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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_152/2023  
 
 
Arrêt du 2 juillet 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Koch, Hurni, Kölz et Hofmann. 
Greffière : Mme Schwab Eggs. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Olivier Peter, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Procédure pénale; établissement d'un profil d'ADN, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 6 juin 2023 (ACPR/421/2023 - P/23690/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Né en 2000, A.________ a un casier judiciaire vierge.  
 
A.b.  
 
A.b.a. A.________ a été arrêté le 10 mars 2022 pour complicité de dommages à la propriété. Il lui est reproché d'avoir, le 17 novembre 2021, contribué à endommager la façade d'un centre commercial en y peignant "B.________ COLLABO / GENEVE ANTIFA". Il a été identifié grâce aux caméras de vidéosurveillance se trouvant aux abords du bâtiment.  
Entendu par la police le 10 mars 2022, d'abord en qualité de personne appelée à donner des renseignements, puis en qualité de prévenu, A.________ a refusé de s'exprimer, usant de son droit de se taire. 
 
A.b.b. Un mandat de saisie des données signalétiques et prélèvement d'ADN a été établi ce même 10 mars 2022. Ce document comporte deux pages. Sur le formulaire figurant sur la première page, sous le titre "Personne prévenue", il est précisé que A.________ a accepté le prélèvement d'ADN ordonné par la police. L'intéressé a apposé sa signature dans la marge ainsi que sous la mention "Je confirme avoir lu la présente feuille d'information et avoir pris note des indications y figurant".  
 
A.b.c. Par ordonnance du 14 mars 2022, figurant sur la seconde page du mandat établi le 10 mars 2022, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le Ministère public) a ordonné l'établissement du profil d'ADN de A.________. Cette ordonnance se réfère expressément au "mandat pour la saisie des données signalétiques et le prélèvement d'ADN". Ce document n'a pas été formellement notifié à l'intéressé.  
 
A.b.d. A.________ a été condamné par ordonnance pénale du 11 mars 2022 pour dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP). Il a formé opposition contre cette ordonnance.  
A.________ soutient que l'ordonnance du 14 mars 2022 ne figurait pas dans la copie du dossier remise par le Ministère public le 5 avril 2022. 
 
 
A.c.  
 
A.c.a. Par la suite, le profil d'ADN de A.________ s'est révélé correspondre à un profil d'ADN H2 relevé sur un bidon d'essence. Celui-ci a été retrouvé sur les lieux d'un incendie ayant ravagé, le 4 janvier 2022, l'enceinte de la gravière C.________. À cette occasion, des véhicules ont été regroupés et incendiés de manière volontaire, tandis qu'un autre véhicule a été endommagé et aspergé d'essence. Des inscriptions à la peinture ont été apposées sur des containers; leur teneur est la suivante "BONNE ANNEE C.________ DE MERDE" et "OUVRIERES BUTEZ VOS PATRONS".  
 
A.c.b. A.________ a été arrêté le 15 mars 2023.  
 
B.  
Le 27 mars 2023, A.________ a recouru contre l'ordonnance du Ministère public du 14 mars 2022 (cf. let. A.b.c supra). Le Ministère public s'est déterminé sur ce recours et A.________ a répliqué.  
Par arrêt du 6 juin 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale de recours) a rejeté le recours. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 6 juin 2023. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens que soient constatées des violations du droit à une décision motivée (art. 6 par. 1 CEDH) et du droit à la sphère privée (art. 8 CEDH), que l'ordonnance du 14 mars 2022 soit annulée, l'effacement du profil d'ADN et la destruction des échantillons d'ADN étant ordonnés. À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente. 
Le Ministère public s'est déterminé et a conclu au rejet du recours, tandis que la Chambre pénale de recours a renoncé à présenter des observations. A.________ s'est déterminé dans le délai imparti à cet effet. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2). 
 
1.1. Dans le cadre d'un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral contrôle uniquement l'application correcte par l'autorité cantonale du droit fédéral en vigueur au moment où celle-ci a statué (ATF 145 IV 137 consid. 2.6 ss; 129 IV 49 consid. 5.3). Il n'y a donc pas lieu en l'espèce de prendre en compte les modifications du CPP entrées en vigueur le 1er janvier 2024, l'arrêt querellé ayant été rendu le 6 juin 2023 (cf. arrêts 7B_1008/2023 du 12 janvier 2024 consid. 2.2; 7B_997/2023 du 4 janvier 2024 consid. 1.2).  
 
