Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_557/2023  
 
 
Arrêt du 22 mai 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard, Heine, Viscione et Métral. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Jacques Losey, Service officiel des curatelles, 
et Me Jean-Michel Duc, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg, 
impasse de la Colline 1, 1762 Givisiez, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (nouvelle demande), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 6 juillet 2023 (605 2022 179, 605 2022 180). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par décision du 7 mars 2001, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg (ci-après: l'office AI) a octroyé à A.________, née en 1968, une demi-rente d'invalidité à partir du 1 er novembre 1998. Après avoir diligenté une expertise bidisciplinaire (en rhumatologie et en psychiatrie), l'office AI a, par décision du 28 septembre 2017, supprimé cette demi-rente d'invalidité au 1 er novembre 2017.  
 
A.b. Le 25 mai 2022, l'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'office AI, arguant souffrir de douleurs corporelles diffuses sur une probable fibromyalgie, d'une hyperlaxité ligamentaire, d'une maladie des petites fibres à éliminer, d'un syndrome anxio-dépressif, d'un status post-chirurgie de la cheville droite en 2018 et de migraines. Statuant le 26 septembre 2022, l'office AI a refusé d'entrer en matière sur cette nouvelle demande, motif pris que l'assurée n'avait pas rendu plausible la péjoration de son état de santé.  
 
B.  
Saisie d'un recours contre cette dernière décision, la I re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg l'a rejeté - dans la mesure de sa recevabilité - par arrêt du 6 juillet 2023.  
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à son annulation, à l'annulation de la décision du 26 septembre 2022 et au renvoi de la cause à l'office AI pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
L'intimé a indiqué ne pas avoir de remarques particulières à formuler différentes des considérants de l'arrêt entrepris. La cour cantonale et l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en confirmant la décision du 26 septembre 2022, par laquelle l'intimé a refusé d'entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations de la recourante.  
 
2.2. Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2; 135 II 313 consid. 5.2.2).  
 
3.  
 
3.1. En vertu de l'art. 87 al. 2 et 3 RAI (RS 831.201), lorsque la rente a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l'assuré rend plausible que son invalidité s'est modifiée de manière à influencer ses droits. Cette exigence doit permettre à l'administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force d'écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l'assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 133 V 108 consid. 5.2; 130 V 64 consid. 5.2.3; 117 V 198 consid. 4b et les références). Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrer en matière (ATF 117 V 198 consid. 3a).  
 
3.2. Le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA [RS 830.1]), ne s'applique pas à la procédure de l'art. 87 al. 3 RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5). Eu égard au caractère atypique de celle-ci dans le droit des assurances sociales, le Tribunal fédéral a précisé que l'administration devait appliquer par analogie l'art. 73 a RAI (cf. art. 43 al. 3 LPGA depuis le 1 er janvier 2003) - qui permet aux organes de l'AI de statuer en l'état du dossier en cas de refus de l'assuré de coopérer - à la procédure régie par l'art. 87 al. 3 RAI, ce qui se justifiait aussi sous l'angle de la protection de la bonne foi (cf. art. 5 al. 3 et 9 Cst.). Ainsi, lorsqu'un assuré introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s'est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu'il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d'office, l'administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l'avertissant qu'elle n'entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Cela présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d'autres termes qu'ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués.  
Si cette procédure est respectée, le juge doit examiner la situation d'après l'état de fait tel qu'il se présentait à l'administration au moment où celle-ci a statué (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5; arrêts 8C_308/2015 du 8 octobre 2015 consid. 3.2 in fine, 9C_789/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.3 in fine et les arrêts cités). Cela signifie que des rapports médicaux produits postérieurement à la décision de non-entrée en matière ne peuvent pas être pris en considération par le juge, même s'ils auraient pu avoir une influence sur l'appréciation de l'autorité au moment où elle s'est prononcée (ATF 130 V 64 consid. 5; arrêts 9C_92/2020 du 17 mars 2020 consid. 3.2 in fine; 9C_51/2018 du 7 février 2019 consid. 3.4 in fine). 
 
3.3. L'art. 57a LAI - dans sa version en vigueur depuis le 1 er janvier 2021, applicable au cas d'espèce - dispose qu'au moyen d'un préavis, l'office AI communique à l'assuré toute décision finale qu'il entend prendre au sujet d'une demande de prestations, ou au sujet de la suppression ou de la réduction d'une prestation déjà allouée ainsi que toute décision qu'il entend prendre au sujet d'une suspension à titre provisionnel des prestation (al. 1, première phrase); l'assuré a le droit d'être entendu, conformément à l'art. 42 LPGA (al. 1, seconde phrase); les parties peuvent faire part de leurs observations concernant le préavis dans un délai de 30 jours (al. 3).  
 
