations religieuses admises à des relations avec l'État au sens du droit cantonal. 
A.________, agissant en son nom (art. 105 al. 2 LTF), a recouru contre ce prononcé auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). Par arrêt du 20 décembre 2022, la Cour de justice a rejeté le recours et mis les frais à la charge de A.________. 
 
C.  
Contre l'arrêt de la Cour de justice du 20 décembre 2022, A.________ forme un "recours de droit public" au Tribunal fédéral. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué, à ce qu'il soit dit que la décision du 15 juin 2022 du Département viole sa liberté religieuse et à ce qu'il soit dit que sa "communauté religieuse d'appartenance" ne saurait faire obstacle à l'exercice de son droit de solliciter une autorisation de manifester aux conditions de l'art. 6 de la loi genevoise sur la laïcité de l'État du 26 avril 2018 (LLE; rsGE A 2 75; ci-après également: loi sur la laïcité). 
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, sous suite de frais. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 268 consid. 1). Le recourant déclare former un "recours de droit public". L'institution du "recours de droit public" devant le Tribunal fédéral a disparu avec l'entrée en vigueur de la LTF au 1 er janvier 2007. La dénomination erronée employée par le recourant ne saurait cependant lui nuire, dans la mesure où son acte répond aux exigences de la voie de droit à disposition (ATF 138 I 367 consid. 1.1).  
 
1.1. Le recours, formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF), est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue par un tribunal supérieur de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Le litige, qui porte sur une demande d'autorisation de manifestation religieuse sur le domaine public, relève du droit public (art. 82 let. a LTF) et ne tombe sous le coup d'aucune des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte.  
 
1.2. Aux termes de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision attaquée (let. b) et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celle-ci (let. c). De jurisprudence constante, l'intérêt digne de protection doit par ailleurs être actuel. Le Tribunal fédéral fait exceptionnellement abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel, lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 146 II 335 consid. 1.3; 142 I 135 consid. 1.3.1).  
En l'occurrence, le recourant est le destinataire de l'arrêt attaqué. En tant qu'abbé et membre de B.________, il a un intérêt digne de protection à contester le refus d'autorisation litigieux, comme l'a admis la Cour de justice. Le recourant n'a en revanche plus d'intérêt actuel à son recours, dès lors que l'objet de la contestation porte sur le refus d'autorisation pour une manifestation religieuse qui devait se dérouler le 19 juin 2022. Un litige relatif à l'organisation d'un événement ponctuel sur le domaine public est toutefois un cas typique de cause qui risque de ne pas être jugée définitivement avant la date annoncée de la manifestation. La cause pourrait en outre se représenter, vu le caractère annuel de la manifestation religieuse en cause. Enfin, la question des conditions de l'exercice collectif de la liberté religieuse sur le domaine public revêt une portée de principe (cf. arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 1.3 destiné à la publication). Les conditions pour renoncer à l'intérêt actuel sont donc remplies et il convient d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle, du droit international, ainsi que des droits constitutionnels cantonaux (art. 95 let. a à c; art. 106 al. 1 LTF). Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, un tel recours ne peut toutefois pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. Il est néanmoins possible de faire valoir que l'application du droit cantonal consacre une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à un autre droit constitutionnel (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral n'examine le moyen tiré de la violation de droits fondamentaux et de dispositions de droit cantonal que si ce grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 143 II 283 consid. 1.2.2). 
 
3.  
Le litige porte sur le refus d'autorisation du Département en vue d'une procession religieuse pour la Fête-Dieu qui devait se dérouler à U.________ le 19 juin 2022, au motif que B.________, organisatrice de cette procession et dont le recourant est l'abbé, n'est pas une organisation religieuse admise à des relations avec l'État au sens du droit cantonal genevois. 
Dans son arrêt, la Cour de justice a, en substance, considéré que la condition préalable d'admission à des relations avec l'État selon les règles fixées dans le RLE, qui a été opposée à B.________ pour refuser sa demande d'autorisation, portait atteinte à la liberté religieuse, mais reposait sur une base légale valable, poursuivait un intérêt public et respectait le principe de proportionnalité, de sorte que l'atteinte était admissible. 
 