1.2. L'arrêt attaqué, qui confirme une ordonnance du Ministère public ordonnant l'établissement du profil d'ADN du recourant, est un prononcé rendu en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF.  
Le recours en matière pénale n'est recevable que contre les décisions finales au sens de l'art. 90 LTF ou contre les décisions incidentes, aux conditions fixées à l'art. 93 LTF. En l'occurrence, il ressort clairement de l'arrêt attaqué que l'établissement du profil d'ADN du recourant n'a pas été ordonné pour les besoins de la procédure pénale en cours, mais pour élucider d'autres crimes ou délits, anciens ou futurs, sans lien avec celle-ci (cf. consid. 2.2.1 infra), de sorte qu'il s'agit d'une décision finale au regard de la jurisprudence rendue en ce domaine (cf. arrêts 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 1; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 1.2; 1B_663/2021 du 28 juillet 2022 consid. 1.1 et les références citées).  
 
1.3. Le recourant, prévenu qui a pris part à la procédure devant l'instance précédente, a un intérêt juridiquement protégé à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée. Celle-ci confirme en effet l'établissement de son profil d'ADN à partir d'un prélèvement effectué sur sa personne (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF).  
 
1.4. Selon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de droit ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues. Sauf situations particulières, les conclusions constatatoires ont donc un caractère subsidiaire (ATF 148 I 160 consid. 1.6; 141 IV 349 consid. 3.4).  
En l'espèce, le recourant conclut à la réforme de l'arrêt querellé en ce sens que l'ordonnance du Ministère public soit annulée, l'effacement du profil d'ADN et la destruction des échantillons d'ADN étant ordonnés. Partant, ses conclusions en constatation de la violation des art. 6 par. 1 et art. 8 CEDH s'avèrent irrecevables. 
 
1.5. En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours doivent être motivés. Conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Pour satisfaire à cette exigence, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse (ATF 134 II 244 consid. 2.1). En particulier, la motivation doit se rapporter à l'objet du litige tel qu'il est circonscrit par la décision querellée (ATF 133 IV 119 consid. 6.4).  
En tant que le recourant conclut à la destruction des échantillons d'ADN, on cherche en vain dans son mémoire de recours une motivation topique à cet égard. Le recours s'avère donc, dans cette mesure, irrecevable. En tout état, cette question n'était pas l'objet de l'ordonnance querellée qui concernait uniquement l'établissement du profil d'ADN et non le prélèvement d'ADN; la conclusion est dès lors également irrecevable faute d'épuisement des instances précédentes (cf. art. 80 al. 1 LTF). 
 
1.6. Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF), de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours dans la mesure exposée ci-dessus.  
 
2.  
Le recourant conteste l'établissement d'un profil d'ADN sur sa personne. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).  
L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 
 
2.1.2. En vertu de l'art. 255 al. 1 let. a aCPP - dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023 (RO 2010 1881) -, pour élucider un crime ou un délit, le prélèvement d'un échantillon et l'établissement d'un profil d'ADN peuvent être ordonnés sur le prévenu.  
Ces mesures ne sont pas limitées à l'élucidation du crime ou du délit pour lequel le prévenu est poursuivi; elles peuvent également être ordonnées afin d'élucider des infractions passées ou futures qui sont encore inconnues des autorités de poursuite pénale (cf. art. 259 CPP et art. 1 al. 2 let. a de la loi fédérale du 20 juin 2003 sur l'utilisation de profils d'ADN dans les procédures pénales et sur l'identification de personnes inconnues ou disparues [loi sur les profils d'ADN, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 juillet 2023; RO 2004 5269]). Le profil d'ADN a notamment pour but d'éviter de se tromper sur l'identification d'une personne ou de jeter le soupçon sur des innocents; il peut aussi avoir des effets préventifs et contribuer à la protection de tiers (ATF 147 I 372 consid. 2.1; 145 IV 263 consid. 3.3; arrêts 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2 et les arrêts cités). Malgré ces indéniables avantages, l'art. 255 aCPP n'autorise pas le prélèvement d'échantillons d'ADN et leur analyse de manière systématique (ATF 147 I 372 consid. 2.1 et les références citées; arrêts 1B_259/2022 précité consid. 3; 1B_217/2022 précité consid. 3.1; 1B_230/2022 précité 2022 consid. 2.2 et les arrêts cités). 
 
2.1.3. Selon la jurisprudence, l'établissement d'un profil d'ADN, lorsqu'il ne sert pas à élucider une infraction pour laquelle une instruction pénale est en cours, est conforme au principe de la proportionnalité uniquement s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (cf. ATF 147 I 372 consid. 4.2; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).  
Lorsque la mesure vise à élucider des infractions passées ou futures, elle n'est pas soumise à la condition de l'existence de soupçons suffisants laissant présumer une infraction au sens de l'art. 197 al. 1 CPP: des indices au sens susmentionné suffisent. Des soupçons suffisants doivent cependant exister en ce qui concerne l'acte qui a fondé le prélèvement ou l'établissement du profil d'ADN (cf. ATF 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2; 1B_409/2021 du 3 janvier 2022 consid. 4.3 et les références, y compris critiques citées). 
Lors de l'évaluation de la gravité de l'infraction, il convient de ne pas se fonder uniquement sur la poursuite sur plainte ou d'office de l'infraction, ni sur la peine menace abstraite. Il faut bien plutôt prendre en compte la nature du bien juridique concerné et le contexte en cause. L'établissement préventif d'un profil d'ADN s'avère notamment proportionné lorsque des intérêts particulièrement dignes de protection sont menacés, tels que l'intégrité physique ou sexuelle ou, dans certaines circonstances, le patrimoine (brigandage, vol avec effraction). Il doit s'agir de risques sérieux concernant des biens juridiques essentiels (ATF 147 I 372 consid. 4.3.1; arrêts 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1 et les références citées). La jurisprudence a considéré que ne constituaient pas des délits d'une certaine gravité ("Delikte von einer gewissen Schwere") : des inscriptions au charbon effaçables effectuées dans le contexte d'une manifestation non violente (ATF 147 I 372 consid. 4.3.1), des graffiti ayant causé un dommage de moins de 5'000 fr., le montant des autres graffiti étant inconnu (arrêt 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.4), respectivement une infraction de vol par métier et en bande portant sur une valeur d'un peu plus de 2'000 fr. (arrêt 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.3 et 3.4). À l'inverse, la condition de la gravité a été admise dans un cas de destruction de cinq panneaux publicitaires, alors que des soupçons portaient sur 160 autres panneaux, pour un dommage potentiel de plus de 128'000 fr. et en présence de motifs idéologiques (arrêt 1B_409/2021 du 3 janvier 2022 consid. 5). 
 
2.2.  
 
2.2.1. Le recourant fait grief à l'autorité précédente d'avoir retenu que les conditions requises pour l'établissement de son profil d'ADN étaient réalisées. Il lui reproche également d'avoir pris en considération des événements postérieurs à l'ordonnance querellée.  
Il n'est pas contesté que l'établissement du profil d'ADN en cause ne tendait pas à identifier le recourant eu égard à la procédure pénale en cours concernant les événements du 17 novembre 2021. Il avait été en effet identifié par le biais d'images de vidéosurveillance (cf. let. A.b.a supra). Il sied donc d'examiner si la mesure de contrainte se justifiait en vue d'élucider d'éventuelles infractions passées ou futures alors encore inconnues des autorités de poursuite pénale (mesure de contrainte préventive).  
 
2.2.2. La cour cantonale a retenu en substance que les circonstances laissaient planer des indices sérieux et concrets de commission future d'autres infractions du même genre, voire plus graves. En effet, des soupçons suffisants pesaient sur le recourant quant à sa participation au "sprayage" d'un centre commercial. Il appartenait ainsi à la catégorie des personnes ayant passé à l'acte, de sorte qu'il ne pouvait pas prétendre faire partie des militants défendant leurs convictions pacifiquement et sans enfreindre la loi. Il était à cet égard constant que les auteurs de graffiti à tendance politique ne se limitent pas à l'apposition d'un seul graffiti à une seule occasion, mais tendent à répéter leur acte pour diffuser les messages qu'ils défendent. Il ne pouvait certes pas être retenu que l'appartenance à un mouvement d'extrême-gauche antifasciste signifie nécessairement une propension à commettre des infractions; cela étant, tant les graffiti apposés sur le centre commercial que ceux retrouvés sur le lieu de l'incendie démontraient que ces mouvements avaient recours à de tels moyens d'expression, ce qui constituait un indice concret de la possibilité de réitération. Le recourant était certes jeune et sans antécédents. Cependant, le type particulier de l'infraction qui lui était reprochée et les circonstances justifiaient l'établissement de son profil d'ADN.  
 