4.  
Le recourante se plaint tout d'abord d'une constatation manifestement inexacte - et donc arbitraire - des faits. Elle reproche aux premiers juges de ne pas avoir pris en compte ses observations des 5 et 8 septembre 2022, déposées en réaction au projet de décision de l'intimé du 27 juillet 2022. Ceux-ci auraient en outre omis de constater que les observations du 5 septembre 2022 avaient été produites en temps utile et que le rapport du Service médical régional (SMR) du 30 août 2022 ne mentionnait pas un rapport du docteur B.________, médecin traitant, du 18 août 2022. Ces critiques sont mal fondées. L'arrêt entrepris mentionne bien les courriers des 5 et 8 septembre 2022, rédigés par le curateur de la recourante, ainsi que leur contenu, et rien n'indique que la cour cantonale ait considéré celui du 5 septembre 2022 comme tardif. On ne voit pas non plus que l'instance précédente ait versé dans l'arbitraire en ne précisant pas que l'avis du SMR ne faisait pas référence à l'un des rapports médicaux produits par la recourante, celle-ci n'exposant du reste pas que élément pertinent du rapport du docteur B.________ aurait été ignoré. Pour le reste, les critiques de la recourante se confondent avec celles développées à l'appui de son grief tiré d'une violation de son droit d'être entendue, examiné ci-après. 
 
5.  
La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue de la part de l'intimé, qui n'aurait pas été sanctionnée par le tribunal cantonal. 
 
5.1. En instance cantonale, la recourante a reproché à l'intimé de ne pas avoir attendu un rapport de son psychiatre traitant avant de rendre sa décision de non-entrée en matière du 26 septembre 2022. A ce propos, les juges cantonaux ont constaté que dans son projet de décision du 25 juillet 2022, l'intimé avait informé la recourante qu'elle disposait d'un délai de 30 jours pour transmettre les documents médicaux étayant sa nouvelle demande de prestations. La recourante avait alors produit plusieurs avis médicaux, parmi lesquels un rapport du docteur C.________, spécialiste en anesthésiologie, qui indiquait avoir programmé un rendez-vous auprès du docteur D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Le 5 septembre 2022, le curateur de la recourante avait invité l'intimé à demander un rapport au docteur D.________, qui suivait la recourante. Le 8 septembre 2022, ce même curateur avait informé l'intimé que ce psychiatre ne pouvait pas adresser de rapport avant le 15 septembre 2022; il demandait à l'intimé de patienter avant de statuer. Le 26 septembre 2022, ce dernier avait rendu sa décision de non-entrée en matière.  
La cour cantonale a retenu qu'au vu de ces éléments, l'intimé était pleinement conscient que la recourante était suivie par le docteur D.________. Cependant, il n'avait pas violé le droit d'être entendue de la recourante. La décision de non-entrée en matière avait en effet été rendue plus de 40 jours après l'échéance du délai - légal (art. 57a al. 3 LAI) et non prolongeable - indiqué dans le projet de décision et plus de dix jours après l'échéance du terme indiqué par le curateur de la recourante. Dans ce contexte, l'intimé avait pleinement donné à la recourante la possibilité de fournir les moyens de preuve qu'elle entendait produire. En l'absence d'envoi du rapport annoncé du docteur D.________ ou d'une intervention de la recourante au terme du délai indiqué, l'intimé était légitimé à rendre sa décision sans plus attendre, d'autant plus qu'à ce stade, il ne lui incombait pas de procéder à des mesures d'instruction, sous la forme d'un éventuel rappel au médecin concerné. 
 
5.2. La recourante expose avoir déposé ses observations à l'encontre du projet de décision du 26 juillet 2022 dans le délai de l'art. 57a al. 3 LAI. A l'appui de son écriture, elle aurait produit plusieurs rapports médicaux, dont un avis du 18 août 2022 du docteur B.________, médecin praticien. Le SMR ne se serait toutefois pas prononcé sur cet avis dans son appréciation du 30 août 2022, ce qui serait déjà constitutif d'une violation du droit d'être entendu.  
La recourante soutient en outre avoir sollicité l'octroi d'un délai supplémentaire pour produire un rapport du docteur D.________. L'intimé aurait dû y donner suite, le curateur de la recourante ne pouvant de surcroît pas être considéré comme un mandataire professionnel rompu à la procédure administrative. Par ailleurs, il serait notoire qu'il faudrait parfois un certain temps pour obtenir un rapport médical auprès d'un médecin. L'intimé n'aurait eu aucune raison de s'empresser de rendre sa décision quelques jours seulement après l'échéance du délai indiqué par la recourante, sans avoir accusé réception de sa requête et sans avoir attiré son attention sur le fait que sans nouvelles de sa part, il serait statué en l'état du dossier. Dès lors que le juge de première instance ne peut pas prendre en compte des rapports postérieurs à la décision de non-entrée en matière, il aurait été d'autant plus nécessaire d'accorder à la recourante le temps utile à la production d'un rapport du docteur D.________. 
 