4.  
Le recourant, qui se plaint d'arbitraire, fait valoir dans un premier grief qu'il est exclu que le Grand Conseil genevois ait pu avoir voulu ségréguer les administrés du canton s'agissant du droit de manifester, entre les citoyens réunis par des convictions religieuses et les citoyens réunis par des convictions de nature politique, syndicale, philosophique ou sociale, ainsi qu'entre les citoyens appartenant aux églises historiques entretenant avec l'État une relation de nature institutionnelle et les citoyens appartenant à d'autres types d'églises. 
 
4.1. Le Tribunal fédéral a récemment exposé en détail le régime légal genevois s'agissant des relations entre les églises et l'État, ainsi que les règles applicables à la tenue de manifestations religieuses sur le domaine public par des organisations religieuses (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 3 destiné à la publication; ATF 148 I 160 consid. 11). Il a relevé que, comme l'y autorise l'art. 72 al. 1 Cst., le canton de Genève a opté depuis le début du siècle passé pour une séparation très nette entre l'Église et l'État et a formellement inscrit le principe de la laïcité de l'État à l'art. 3 de sa Constitution (Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 [Cst./GE; RS 131.234]). Dans ce contexte, le législateur genevois a adopté la loi genevoise sur la laïcité de l'État du 26 avril 2018 (LLE; rsGE A 2 75), qui a pour buts de "protéger la liberté de conscience, de croyance et de non-croyance", "préserver la paix religieuse" et "définir le cadre approprié aux relations entre les autorités et les organisations religieuses" (cf. art. 1 LLE).  
 
4.2. Selon l'art. 6 LLE, "Les manifestations religieuses cultuelles se déroulent sur le domaine privé (al. 1). Les manifestations religieuses cultuelles peuvent être autorisées sur le domaine public. Dans ces cas-là, les dispositions de la loi sur les manifestations sur le domaine public [LMDPu; rsGE F 3 10] s'appliquent (al. 2). Les manifestations religieuses non cultuelles sur le domaine public sont soumises aux dispositions de la LMDPu (al. 3). L'autorité compétente tient compte des risques que la manifestation peut faire courir à la sécurité publique, à la protection de l'ordre public, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (al. 4) ".  
D'après l'art. 4 LLE, dans le cadre de l'accomplissement des tâches publiques, l'État peut entretenir des relations avec des organisations religieuses (al. 1). Le Conseil d'État fixe par voie réglementaire les conditions à ces relations, notamment sous l'angle du respect des droits fondamentaux et de l'ordre juridique suisse en général (al. 2). La loi ne fonde pas un droit des organisations religieuses à entretenir des relations avec les autorités (al. 3). 
Sur la base de l'art. 4 LLE, le Conseil d'État genevois a édicté le règlement d'application de la loi sur la laïcité de l'État du 17 juin 2020, qui est entré en vigueur le 24 juin 2020 (RLE; rsGE A 2 75.01). Ce règlement a abrogé le règlement d'application de la LLE relatif à la contribution religieuse volontaire du 11 décembre 2019 (art. 16 RLE). 
D'après l'art. 3 RLE, une organisation religieuse souhaitant entretenir des relations avec l'État au sens des art. 5, 6, 8 et 9 LLE doit remplir les conditions générales suivantes: a) être formellement organisée sur le territoire du canton de Genève sous la forme d'une association ou d'une fondation au sens des dispositions du code civil suisse; b) participer à la cohésion sociale au sein de la société genevoise; c) avoir signé et respecter la déclaration d'engagement visée à l'art. 4. 
L'art. 4 RLE précise que la déclaration d'engagement fixe les exigences en matière de respect des droits fondamentaux et de l'ordre juridique suisse par les organisations religieuses souhaitant entretenir une relation avec l'État. Ces exigences sont les suivantes: a) respecter et soutenir la paix religieuse; b) accepter la diversité des approches philosophiques, spirituelles ou religieuses; c) exclure tout acte de violence physique ou psychologique, tout acte d'abus spirituel, ainsi que tout propos incitant à la haine; d) rejeter toute forme de discrimination ou de dénigrement à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes, en raison notamment de leurs convictions, de leurs origines ethniques ou nationales, de leur sexe, de leur orientation ou de leur identité sexuelle, de leur identité ou de leur expression de genre; e) collaborer à la prévention des radicalisations; f) respecter la liberté de conscience de chaque individu, son droit à adhérer au système de croyance de son choix, ainsi que son droit à le quitter; g) respecter la liberté d'opinion et d'information, dans les limites posées par le droit, y compris le droit à la satire et à la critique; h) reconnaître la primauté de l'ordre juridique suisse sur toute obligation religieuse qui lui serait contraire, en particulier s'agissant du droit de la famille. 
 