2.2.3. Ce raisonnement ne saurait être suivi. En effet, il est reproché au recourant d'avoir contribué à l'inscription de deux graffiti à message politique sur la façade d'un centre commercial. Cette infraction de dommages à la propriété ne touche pas des biens juridiques particulièrement dignes de protection, mais uniquement au patrimoine. Il n'est certes pas exclu qu'une inscription à la peinture sur un mur cause des dommages matériels importants et remplisse ainsi la condition de la gravité du délit. Aucune indication ne figure cependant dans l'arrêt cantonal concernant le montant du dommage consécutif aux graffiti en cause; il n'en ressort à tout le moins pas que ces inscriptions auraient causé un dommage considérable, s'agissant de deux inscriptions peintes sur une façade commerciale. Il n'apparaît pas non plus que le recourant serait soupçonné d'avoir contribué à d'autres graffiti - hormis ceux retrouvés sur le lieu de l'incendie et dont il n'y a pas lieu de tenir compte (cf. consid. 2.2.4 infra). Ces éléments ne permettent pas de qualifier de délit d'une certaine gravité l'infraction que le recourant est soupçonné d'avoir commise, vu la jurisprudence récente en la matière (cf. consid. 2.1.3 supra). Au demeurant, l'intimé ne saurait rien tirer de l'arrêt 1B_244/2017 du 7 août 2017 concernant l'inscription de graffiti sur un train et dans lequel la gravité avait été admise, les circonstances apparaissant différentes. En particulier, le critère de la gravité n'avait pas fait l'objet d'un examen circonstancié, au contraire des arrêts plus récents auxquels on se réfère ci-dessus; en outre, des indices sérieux et concrets avaient été constatés au vu des antécédents multiples retenus.  
Lorsqu'elle a examiné les indices susceptibles de montrer que le recourant était impliqué dans d'autres infractions, la cour cantonale a émis des considérations sur l'appartenance à un mouvement d'extrême-gauche antifasciste. À cet égard, il n'apparaît pas que la cour cantonale ait expressément considéré que le recourant appartiendrait à un tel mouvement, ses considérations sur ce point étant plutôt d'ordre général. Quoi qu'il en soit, l'éventuelle tendance politique rattachée aux graffiti n'est pas déterminante en l'espèce. Il n'apparaît en effet pas que les inscriptions en cause aient été accompagnées d'actes de violence qui auraient menacé la sécurité et l'ordre public, ni qu'elles auraient eu pour but d'inciter à de tels actes; il ne ressort pas non plus de l'arrêt attaqué qu'il y aurait un risque que le recourant commette de tels actes. Tout au plus pourrait-il être amené à effectuer d'autres graffiti, dont on a cependant vu qu'ils ne présentaient, jusqu'à présent, pas une gravité suffisante. 
Ainsi, le recourant est certes soupçonné d'avoir commis les graffiti qui ont fondé l'établissement du profil d'ADN contesté; il ne s'agit cependant pas d'actes revêtant une certaine gravité et il ne résulte pas des circonstances qu'il existerait des indices sérieux et concrets que le recourant puisse être impliqué dans d'autres infractions. En outre, le recourant est jeune et ne présente pas d'antécédents judiciaires (cf. consid. A.a supra). Par conséquent, au terme de la pesée des intérêts en présence, les éléments existant au moment de l'acte qui a fondé l'établissement du profil d'ADN ne justifiaient pas la mesure de contrainte en cause. Partant, la cour cantonale a violé le droit fédéral en confirmant l'établissement du profil d'ADN du recourant.  
 
