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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_661/2023  
 
 
Arrêt du 21 mai 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Juge présidant, 
Viscione et Métral. 
Greffière : Mme Fretz Perrin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par M e Andres Perez, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (marché du travail), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 6 septembre 2023 (A/4179/2022 ATAS/671/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, née en 1991, est au bénéfice d'un diplôme d'études de commerce, d'un diplôme de Fitness Training Instructor ainsi que d'un diplôme et d'un certificat attestant d'une formation dans le domaine de l'immobilier. Le 23 avril 2020, elle a demandé des prestations de l'assurance-invalidité en raison des conséquences d'une endométriose dont elle souffrait depuis l'âge de treize ans. Par projet de décision du 25 janvier 2021, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'OAI) a rejeté la demande de l'assurée. Cette dernière a formé opposition à ce projet, faisant valoir qu'il ressortait des derniers rapports médicaux de 2020 et 2021 qu'elle était dans l'incapacité d'assumer une activité professionnelle à plein temps en raison de sa lourde symptomatologie. Une activité à temps partiel ne pouvait être envisagée que si elle était adaptée à sa maladie avec des horaires flexibles lui permettant de poursuivre ses traitements et de s'absenter lors des épisodes douloureux. Une activité de télétravail lui permettrait de gérer sa maladie et de travailler dans de bonnes conditions.  
 
A.b. A la suite d'une instruction complémentaire, le Service médical régional de l'assurance-invalidité (SMR) a conclu, le 5 mai 2021, qu'il était raisonnablement exigible de retenir une capacité de travail d'au moins 50 % dans une activité adaptée dès décembre 2019. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes: pas de port de charges ni de déplacements de longue durée, possibilité d'alterner différentes positions et d'accéder facilement à des toilettes et flexibilité des horaires. Il se fondait en particulier sur un rapport établi le 26 avril 2021 par la doctoresse B.________, spécialiste FMH en médecine interne générale. L'assurée a fait un stage auprès des Établissements publics pour l'intégration (ci-après: les ÉPI) du 20 septembre au 19 décembre 2021 en tant qu'assistante administrative à raison de 20 heures par semaine. Dans le rapport subséquent établi le 3 mars 2022, le maître de réadaptation professionnelle a conclu que A.________ avait les capacités nécessaires pour exercer avec compétence et professionnalisme une activité dans le domaine administratif (secrétariat); le seul frein constaté au cours du stage avait été le grand nombre d'absences pour maladie, lesquelles nécessitaient une flexibilité d'horaires qui était impossible à réaliser dans l'économie ordinaire. La division de réadaptation professionnelle a proposé de retenir un taux d'invalidité de 55 % pour l'assurée, en tenant compte d'un temps de travail raisonnablement exigible de 50 % et d'un abattement de 10 %, en raison du taux d'occupation. Le 9 juin 2022, une conseillère en réadaptation professionnelle a précisé que durant le stage, aucune difficulté n'avait été observée sur le plan physique et que l'assurée n'avait pas formulé de plaintes. Ses absences étaient liées à son atteinte à la santé. Celle-ci influait l'horaire de travail et la nature des tâches, qui ne devaient pas être demandées dans des délais courts et urgents. Sur un marché du travail équilibré, l'assurée pourrait occuper un poste à 50 % dans le domaine administratif en organisant son horaire sur le mois. Elle avait de très bonnes capacités d'adaptation sur des tâches complexes, une grande polyvalence et était rapidement autonome.  
 
A.c. Par décision du 3 novembre 2022, l'OAI a octroyé à l'assurée une demi-rente d'invalidité fondée sur un taux de 55 % dès le 1 er décembre 2020, sous réserve des indemnités journalières déjà versées.  
 
B.  
Saisie d'un recours de l'assurée contre la décision du 3 novembre 2022, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a rejeté par arrêt du 6 septembre 2023. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande la réforme en ce sens qu'elle soit mise au bénéfice d'une rente entière d'invalidité depuis le 1 er décembre 2020. Elle sollicite également le bénéfice de l'assistance judiciaire.  
L'OAI conclut au rejet du recours en se référant à l'arrêt cantonal, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
 
2.  
Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d'invalidité à partir du 1 er décembre 2020 en lieu et place de la demi-rente allouée à partir de cette date.  
 
3.  
 
3.1. On rappellera préalablement que l'invalidité consiste en une diminution des possibilités de gain de l'assuré sur un marché équilibré du travail si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé et si elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (cf. art. 7 al. 1 et 8 al. 1 LPGA).  
 
3.2. Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). Aux termes de l'art. 28 al. 1 LAI (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021 [modification de la LAI du 19 juin 2020, Développement continu de l'AI; RO 2021 705]) déterminant en l'espèce (ATF 148 V 21 consid. 5.3 et les références), le droit à une rente d'invalidité présuppose notamment que l'assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable et qu'au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins. Selon l'échelonnement des rentes prévu à l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70 % au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50 % au moins ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins.  
 