5.3.  
 
5.3.1. Avant l'entrée en vigueur de l'art. 57a al. 3 LAI, le délai à disposition des parties pour déposer des observations sur un préavis de l'office AI était réglé à l'art. 73 ter al. 1 RAI (abrogé avec effet au 1 er janvier 2022), qui prévoyait que les parties pouvaient faire part à l'office AI de leurs observations sur le préavis dans un délai de 30 jours. Dans un arrêt publié aux ATF 143 V 71, le Tribunal fédéral a jugé que le délai de 30 jours de l'ancien art. 73 ter al. 1 RAI - qui était alors encore en vigueur - était un délai d'ordre, prolongeable pour de justes motifs. Les juges fédéraux ont précisé que si le législateur souhaitait en faire un délai légal, et donc non prolongeable, il devait l'inscrire dans la loi (ATF 143 V 71 consid. 4.3.5), ce qui s'est produit avec l'adoption de l'art. 57a al. 3 LAI. Le délai de 30 jours, imposé aux parties pour faire part de leurs observations concernant les préavis des offices AI, est donc un délai légal depuis le 1 er janvier 2021. Il n'est pas prolongeable, comme l'ont souligné à juste titre les premiers juges.  
 
5.3.2. En l'espèce, la recourante a - par l'intermédiaire de son curateur - déposé ses observations sur le projet de décision du 25 juillet 2022 le 5 septembre 2022, soit dans le respect du délai légal de 30 jours, compte tenu des féries judiciaires du 15 juillet au 15 août (cf. art. 38 al. 4 let. b LPGA), ce que les parties ne contestent pas. Dans ce même délai de 30 jours, l'intimé a invité la recourante à lui transmettre des rapports médicaux, dès lors que celle-ci n'en avait produit aucun à l'appui de sa nouvelle demande du 25 mai 2022. Ce faisant, l'intimé lui a octroyé un délai raisonnable pour étayer cette nouvelle demande, ce qui lui a permis de déposer plusieurs avis médicaux portant essentiellement sur des lésions somatiques. S'agissant des troubles psychiques, force est de constater que la recourante a d'abord demandé à l'intimé de solliciter lui-même un rapport du psychiatre traitant, ce à quoi il n'était pas tenu de donner suite dans le cadre d'une procédure non régie par le principe inquisitoire (cf. consid. 3.2 supra). Ensuite, la recourante a certes évoqué l'envoi - pas avant le 15 septembre 2022 - d'un rapport du docteur D.________, mais sans que cette intention se soit concrétisée à cette date ou dans les jours suivants. Dans ces conditions et en l'absence d'une requête en ce sens de la recourante, qui était représentée par un curateur professionnel, l'intimé n'avait pas à accorder un nouveau délai à la recourante pour la production d'un rapport médical. Compte tenu des particularités régissant la procédure de l'art. 87 al. 3 RAI, l'intimé était au contraire fondé à rendre une décision de non-entrée en matière le 26 septembre 2022 sans attendre la production d'un rapport du psychiatre traitant. Il n'y a pas non plus de violation du droit d'être entendue de la recourante du seul fait que le médecin du SMR ne s'est pas référé à un rapport du docteur B.________. Les griefs de la recourante, mal fondés, doivent être rejetés.  
 
6.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires doivent être mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci a cependant sollicité l'assistance judiciaire pour l'instance fédérale. Dès lors que les conditions de son octroi sont réalisées en l'espèce (art. 64 al. 1 et 2 LTF), l'assistance judiciaire requise sera accordée. L'attention de la recourante est attirée sur le fait qu'elle devra rembourser la caisse du Tribunal fédéral si elle devient en mesure de le faire ultérieurement (art. 64 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est admise pour la procédure devant le Tribunal fédéral et Maître Jean-Michel Duc est désigné comme avocat d'office de la recourante. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
Une indemnité de 2'800 fr. est allouée à l'avocat de la recourante à titre d'honoraires à payer par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la I re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg et à l'Office fédéral des assurances sociales.  
 
 
Lucerne, le 22 mai 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny