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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_176/2024  
 
 
Arrêt 1er juillet 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni, Ryter et Kradolfer 
Greffier : M. Dubey. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Secrétariat d'État aux migrations, 
Quellenweg 6, 3003 Berne, 
intimé. 
 
Objet 
Refus de délivrer un visa de courte durée Schengen, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour VI, du 11 décembre 2023 (F-6085/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 10 août 2023, A.________, ressortissant russe né en 1992, a sollicité l'octroi d'un visa Schengen auprès de la représentation suisse à Bichkek, Kirghizistan, celle-ci agissant pour le compte de la France, dans le but de se rendre en France et finalement en Finlande en passant par l'Allemagne et la Suède pour des motifs académiques. 
 
B.  
Par décision du 15 août 2023, la représentation suisse à Bichkek a refusé l'octroi d'un visa au moyen du formulaire-type Schengen. 
Le 5 septembre 2023, A.________ a fait opposition contre cette décision. 
Par décision du 25 septembre 2023, le Secrétariat d'État aux migrations, à qui le dossier avait été transmis comme objet de sa compétence, a rejeté l'opposition et confirmé le refus d'autorisation d'entrée dans l'espace Schengen, en raison des doutes subsistant sur la volonté de l'intéressé de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé, eu égard, notamment, à la situation politique et socio-économique prévalant en Russie et à la précarité du séjour de celui-ci au Kirghizistan. 
Par arrêt du 11 décembre 2023, notifié le 10 janvier 2024, le Tribunal administratif fédéral a déclaré irrecevable pour dépôt tardif le recours que A.________ avait déposé auprès de l'Ambassade de Suisse à Berlin contre la décision du 25 septembre 2023. 
 
C.  
Par mémoire du 10 février 2024, remis à l'Ambassade de Suisse à Bichkek et transmis ensuite par le Secrétariat d'État aux migrations au Tribunal administratif fédéral, puis par celui-ci au Tribunal fédéral, A.________ a interjeté recours contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2023 par le Tribunal administratif fédéral. Il demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt attaqué, ainsi que la décision du Secrétariat d'État aux migrations du 25 septembre 2023, puis d'ordonner au Secrétariat d'État aux migrations de lui délivrer un visa. 
Le Secrétariat d'État aux migrations et le Tribunal administratif fédéral ont renoncé à prendre position sur le recours. Le Secrétariat d'État aux migrations a produit copie de l'échange de notes des 24/30 mai 2016 entre la Suisse et la France concernant une représentation dans la procédure d'octroi de visas (Bichkek, Kirghizistan), ainsi que le traité qui le remplace et fait parvenir à A.________e un exemplaire de ces documents. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle donc librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 148 I 160 consid. 1). 
 
2.  
Sur le fond, le litige porte sur le refus de délivrer un visa uniforme de courte durée Schengen. En refusant de délivrer ce visa, la représentation suisse au Kirghizistan a agi pour le compte de la France. La question se pose par conséquent de savoir quelles autorités judiciaires, de la France ou de la Suisse, sont compétentes pour se saisir d'un recours contre un tel refus. 
 
2.1. En vertu des art. 8 par. 4 let. d et 32 par. 3 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (JO 2009, L 243, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 (JO 2013, L 182, p. 1; code des visas), lorsqu'il existe un accord bilatéral de représentation prévoyant que les autorités consulaires de l'État membre agissant en représentation sont habilitées à prendre les décisions de refus de visa, il appartient aux autorités compétentes de cet État de statuer sur les recours formés contre une décision de refus de visa. Dans la mesure où ces normes se réfèrent aux États membres, elle visent également la Confédération suisse en vertu de l'art. 2 de l'accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse, l'Union européenne et la Communauté européenne sur l'association de la Confédération suisse à la mise en oeuvre, à l'application et au développement de l'acquis de Schengen (RS 0.362.31).  
 
2.2. En occurrence, la France, qui n'a pas de représentation au Kirghizistan, avait conclu avec la Suisse un arrangement sous forme d'échange de notes des 24/30 mai 2016 concernant une représentation dans la procédure d'octroi des visas (Bishkek), en vigueur depuis le 1er juin 2016 (non publié au RO/RS). Cet arrangement a toutefois été abrogé et remplacé par le nouvel arrangement sous forme d'échange de notes des 16/25 janvier 2023 entre la Suisse et la France concernant l'étendue de la représentation dans la procédure d'octroi de visas (ci-après : arrangement 2023, non publié au RO/RS) en vigueur depuis le 1er mars 2023. La demande de visa ayant eu lieu le 10 août 2023, c'est ce dernier arrangement qui trouve application en l'espèce. Cet arrangement prévoit que les autorités consulaires helvétiques sont habilitées à examiner les demandes, prendre les décisions de délivrance ou de refus de visas de court séjour Schengen en représentation de la France (visas de type A et C), notamment à Bischkek (Kirghizistan) et traiter des recours contre le refus d'accorder le visa. Il appartient ainsi aux autorités suisses désignées par le droit interne de statuer sur les recours formés contre la décision de refus de visa de la représentation suisse à Bischkek (cf. art. 2 de l'arrangement 2023; voir aussi sur cette question : arrêt de la CJUE C-680/17 du 29 juillet 2019, n° 73, 75 et 76, selon lequel la compétence de la Suisse - qui représentait les Pays-Bas dans ce cas - pour statuer sur le recours contre un refus de délivrer un visa résultait de l'accord bilatéral de représentation passé entre ces deux États). C'est par conséquent à bon droit que le Secrétariat d'État aux migrations et le Tribunal administratif fédéral se sont considérés comme autorités administrative respectivement juridictionnelle compétentes en la présente cause.  
 