4.  
La recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir confirmé son droit à une demi-rente d'invalidité et de ne pas lui avoir reconnu le droit à une rente entière d'invalidité, au motif qu'elle était en mesure de trouver une activité adaptée à 50 % sur le marché équilibré du travail. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle estime irréaliste la possibilité de retrouver un emploi, ce que confirmerait le rapport des ÉPI du 3 mars 2022 en indiquant que son rythme de travail ne lui permettait pas d'intégrer le marché ordinaire de l'emploi. La recourante estime que la cour cantonale aurait écarté de manière arbitraire les conclusions des ÉPI sans examiner concrètement dans quelle mesure elle pouvait encore exploiter sa capacité résiduelle de travail, alors qu'il ressortait de son CV qu'elle avait eu cinq emplois différents en six ans, ses absences pour raisons de santé l'ayant chaque fois amenée à cesser son activité ou à se faire licencier. 
 
5.  
La notion de marché équilibré du travail est une notion théorique et abstraite qui sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de l'assurance-invalidité. Elle implique, d'une part, un certain équilibre entre l'offre et la demande de main d'oeuvre et, d'autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu'il offre un éventail d'emplois diversifiés, tant au regard des exigences professionnelles et intellectuelles qu'au niveau des sollicitations physiques (ATF 110 V 273 consid. 4b; arrêts 9C_597/2018 du 18 janvier 2019 consid. 5.2; 9C_326/2018 du 5 octobre 2018 consid. 6.2). 
Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de gain sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 7 al. 1 et 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives; cet examen s'effectue de façon d'autant plus approfondie que le profil d'exigibilité est défini de manière restrictive. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'oeuvre. On ne saurait toutefois se fonder sur des possibilités de travail irréalistes. Ainsi, on ne peut parler d'une activité exigible au sens de l'art. 16 LPGA, lorsqu'elle ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte qu'elle n'existe pratiquement pas sur le marché général du travail ou que son exercice suppose de la part de l'employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (ATF 138 V 457 consid. 3.1; arrêts 9C_304/2018 du 5 novembre 2018 consid. 5.1.1; 9C_941/2012 du 20 mars 2013 consid. 4.1.1). 
 
6.  
 
6.1. Selon les constatations de la doctoresse B.________ telles que rapportées par la cour cantonale, la recourante disposait d'une capacité de travail de 100 % hors des périodes de crises. La doctoresse a ainsi proposé de retenir une capacité de travail réduite à 50 % pour tenir compte des périodes de crises qui survenaient en général une fois par mois pendant quelques jours. D'un point de vue médical, une activité à 50 % était envisageable si la recourante pouvait bénéficier d'horaires flexibles sur un mois. La cour cantonale a encore relevé que les absences de la recourante pendant le stage aux ÉPI avaient été plus fréquentes que celles avancées par la doctoresse B.________.  
 
6.2. On ne saurait suivre la recourante lorsqu'elle soutient que les limitations fonctionnelles qu'entraînent son atteinte à la santé, en particulier la nécessité d'un horaire de travail flexible, rendent illusoire toute recherche d'emploi, y compris sur un marché de l'emploi réputé équilibré. On doit au contraire admettre qu'un tel marché du travail est suffisamment diversifié et qu'il comprend, dans le domaine administratif tout au moins, des emplois permettant d'organiser relativement librement son temps de travail sur le mois, pour un engagement à 50 %. Ce n'était pas le cas lors du stage de trois mois aux ÉPI, où le taux d'activité de la recourante avait d'emblée été limité à 20 heures par semaine, alors que selon les constatations médicales la recourante avait une capacité de travail entière (8 heures par jour) en dehors de ses crises liées à l'endométriose. Cette capacité de travail a été fixée médicalement à 50 % au lieu de 100 % pour tenir compte de la flexibilité des horaires que requérait l'état de santé de la recourante. Celle-ci dispose donc en réalité d'une capacité (fonctionnelle) totale de travail avec un rendement moyen sur le mois diminué de 50 %, compte tenu de ses jours d'absence lors de crises.  
Quant à l'argument selon lequel la recourante avait chaque fois perdu ses emplois précédents en raison de son taux d'absentéisme pour des raisons de santé, il ne saurait davantage remettre en cause ses possibilités réelles de réinsertion sur le marché équilibré de l'emploi à 50 %. Dans sa dernière activité professionnelle, la recourante était engagée à 100 % (ou 8 heures par jour; cf. questionnaire de l'assurance-invalidité pour l'employeur) et il ne ressort par ailleurs d'aucune autre pièce au dossier que la recourante avait été engagée à un taux inférieur à 100 % dans les autres emplois exercés précédemment. Par rapport à sa situation professionnelle antérieure, ses absences pour cause de maladie ne seraient désormais plus un obstacle financier pour un employeur potentiel. 
Mal fondé, le recours doit dès lors être rejeté. 
 
7.  
Vu l'issue de la procédure, la recourante doit supporter les frais y afférents (art. 66 al. 1 LTF). Elle a cependant déposé une demande d'assistance judiciaire visant à la dispense des frais judiciaires et à la désignation d'un avocat d'office. Dès lors que les conditions d'octroi en sont réalisées (art. 64 al. 1 et 2 LTF), l'assistance judiciaire lui est accordée. La recourante est toutefois rendue attentive au fait qu'elle devra rembourser la Caisse du Tribunal fédéral, si elle retrouve ultérieurement une situation financière lui permettant de le faire (art. 64 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est admise et Maître Andres Perez est désigné comme avocat d'office de la recourante. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
Une indemnité de 2'800 fr. est allouée à l'avocat de la recourante à titre d'honoraires à payer par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 21 mai 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Maillard 
 
La Greffière : Fretz Perrin