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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_486/2023  
 
 
Arrêt du 26 avril 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, juge présidant, Hohl et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
République bolivarienne du Venezuela, 
représentée par Me Battista Ghiggia, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Mes Xavier Favre-Bulle et Hanno Wehland, avocats, 
 
intimée. 
 
Objet 
arbitrage international, 
 
recours contre la sentence rendue le 9 août 2023 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève (CPA n° 2015-30). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________ est une société de droit espagnol sise à U.________ ayant été constituée le 15 avril 2011 par un représentant de sa société mère américaine, C.________. Lors de la création de B.________, C.________ a effectué un apport en nature sous la forme d'un transfert des actions de D.________, une société commercialisant notamment des solutions à base de chlore, des produits de nettoyage et des désinfectants sur le territoire de la République bolivarienne du Venezuela (ci-après: le Venezuela). Depuis le 15 avril 2011, B.________ détient ainsi toutes les actions de D.________.  
 
A.b. Un régime de contrôle des prix existe depuis plus de 70 ans au Venezuela.  
Le 18 juillet 2011, le Venezuela a adopté la loi sur les coûts et les prix équitables ("Ley de Costos y Precios Justos"), laquelle est entrée en vigueur le 22 novembre 2011. 
En février 2012, l'autorité de contrôle des prix instituée par le Venezuela a édicté la décision no 053, entrée en vigueur le 1er avril 2012, laquelle fixait des prix maximaux pour divers produits commercialisés dans cet État. 
Le 23 janvier 2014, le président du Venezuela a promulgué la loi sur les prix équitables (" Ley Orgánica de Precios Justos ") et a autorisé le gouvernement à fixer les prix des produits et des services ainsi qu'à limiter les marges bénéficiaires. 
Début septembre 2014, l'autorité de contrôle des prix du Venezuela a adopté des décisions établissant de nouveaux prix maximaux. 
Le 22 septembre 2014, D.________ a cessé ses activités. 
Entre le 1er avril 2012 et le mois de septembre 2014, les prix des matières premières, locales ou importées, n'ont pas été régulés et ont augmenté avec l'inflation, raison pour laquelle les coûts de production de D.________ ont sensiblement augmenté. 
 
B.  
 
B.a. Le 18 mai 2015, B.________, se fondant sur la clause d'arbitrage insérée dans la Convention visant à l'encouragement et à la protection réciproques des investissements conclue le 2 novembre 1995 entre l'Espagne et le Venezuela ( Convenio entre el Gobierno del Reino de España y el Gobierno de la República Bolivariana de Venezuela para la Promoción y la Protección Recíproca de Inversiones "; ci-après: le TBI), a initié une procédure arbitrale dirigée contre le Venezuela en vue d'obtenir le paiement de dommages-intérêts pour cause de violation de diverses dispositions du TBI.  
Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué, conformément au Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), sous l'égide de la Cour permanente d'arbitrage (CPA), et son siège fixé à Genève. L'espagnol a été désigné comme langue de l'arbitrage. 
Par sentence du 20 mai 2019, le Tribunal arbitral s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande et a mis les frais de la procédure arbitrale à la charge de la demanderesse. En bref, il a estimé que la demanderesse, soit une société espagnole détenant une participation dans une entité vénézuélienne, n'était pas au bénéfice d'un investissement protégé par le TBI dès lors que ledit investissement avait été initialement effectué par une société sise dans un État tiers, non partie au TBI, avant d'être transféré à la demanderesse. 
Saisi d'un recours formé par la demanderesse, le Tribunal fédéral, statuant par arrêt du 25 mars 2020 (cause 4A_306/2019), l'a partiellement admis, a annulé la sentence du 20 mai 2019 et a renvoyé la cause au Tribunal arbitral pour nouvelle décision dans le sens des considérants. En substance, il a considéré que le TBI n'exigeait pas que l'investissement en cause ait été effectué par l'investisseur lui-même en échange d'une contre-prestation. Seule la détention par un investisseur d'une partie contractante d'actifs sur le territoire de l'autre partie contractante était décisive, raison pour laquelle le Tribunal arbitral ne pouvait pas se déclarer incompétent en faisant dépendre la protection d'un investissement conférée par le TBI du respect de conditions supplémentaires. La Cour de céans a renvoyé la cause au Tribunal arbitral afin qu'il se prononce sur l'existence d'un abus de droit et tranche d'éventuelles autres objections à sa compétence. 
 