4.3. Il résulte de l'art. 6 LLE que, contrairement à ce que prétend le recourant, le législateur genevois a expressément choisi de traiter différemment les manifestations religieuses sur le domaine public d'autres types de manifestation (politique, syndicale, etc.), qui ne sont soumises qu'à la loi sur les manifestations sur le domaine public. Cette différence de traitement s'explique et se justifie par la conception genevoise des rapports entre l'Église et l'État. Elle est admissible (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 7.5.4 destiné à la publication). Le recourant ne fait du reste pas valoir la violation du principe de l'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.) ou de l'interdiction de la discrimination (art. 8 al. 2 Cst.).  
La Cour de céans note par ailleurs que le refus d'autorisation opposé à B.________ n'a pas été fondé sur la circonstance que cette organisation religieuse n'était pas une église historique entretenant avec l'État une relation de nature institutionnelle, mais sur le critère de l'admission à des relations avec l'État, qui dépend de la réalisation des conditions des art. 3 et 4 ss RLE, lesquelles ne renvoient pas au statut historique et institutionnel d'une église. 
 
5.  
Le recourant dénonce une violation de l'art. 15 Cst. Il fait valoir que les conditions de l'art. 36 Cst. ne sont pas réunies pour restreindre sa liberté religieuse de manifester de façon si importante. Il se plaint en particulier d'un défaut de base légale et d'une violation du principe de proportionnalité. 
 
5.1. L'art. 15 Cst. prévoit que la liberté de conscience et de croyance est garantie (al. 1); toute personne a le droit de choisir librement sa religion ainsi que de se forger ses convictions philosophiques et de les professer individuellement ou en communauté (al. 2); toute personne a le droit d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir et de suivre un enseignement religieux (al. 3; portée positive de cette liberté); nul ne peut être contraint d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir, d'accomplir un acte religieux ou de suivre un enseignement religieux (al. 4; portée négative de cette liberté) (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 5.1 destiné à la publication; ATF 148 I 160 consid. 7.1). La liberté de conscience et de croyance protège toutes les religions, quel que soit le nombre de leurs fidèles en Suisse (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 5.1 destiné à la publication; ATF 148 I 160 consid. 7.2).  
La liberté de conscience et de croyance protège toute personne contre les ingérences de l'État qui seraient de nature à gêner ses convictions religieuses. Elle confère à toute personne le droit d'exiger que l'État n'intervienne pas de façon injustifiée en édictant des règles limitant l'expression et la pratique de ses convictions religieuses (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 5.1 destiné à la publication; ATF 148 I 160 consid. 7.2; 142 I 195 consid. 5.1; 118 Ia 46 consid. 3b). La liberté religieuse comporte la liberté intérieure de croire, de ne pas croire et de modifier en tout temps sa religion et ses convictions philosophiques. La liberté de religion comprend également la liberté extérieure d'exprimer, de pratiquer et de communiquer ses convictions religieuses ou sa vision du monde, dans certaines limites, ou de ne pas les partager. Cela englobe le droit pour toute personne de se comporter conformément aux enseignements de sa foi et d'agir selon ses croyances intérieures - y compris celle de ne pas suivre les préceptes d'une religion (cf. arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 5.1 destiné à la publication; ATF 148 I 160 consid. 7.2; 145 I 121 consid. 5.1; 142 I 195 consid. 5.1; 142 I 49 consid. 3.4). 
La liberté religieuse garantit le droit de manifester sa religion collectivement en public (cf. le texte de l'art. 9 par. 1 CEDH) et confère partant un droit, conditionnel, à l'usage accru du domaine public (défini comme l'ensemble des biens qui peuvent être utilisés librement par tout un chacun; cf. ATF 143 I 37 consid. 6.1), notamment pour y célébrer des manifestations religieuses (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 5.1 destiné à la publication et les arrêts cités). 
 
5.2. La liberté de conscience et de croyance peut être restreinte aux conditions prévues par l'art. 36 Cst. (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 5.1 destiné à la publication; ATF 148 I 160 consid. 7.6). La restriction doit être fondée sur une base légale suffisante (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2), proportionnée au but visé (al. 3) et ne pas violer le noyau intangible du droit fondamental (al. 4).  
 