3.  
Reste à examiner si une voie de recours devant le Tribunal fédéral est ouverte contre l'arrêt rendu par le Tribunal administratif fédéral. 
 
3.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF), déclarant le recours devant celui-ci irrecevable. Dans une procédure administrative, l'auteur d'un recours déclaré irrecevable pour non-respect du délai de recours est habilité à contester l'arrêt confirmant l'irrecevabilité par un recours en matière de droit public lorsque l'arrêt au fond de l'autorité intimée aurait pu être déféré au Tribunal fédéral par cette voie (ATF 135 II 145 consid. 3.2; 131 II 497 consid. 1; 124 II 499 consid. 1; arrêts 2C_574/2023 du 8 mars 2024 consid. 1.1; 2C_457/2023 du 15 septembre 2023 consid. 1.2), ce qu'il convient d'examiner ci-dessous.  
 
3.2. Selon l'art. 83 let. c ch. 1 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent l'entrée en Suisse, sous réserve des recours déposés par les personnes visées par l'Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP, RS 0.142.112.681), la Suisse ayant l'obligation (art. 11 al. 1 et 3 ALCP) d'instaurer un double degré de juridiction contre de telles décisions (arrêt 2C_135/2017 du 21 février 2017 consid. 5 et références citées).  
En l'espèce, le recourant, de nationalité russe, ne peut pas se prévaloir de l'exception accordée aux personnes visées par l'Accord sur la libre circulation des personnes. 
 
3.3. Le litige ayant sur le fond pour objet une décision refusant de délivrer un visa de courte durée Schengen pour voyager en France, en Allemagne, en Suède et enfin en Finlande et non pas en Suisse, la question se pose de savoir s'il s'agit bien d'une décision qui concerne "l'entrée en Suisse" selon la lettre de l'art. 83 let. c ch. 1 LTF et, par conséquent, de savoir si le refus de délivrer un "visa" est couvert par cette disposition, qui exclut le recours en matière de droit public, puis, le cas échéant, de savoir si cette disposition couvre également l'entrée dans l'espace Schengen, sans que ne soit prévue, comme en l'espèce, une entrée effective en Suisse.  
 
3.3.1. Selon la jurisprudence, l'art. 83 let. c ch. 1 LTF vise, outre le refus d'entrée et l'interdiction d'entrée, également l'octroi de visas (arrêt 2C_509/2022 du 22 mars 2023 et les nombreuses références de jurisprudence et de doctrine).  
 
3.3.2. Le Tribunal fédéral n'a en revanche pas examiné de manière approfondie la question de savoir s'il y a lieu, dans l'application de l'art. 83 let. c ch. 1 LTF, d'assimiler le refus de délivrer un visa de courte durée Schengen à un visa d'entrée en Suisse. Il a toutefois rendu sans développement deux arrêts qui ont assimilé ces deux types de visa, ce qui a eu pour effet d'exclure la voie du recours en matière de droit public contre le refus de délivrer un visa de courte durée Schengen (arrêts 2C_592/2019 du 21 juin 2019; 2C_509/2022 du 22 mars 2023).  
Cette jurisprudence doit être confirmée. En effet, il résulte de l'art. 7 al. 1 LEI que l'entrée en Suisse et la sortie de Suisse sont régies par les Accords d'association à Schengen et, par voie de conséquence, par le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen; JO L 77 du 23 mars 2016). Or, l'art. 22 du code frontière Schengen prévoit que les frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans que des vérifications aux frontières soient effectuées sur les personnes, quelle que soit leur nationalité. En d'autres termes, à partir du moment où le détenteur d'un visa de courte durée Schengen a franchi les frontières extérieures de l'espace Schengen, il peut franchir sans contrôle les frontières intérieurs des États membres, et, singulièrement, celles de la Suisse. Il s'ensuit que le refus de délivrer au recourant un visa de courte durée Schengen équivaut pour lui a fortiori également à un refus de délivrer un visa pour entrer en Suisse. Comme le refus d'accorder un visa d'entrée en Suisse est visé par l'art. 83 let. c ch. 1 LTF (cf. consid. 3.3.1 ci-dessus), le refus de délivrer un visa de courte durée Schengen tombe aussi dans le champ d'application de cette disposition.  
 
3.4. Par conséquent, la voie du recours en matière de droit public n'est pas ouverte en application de l'art. 83 let. c ch. 1 LTF.  
 
3.5. La voie du recours constitutionnel subsidiaire étant exclue contre les décisions du Tribunal administratif fédéral (art. 113 LTF a contrario), le Tribunal fédéral ne peut pas se saisir du présent litige.  
 
4.  
Les considérants qui précèdent conduisent à l'irrecevabilité du recours. 
En raison de la situation du recourant, il n'est pas perçu de frais de justice (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais de justice. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Secrétariat d'État aux migrations et au Tribunal administratif fédéral, Cour VI. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif fédéral, Cour VI. 
 
 
Lausanne, le 1er juillet 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : C.-E. Dubey