B.b. Statuant par sentence du 17 juin 2021, le Tribunal arbitral a constaté que la seule objection pendante devant lui était celle ayant trait à l'éventuelle existence d'un abus de droit, a écarté ladite objection et s'est déclaré compétent pour connaître du fond du litige.  
Le 18 août 2021, la défenderesse a formé un recours en matière civile aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence du 17 juin 2021 et la constatation de l'incompétence du Tribunal arbitral pour trancher le litige divisant les parties. Statuant par arrêt du 20 mai 2022, le Tribunal fédéral a rejeté ledit recours (cause 4A_398/2021). En bref, il a estimé que la partie recourante avait échoué à établir que son adversaire aurait procédé à une restructuration de son investissement en vue d'un litige spécifique à un moment où la survenance de celui-ci était prévisible pour un investisseur raisonnable placé dans la même situation. 
 
B.c. Par sentence finale du 9 août 2023, le Tribunal arbitral, admettant partiellement la demande, a notamment condamné la défenderesse à payer à son adversaire un montant de 104'102'806 dollars américains (USD), intérêts en sus. Les motifs qui étayent cette décision seront examinés plus loin dans la mesure utile à la compréhension des critiques dont celle-ci est la cible.  
 
C.  
Le 14 septembre 2023, la partie défenderesse (ci-après: la recourante) a interjeté un recours au Tribunal fédéral aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence finale. 
Le 18 octobre 2023, la recourante s'est vu impartir un délai pour produire une traduction française légalisée ou authentifiée de la sentence attaquée, rédigée en espagnol. Ce document a été déposé en temps utile par l'intéressée. 
Par ordonnance du 26 janvier 2024, la recourante a été invitée à verser, dans les trente jours suivant la notification de ladite ordonnance, le montant de 250'000 fr. au greffe du Tribunal fédéral en garantie des dépens de B.________ (ci-après: l'intimée). Elle s'est exécutée en temps utile. 
Invitée à répondre au recours, l'intimée a conclu à son rejet. 
Le Tribunal arbitral n'a pas répondu au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque celle-ci n'a pas été rendue dans l'une des langues officielles de la Confédération suisse, il a pour pratique de conduire la procédure d'instruction et de rendre son arrêt dans la langue du recours. Lorsque le recours a été rédigé en anglais comme le permet l'art. 77 al. 2bis LTF, il détermine librement la langue de la procédure. A cet égard, il peut tenir compte, conformément au principe constitutionnel de célérité (art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse [Cst.; RS 101]), de l'équilibre de la charge de travail des sections linguistiques de la cour chargée de l'affaire (arrêts 4A_184/2022 du 8 mars 2023 consid. 1 non publié in ATF 149 III 277; 4A_300/2021 du 11 novembre 2021 consid. 1; 4A_382/2021 du 24 septembre 2021 consid. 1). Une fois la langue de la procédure arrêtée, celle-ci demeure en principe la même tout au long de la procédure. La partie recourante qui rédige son mémoire de recours en anglais et qui se plaint de ce que la procédure d'instruction est conduite dans une autre langue officielle que celle qu'elle aurait voulue ne peut en principe pas prétendre au changement de la langue de la procédure (ordonnance du 3 juin 2021 dans la cause 4A_300/2021; CARRUZZO/KISS, Les particularités du contrôle des sentences exercé par le Tribunal fédéral suisse en matière d'arbitrage international, in SJ 2023 p. 648). 
En l'occurrence, la sentence attaquée a été rendue en espagnol, tandis que le recours a été rédigé en anglais. La procédure d'instruction devant le Tribunal fédéral a été conduite en français. La Cour de céans rendra, par conséquent, son arrêt en français. 
 
2.  
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable aux conditions prévues aux art. 190 à 192 LDIP, conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF
En l'espèce, le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève. Les deux parties n'avaient pas leur siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP). 
 
3.  
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours ou des conclusions prises par la recourante, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose, dès lors, à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité, sous l'angle de leur motivation, des critiques formulées par l'intéressée. 
 
4.  
 
4.1. Le recours en matière d'arbitrage international ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs qui ont été invoqués et motivés conformément à l'art. 77 al. 3 LTF. Cette disposition institue le principe d'allégation ( Rügeprinzip) et consacre une obligation analogue à celle que prévoit l'art. 106 al. 2 LTF pour le grief tiré de la violation de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal (ATF 134 III 186 consid. 5). Les exigences de motivation du recours en matière d'arbitrage sont accrues. La partie recourante doit donc invoquer l'un des motifs de recours énoncés limitativement et montrer par une argumentation précise, en partant de la sentence attaquée, en quoi le motif invoqué justifie l'admission du recours (arrêts 4A_7/2019 du 21 mars 2019 consid. 2; 4A_378/2015 du 22 septembre 2015 consid. 3.1). Les critiques appellatoires sont irrecevables (arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.2). Comme la motivation doit être contenue dans l'acte de recours, la partie recourante ne saurait user du procédé consistant à prier le Tribunal fédéral de bien vouloir se référer aux allégués, preuves et offres de preuve contenus dans les écritures versées au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 2.2 et les références citées).  
 
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).  
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_140/2022 du 22 août 2022 consid. 4.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées). 
 
4.3. La recourante méconnaît ces principes lorsque, dans la rubrique de son mémoire intitulée "In fact", elle invite la Cour de céans à se référer aux écritures et pièces figurant au dossier de la procédure d'arbitrage et expose, sur plusieurs pages, une version de son propre cru des circonstances factuelles de la cause en litige, sans formellement soulever de grief à l'encontre de l'état de fait de la sentence attaquée. Aussi n'y a-t-il pas lieu de tenir compte de la version des faits proposée par l'intéressée.  
 
5.  
Dans un unique moyen, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, soutient que le Tribunal arbitral a rendu une sentence incompatible avec l'ordre public. 
 
5.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.3). On distingue un ordre public procédural et un ordre public matériel.  
 
5.1.1. Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.1). Qu'un motif retenu par un tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1). L'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public, visée à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, est une notion plus restrictive que celle d'arbitraire (ATF 144 III 120 consid. 5.1; arrêt 4A_318/2018 du 4 mars 2019 consid. 4.3.1). Pour qu'il y ait incompatibilité avec l'ordre public, il ne suffit pas que les preuves aient été mal appréciées, qu'une constatation de fait soit manifestement fausse ou encore qu'une règle de droit ait été clairement violée (arrêts 4A_116/2016 du 13 décembre 2016 consid. 4.1; 4A_304/2013 du 3 mars 2014 consid. 5.1.1; 4A_458/2009 du 10 juin 2010 consid. 4.1). L'annulation d'une sentence arbitrale internationale pour ce motif de recours est chose rarissime (ATF 132 III 389 consid. 2.1).  
Pour juger si la sentence est compatible avec l'ordre public matériel, le Tribunal fédéral ne revoit pas à sa guise l'appréciation juridique à laquelle le tribunal arbitral s'est livré sur la base des faits constatés dans sa sentence. Seul importe, en effet, pour la décision à rendre sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, le point de savoir si le résultat de cette appréciation juridique faite souverainement par le tribunal arbitral est compatible ou non avec la définition jurisprudentielle de l'ordre public matériel (arrêt 4A_157/2017 du 14 décembre 2017 consid. 3.3.3). 
 