2.2.4. Au surplus, l'autorité précédente a justifié la mesure de contrainte en question en se fondant sur le fait que le profil d'ADN du recourant correspondait à une trace retrouvée sur les lieux d'un incendie d'origine vraisemblablement criminelle, à savoir une infraction grave. Selon la cour cantonale, l'analyse des conditions présidant à l'établissement d'un profil d'ADN ne se posait dès lors plus en termes hypothétiques, les indices dont il était question étant concrétisés par la correspondance des profils. Il en résultait que la condition de l'existence d'une infraction grave (incendie intentionnel et dommages importants à la propriété) était donnée.  
Ce raisonnement ne peut pas non plus être confirmé. En effet, la participation du recourant à l'incendie criminel a été déterminée grâce à une correspondance entre une trace d'ADN retrouvée sur place et le profil d'ADN du recourant dont on a vu au considérant précédent qu'il avait été établi en violation du droit. Or il n'est pas admissible de tenir compte d'éléments qui ont été connus ultérieurement grâce à une mesure de contrainte pour déterminer le caractère fondé de cette même mesure. Le soupçon doit en effet préexister à la mesure de contrainte; le contraire reviendrait à permettre de construire le soupçon et de justifier après coup la mesure de contrainte ("fishing expedition"; cf. ATF 139 IV 128 consid. 1.2; 137 I 118 consid. 2.3.2; VIREDAZ/JOHNER, in JEANNERET/KUHN/PERRIER DEPEURSINGE [édit.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n. 5b ad art. 197 CPP; cf. RUCKSTUHL/DITTMANN/ARNOLD, Strafprozessrecht: unter Einschluss der forensichen Psychiatrie une Rechtsmedizin sowie des kriminaltechnischen und naturwissenchaftlichen Gutachtens, Zurich 2011, pp. 250 ss). Pour les mêmes motifs, le fait que l'ordonnance d'établissement du profil d'ADN n'ait été notifiée que plusieurs mois plus tard, à l'occasion de l'enquête subséquente concernant un incendie, ne justifie pas de tenir compte d'événements survenus entre son prononcé et la notification. Il s'ensuit que la cour cantonale a violé le droit en prenant en compte des éléments découverts ultérieurement grâce au profil d'ADN objet de l'ordonnance querellée pour justifier la gravité des infractions en jeu et l'existence de soupçons suffisants. 
 
2.3. En conséquence de cette violation, l'inscription du profil d'ADN du recourant dans la banque de données nationale sur les profils d'ADN (CODIS) doit être effacée; vu la survenance d'une correspondance entre le profil d'ADN du recourant et une trace d'ADN H2 retrouvée sur le lieu d'un incendie, une telle inscription a dû en effet être effectuée (cf. arrêt 1B_285/2020 du 22 avril 2021 consid. 5, non publié in ATF 147 I 372).  
Quant au profil d'ADN du recourant, il doit être détruit seulement en tant qu'il concerne l'infraction de dommages à la propriété dans le cadre de laquelle il a été recueilli à titre préventif. Il résulte de l'arrêt querellé que le profil d'ADN du recourant s'est dans l'intervalle révélé correspondre à un profil d'ADN H2 retrouvé sur les lieux d'un incendie intentionnel; or l'instruction de cette infraction a été jointe à la procédure concernant les dommages à la propriété (cf. cause connexe jugée dans l'arrêt 7B_262/2023 du 2 juillet 2024, let. A.c). Dans la mesure où cette preuve a été recueillie dans les circonstances décrites au considérant précédent, il appartiendra, le cas échéant, au juge du fond de déterminer à la lumière des art. 139 ss CPP si le profil d'ADN du recourant est exploitable dans le cadre de l'enquête portant sur l'incendie intentionnel.  
 
3.  
Au vu des motifs qui précèdent, le recourant ne dispose plus d'un intérêt juridique à voir tranché son grief de violation du droit d'être entendu dans le cadre de la présente procédure (cf. art. 81 al. 1 let. b LTF). 
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être partiellement admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué réformé dans le sens des considérants qui précèdent (cf. en particulier consid. 2.3 supra). La cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale (art. 67 et 68 al. 5 LTF). Pour le surplus, le recours doit être rejeté.  
Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supportera pas de frais (art. 66 al. 1 LTF) et a droit à des dépens à la charge de la République et canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu de mettre des frais judiciaires à la charge de cette dernière (art. 66 al. 1 et 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt du 6 juin 2023 de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève est réformé en ce sens, d'une part, que l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN du 14 mars 2022 du Ministère public de la République et canton de Genève est annulée en tant qu'elle concerne l'infraction de dommages à la propriété et, d'autre part, que l'inscription du profil d'ADN dans la banque de données nationale sur les profils d'ADN (CODIS) est effacée. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. Pour le surplus, le recours est rejeté. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée à A.________ à la charge de la République et canton de Genève. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 2 juillet 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
La Greffière : Schwab Eggs