5.3. En l'occurrence, le refus du Département d'autoriser B.________ à organiser une procession religieuse pour la Fête-Dieu réunissant cent une et trois cents personnes limite le droit du recourant, en tant qu'abbé et membre de cette communauté religieuse, d'exercer sa liberté religieuse de manière collective en public. Le recourant ne subit aucune autre atteinte à sa liberté religieuse. Il ne le prétend d'ailleurs pas.  
 
5.4. En vertu de l'art. 36 al. 1 première et deuxième phrases Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale et les restrictions graves doivent être prévues par une loi.  
 
5.4.1. Les atteintes graves portées à un droit fondamental doivent être fondées sur une base claire et explicite dans une loi au sens formel, tandis que les atteintes plus légères peuvent, par le biais d'une délégation législative, figurer dans des actes de niveau inférieur à la loi, voire trouver leur fondement dans une clause générale (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 6.1.1 destiné à la publication et les arrêts cités). Lorsque la restriction d'un droit fondamental est grave, le Tribunal fédéral examine librement la question de l'existence d'une base légale cantonale suffisante et sous l'angle restreint de l'arbitraire dans le cas contraire (cf. arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 6.1.2 destiné à la publication et les arrêts cités).  
Savoir si l'atteinte à un droit fondamental est grave s'apprécie en fonction de critères objectifs. L'impression subjective de la personne concernée n'est pas déterminante (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 6.1.2 destiné à la publication et les arrêts cités). Dans le domaine de la liberté de conscience et de croyance, l'appréciation de la gravité de la restriction est difficile, car les sentiments et les convictions religieux sont toujours motivés de manière subjective. Les organes étatiques doivent se référer à la signification des règles religieuses pour les personnes concernées. Les entraves à la manifestation des convictions religieuses sont habituellement ressenties comme graves par les personnes concernées. Pour déterminer la gravité de l'atteinte, il est donc décisif d'examiner si les personnes touchées par une entrave concrète sont en mesure d'exposer en quoi cette atteinte heurte un élément essentiel ou une règle de comportement importante établie dans leur pratique religieuse, de sorte que la gravité de l'atteinte est objectivement compréhensible et est démontrée par des circonstances extérieures de la vie (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 6.1.3 destiné à la publication et les arrêts cités). 
 
5.4.2. En l'occurrence, les exigences à respecter pour être, en tant qu'organisation religieuse, admise à des relations avec l'État, à savoir être organisée sous la forme d'une association ou d'une fondation, participer à la cohésion sociale au sein de la société genevoise, ainsi qu'avoir signé et s'engager à respecter la déclaration d'engagement (art. 3 let. a à c RLE), ne portent pas une atteinte grave à la liberté religieuse de B.________ (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 6.1.3 destiné à la publication et les arrêts cités). Dès lors qu'il suffit à B.________ de remplir cette condition pour pouvoir ensuite déposer une demande d'autorisation en vue de l'organisation d'une procession pour la Fête-Dieu sur le domaine public et pour que le recourant puisse ainsi exercer collectivement sa liberté religieuse, l'atteinte que celui-ci subit personnellement à sa liberté religieuse ne saurait non plus être qualifiée de grave.  
S'agissant de la base légale à cette atteinte, la Cour de justice a retenu que la condition de l'admission préalable à des relations avec l'État résultait de la lecture conjointe de la LLE et du RLE. Il a déjà été jugé que cette interprétation n'est pas insoutenable (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 6.3 destiné à la publication). 
 
5.5. La condition d'admission à des relations avec l'État au sens du droit cantonal genevois, comprenant la signature de la déclaration d'engagement, poursuit des intérêts publics légitimes de sauvegarde de la paix confessionnelle, d'engagement au respect de l'ordre juridique et de protection des droits et libertés d'autrui (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 7.1 à 7.4 destiné à la publication). La deuxième condition de l'art. 36 Cst. est donc réalisée.  
 
5.6. Sous l'angle de la proportionnalité, on rappelle qu'il n'y a pas de droit inconditionnel à l'usage accru du domaine public en vue de célébrer des manifestations religieuses (cf. supra consid. 5.1). La condition de l'admission préalable n'est donc pas d'emblée inadmissible (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 7.5.3 destiné à la publication). Pour être admise à des relations avec l'État et donc pour pouvoir faire valoir un droit à l'usage accru du domaine public, il suffit que l'organisation religieuse signe une déclaration d'engagement en faveur du respect de l'ordre juridique suisse et des droits fondamentaux. La mesure est donc apte à atteindre les buts visés de maintien de la paix religieuse, de protection des droits d'autrui et de respect de l'ordre juridique en lien avec l'usage accru du domaine public (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 7.5.4 destiné à la publication). S'agissant de la nécessité, que le recourant remet tout particulièrement en cause, il convient de tenir compte de la conception genevoise des relations entre l'Église et l'État. Comme il a été exposé (cf. supra consid. 4.1), le canton de Genève attache en effet une grande importance à la séparation entre l'État et les églises, ce que la Constitution fédérale lui permet de faire. Dans ce contexte, il apparaît légitime que ce canton veuille s'assurer que les organisations religieuses, avec lesquelles il n'entretient par principe aucune relation et sur lesquelles il n'exerce aucune forme de contrôle, s'engagent expressément au respect de l'ordre juridique lorsqu'elles entendent exercer leur liberté religieuse sur son domaine public (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 7.5.4 destiné à la publication). Enfin, les organisations religieuses subissent une atteinte minime du fait de la condition de l'admission préalable, qui est proportionnée par rapport au but visé (arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 7.5.5 destiné à la publication).  
Il est vrai qu'en l'occurrence le recourant se plaint d'une atteinte à sa propre liberté religieuse et non à celle de B.________ qui a sollicité l'autorisation d'usage accru du domaine public. Dès lors qu'est en cause l'exercice collectif de la liberté religieuse, le recourant doit toutefois se laisser opposer les conditions applicables à l'organisation religieuse dont il est du reste l'abbé et qu'il a représentée dans la procédure devant le Département, avant d'agir en son nom propre devant la Cour de justice. Il suffit à B.________ de remplir les simples conditions de l'admission à des relations avec l'État, pour que le recourant puisse ensuite exercer collectivement en public sa liberté religieuse. On ne décèle partant aucune violation du principe de proportionnalité. 
 
5.7. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du grief tiré de la violation de l'art. 15 Cst.  
 
6.  
Le recourant dénonce enfin une violation du principe de la bonne foi. Il relève que la procession annuelle de la Fête-Dieu a été autorisée pendant trente ans et a, par ailleurs, encore été autorisée le 6 juin 2021 alors que le cadre légal était le même qu'en 2022. 
 
6.1. Le droit fondamental du particulier à la protection de la bonne foi dans les relations des administrés avec l'État, dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (ATF 147 IV 274 consid. 1.10.1), découle directement de l'art. 9 Cst., et vaut pour l'ensemble de l'activité étatique. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2; 141 V 530 consid. 6.2). Il n'existe en principe pas de droit au maintien d'une certaine législation (cf. ATF 130 I 26 consid. 8.1; arrêt 2E_3/2020 du 11 novembre 2021 consid. 9.7.2). Tout au plus, dans certaines circonstances, la jurisprudence déduit des principes de l'égalité de traitement, de la bonne foi, de la proportionnalité et de l'interdiction de l'arbitraire, l'obligation pour le législateur de prévoir un régime transitoire (ATF 145 II 140 consid. 4; 134 I 23 consid. 7.6.1; 130 I 26 consid. 8.1; 128 I 92 consid. 4). Un tel régime doit permettre aux administrés de s'adapter à la nouvelle réglementation et non pas de profiter le plus longtemps possible de l'ancien régime plus favorable (ATF 145 II 140 consid. 4; 134 I 23 consid. 7.6.1).  
 
6.2. En l'espèce, le recourant ne peut rien déduire en sa faveur des autorisations octroyées sous l'ancien droit, avant que soit introduite l'obligation d'admission à des relations avec l'État comme condition préalable à l'examen des demandes d'autorisations d'usage accru du domaine public en vue de la célébration de manifestations religieuses. Le fait que, par erreur, une autorisation ait été délivrée à B.________ en 2021 alors qu'elle n'était pas admise à des relations avec l'État ne constituait pas l'assurance qu'il en irait de même l'année suivante et n'a, en outre, pas conduit le recourant à prendre des dispositions auxquelles il ne pouvait que difficilement renoncer. C'est donc en vain qu'il se prévaut du principe de la bonne foi. Le grief, mal fondé, est rejeté.  
 
7.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Département de la sécurité, de la population et de la santé (DSPS) et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 4 juin 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : E. Kleber