5.1.2. Il y a violation de l'ordre public procédural lorsque des principes de procédure fondamentaux et généralement reconnus ont été violés, conduisant à une contradiction insupportable avec le sentiment de la justice, de telle sorte que la décision apparaît incompatible avec les valeurs reconnues dans un État de droit (ATF 141 III 229 consid. 3.2.1; 140 III 278 consid. 3.1; 136 III 345 consid. 2.1).  
 
5.2. En l'occurrence, le Tribunal arbitral a considéré que la recourante avait enfreint l'art. V du TBI en expropriant l'investissement de l'intimée sans lui verser de compensation adéquate et effective. A cet égard, il a notamment retenu que l'État concerné, en fixant des prix maximaux pour diverses marchandises, avait contraint D.________ à vendre au moins 70 % de ses produits à des montants inférieurs à ses coûts de production, à partir du 1er avril 2012, ce qui avait généré des pertes substantielles ayant rendu ladite entreprise non viable. Il a aussi souligné que la dévaluation de la monnaie de l'État concerné en février 2013, la pénurie de devises étrangères et la réglementation édictée par celui-ci en matière d'échange de devises avaient limité la capacité de D.________ à importer les produits nécessaires à la confection de ses propres marchandises. L'État défendeur avait en outre empêché sans droit D.________ de récupérer, pendant plus de deux ans, des crédits d'impôt sur la taxe sur la valeur ajoutée, aggravant ainsi sa situation économique. Sur la base de ces éléments, le Tribunal arbitral a considéré que la demanderesse avait subi une perte progressive de contrôle et de valeur sur son investissement en raison des mesures adoptées par l'État défendeur, raison pour laquelle elle avait été victime d'une forme d'expropriation indirecte.  
 
5.3. Dans son mémoire de recours, l'intéressée reproche au Tribunal arbitral d'avoir abouti à une solution infondée, arbitraire et contredite par les faits constatés. Pour étayer pareille affirmation péremptoire, elle se contente toutefois de formuler des critiques appellatoires à l'encontre de la sentence entreprise, en présentant sa propre version des faits et en substituant son appréciation personnelle de divers moyens de preuve à celle du Tribunal arbitral. Elle soutient notamment que, contrairement à ce qu'ont retenu les arbitres, la perte de contrôle de l'intimée sur son investissement n'est pas établie. En argumentant de la sorte, elle confond à l'évidence le Tribunal fédéral avec une juridiction d'appel qui pourrait revoir librement les tenants et aboutissants de l'affaire et ne cherche, en vain, qu'à refaire le procès devant la Cour de céans sans se croire liée, de surcroît, par les faits retenus dans la sentence entreprise. La recourante essaie en outre d'entraîner le Tribunal fédéral sur le terrain de l'application du droit matériel et de l'inciter indirectement à se prononcer sur la motivation juridique retenue par les arbitres, ce qui n'est pas admissible. La recevabilité du moyen pris de la contrariété à l'ordre public matériel apparaît ainsi des plus douteuses.  
Quoi qu'il en soit, le grief invoqué ne saurait prospérer. La recourante se limite, en effet, à affirmer que la décision attaquée contrevient au droit applicable, à s'en prendre à la motivation des arbitres, à remettre en cause certaines constatations de fait et à critiquer l'appréciation des preuves. Ce faisant, elle échoue manifestement à établir que le résultat auquel a abouti le Tribunal arbitral serait incompatible avec l'ordre public matériel, ce qui seul importe ici. Pour le reste, la Cour de céans se bornera, sur ce point, à renvoyer l'intéressée aux explications convaincantes fournies par l'intimée dans sa réponse - non contredites par son adversaire -, qu'elle fait siennes. 
 
6.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). L'indemnité allouée à cette partie sera prélevée sur les sûretés fournies par la recourante. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 200'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 250'000 fr. à titre de dépens. Cette indemnité sera prélevée sur les sûretés déposées à la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal arbitral avec siège à Genève. 
 
 
Lausanne, le 26 avril 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo