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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_189/2022  
 
 
Arrêt du 22 mai 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl, Kiss, Rüedi et May Canellas. 
Greffière : Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
A.________ AG, 
représentée par Me Joachim Lerf, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me David Ecoffey, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
bail à loyer de durée déterminée; résiliation par la locataire en raison de défauts; procédure applicable; clause pénale, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 11 mars 2022 par la 
IIe Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg (102 2021 184). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 9 juin 2011, B.________ SA (ci-après: la bailleresse) et A.________ SA (désormais A.________ AG; ci-après: la locataire) ont conclu un bail à loyer portant sur un local commercial situé au 1er étage du centre commercial "C.________" à Villars-sur-Glâne. La surface de vente louée totalisait 448,40 m2. S'y ajoutaient deux surfaces de rangement de 62,40 m2 chacune. A compter du 1er octobre 2013, le loyer net de la surface de vente équivalait à 7% du chiffre d'affaires de la locataire, mais au moins à 10'463 fr. par mois. La durée du bail était déterminée et s'étendait du 15 septembre 2011 au 30 septembre 2021.  
Le contrat était assorti d'une clause pénale prévoyant le paiement d'une peine conventionnelle de 500 fr. par jour en cas de violation de l'obligation d'exploitation assumée par la locataire, en particulier en cas de non-respect des heures d'ouverture du centre commercial. 
 
A.b. Par courrier du 16 août 2017, la locataire s'est plainte auprès de la bailleresse de défauts affectant la chose louée: un certain nombre d'autres locataires ne respectaient pas les horaires du centre et plusieurs locaux commerciaux étaient restés vacants depuis longtemps, si bien que la fréquentation du centre commercial en avait pâti significativement. Elle a réclamé une réduction de loyer rétroactive de 25% dès le 1er septembre 2016 et a mis la bailleresse en demeure de remédier à ces défauts avant le 1er octobre 2017, respectivement avant le 1er novembre 2017, faute de quoi elle résilierait le contrat avec effet immédiat.  
Par lettre du 18 septembre 2017, la bailleresse a contesté qu'il existât des défauts. Tout en concédant que certains locataires ne respectaient pas les heures d'ouverture du centre commercial et en soulignant qu'elle les avait déjà rappelés à l'ordre plusieurs fois par le passé, elle a fait savoir à la locataire qu'elle avait entrepris des démarches afin de rendre le centre commercial plus attractif. 
Par courrier du 27 octobre 2017, la locataire a fixé un ultime délai à la bailleresse pour remédier aux défauts déjà annoncés, faute de quoi elle résilierait le bail avec effet immédiat. 
La bailleresse a campé sur ses positions. 
 
A.c. Le 1er décembre 2017, la locataire a signifié à la bailleresse la résiliation extraordinaire du bail pour le 30 avril 2018, en la motivant par les défauts de la chose louée que constituaient les locaux vacants du centre commercial ainsi que le non-respect des horaires d'ouverture par d'autres locataires.  
Elle a cessé d'exploiter son commerce le 1er septembre 2018, s'est acquittée des loyers jusqu'au 30 septembre 2018 et a quitté les locaux à cette date. La remise des clés est intervenue par courrier recommandé du 4 octobre 2018, après que la bailleresse avait refusé de libérer la locataire et d'organiser un état des lieux de sortie. 
 
B.  
 
B.a. Le 3 janvier 2018, la bailleresse a saisi la Commission de conciliation en matière de bail à loyer puis, le 18 mai 2018, devant l'échec de cette procédure, elle a porté la demande devant le Tribunal des baux de l'arrondissement de la Sarine, concluant à la constatation de la nullité - respectivement de l'inefficacité - de la résiliation extraordinaire, subsidiairement à son annulation et, en tout état de cause, à ce qu'il soit constaté que le bail était valable jusqu'au 30 septembre 2021.  
Dans sa réplique du 27 septembre 2018, la bailleresse a introduit deux nouveaux chefs de conclusions, tendant, d'une part, à ce que la locataire soit condamnée au paiement d'une peine conventionnelle de 500 fr. par jour du 1er septembre 2018 au 30 septembre 2021 au plus tard pour non-respect de l'obligation d'exploitation prévue contractuellement et, d'autre part, au versement d'éventuels dommages et intérêts résultant de son départ anticipé. 
Dans sa duplique du 28 novembre 2018, la locataire a conclu au rejet des deux nouvelles conclusions prises par la bailleresse, dans la mesure de leur recevabilité. 
 
B.b. Par arrêt du 13 septembre 2021, le Tribunal des baux a partiellement admis la demande. Les premiers juges ont constaté la nullité de la résiliation et, partant, la fin au 30 septembre 2021 du bail à durée déterminée; ils ont condamné la locataire à verser à la bailleresse une peine conventionnelle de 500 fr. par jour du 1er septembre 2018 au 30 septembre 2021; toute autre ou plus ample conclusion a été rejetée.  
 
B.c. Par arrêt du 11 mars 2022, la IIe Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a rejeté l'appel formé par la locataire. La teneur essentielle des considérants sera retranscrite en tant que besoin dans la partie en droit du présent arrêt, en rapport avec les griefs soulevés dans le recours.  
 
C.  
La locataire forme un recours en matière civile, concluant principalement à l'irrecevabilité de la demande déposée le 18 mai 2018 et complétée le 27 septembre 2018, subsidiairement à son rejet dans la mesure de sa recevabilité, respectivement au caractère irrecevable de la conclusion en paiement d'une peine conventionnelle. 
La bailleresse a conclu au rejet du recours. 
La locataire a spontanément répliqué, suscitant le dépôt d'une duplique de son adverse partie. 
Pour sa part, la cour cantonale a renoncé à formuler des observations sur le fond du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment en ce qui a trait au respect du délai (art. 46 al. 1 let. a et art. 100 al. 1 LTF) et à la valeur litigieuse minimale (art. 74 al. 1 let. a LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1; 136 II 304 consid. 2.4).  
Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traitera toutefois que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2). Dès lors qu'une question est discutée, il n'est lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 137 II 313 consid. 1.4; 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité). 
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 139 I 229 consid. 2.2). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 I 310 consid. 2.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
 
3.  
 
3.1. Les parties ont conclu un bail commercial de durée déterminée - du 15 septembre 2011 au 30 septembre 2021 - que la locataire a résilié prématurément le 1er décembre 2017 pour le 30 avril 2018 en invoquant les défauts de la chose louée (art. 259b let. a CO).  
Dans les 30 jours suivant la notification de ce congé extraordinaire, la bailleresse (demanderesse) a ouvert action contre la locataire (défenderesse), concluant principalement à la constatation de la nullité ou de l'inefficacité de la résiliation, subsidiairement à l'annulation de celle-ci. 
La locataire a cessé l'exploitation de son commerce le 1er septembre 2018 et payé le loyer jusqu'au 30 septembre 2018, date à laquelle elle a libéré définitivement les locaux. 
Dans sa réplique du 27 septembre 2018, la demanderesse a formulé des conclusions en paiement de la peine conventionnelle de 500 fr. par jour à partir du 1er septembre 2018 jusqu'au 30 septembre 2021 au plus tard et, éventuellement, de dommages-intérêts. 
Le procès a été conduit en première instance selon les règles de la procédure ordinaire, dominée par le principe de disposition et la maxime des débats. 
 
3.2. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 243 al. 2 let. c CPC en appliquant les règles de la procédure ordinaire au litige né de la résiliation du bail de durée déterminée par la locataire pour défauts de la chose louée (art. 259b let. a CO).  
 
3.2.1. L'art. 243 CPC délimite le champ d'application de la procédure simplifiée. Sont concernées les affaires patrimoniales dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 30'000 fr. (al. 1) et certaines contestations indépendamment de leur valeur litigieuse (al. 2), dont celles portant sur des baux à loyer ou à ferme d'habitations et de locaux commerciaux et sur des baux à ferme agricoles en ce qui concerne la consignation du loyer ou du fermage, la protection contre les loyers ou les fermages abusifs, la protection contre les congés ou la prolongation du bail à loyer ou à ferme (let. c).  
Le Tribunal fédéral s'est prononcé à de nombreuses reprises sur la portée de l'art. 243 al. 2 let. c CPC. Dans l'arrêt le plus récent (ATF 149 III 469 consid. 2), il a rappelé - et confirmé - la jurisprudence selon laquelle la notion de "protection contre les congés" figurant dans la disposition précitée (et à l'art. 210 al. 1 let. b CPC) doit être comprise dans une acception large eu égard au but visé de protection du locataire, lequel doit bénéficier de la procédure simplifiée - moins formelle et plus rapide (art. 244 ss CPC) - et d'une plus forte implication du juge par le biais de la maxime inquisitoire simple sans égard à la valeur litigieuse (art. 247 al. 2 let. a CPC) (consid. 2.2 et les arrêts cités; consid. 2.5). Selon cette jurisprudence, un litige relève de la "protection contre les congés" dès que le tribunal est amené à se prononcer sur la fin du bail, que ce soit, par exemple, en raison d'un congé ordinaire ou extraordinaire ou en raison de l'inexistence d'un rapport contractuel ou de l'expiration d'un contrat de bail de durée déterminée; peu importe que le juge ait été saisi par le locataire de conclusions en inefficacité, invalidité, nullité ou annulation à titre principal et/ou subsidiaire, respectivement en prolongation du bail, ou qu'il l'ait été par le bailleur de conclusions principales ou reconventionnelles en expulsion ou en constatation de la fin du bail (ATF 142 III 690 consid. 3.1). Dans cette logique, même un litige sur l'annotation d'un bail au registre foncier prévue à l'art. 261b CO peut être soumis à la procédure simplifiée, dès lors que cette institution tend à protéger le locataire contre un congé émanant d'un futur propriétaire (ATF 148 III 415 consid. 3.3 et 3.4). 
Dans l'ATF 149 III 469, le Tribunal fédéral précise la notion de litige sur la fin du bail soumis à la procédure simplifiée. Confronté à un cas où une bailleresse faisait valoir des prétentions pécuniaires envers une locataire ayant quitté les lieux bien avant l'introduction de l'action, il relève qu'il ne suffit pas que le tribunal doive trancher préalablement au fond la question de savoir quand et sous quelle forme le bail a pris fin pour que la procédure simplifiée trouve à s'appliquer (consid. 2.6). En effet, lorsque le juge doit statuer exclusivement sur des prétentions pécuniaires résultant d'un bail déjà terminé, il ne s'agit pas de déterminer si et jusqu'à quand le locataire peut demeurer dans les locaux, de sorte que le litige ne relève pas de la protection du locataire contre les congés ou de la prolongation du bail au sens de l'art. 243 al. 2 let. c CPC. Au surplus, il manque en règle générale tant le rapport inégal entre les parties, typique dans le domaine de la protection contre les congés, que l'urgence à statuer, éléments qui justifient l'application à une cause, indépendamment de sa valeur litigieuse, de la procédure simplifiée, soit d'une procédure rapide et accessible aux laïcs (même arrêt consid. 2.5). En conclusion, la procédure simplifiée ne s'applique pas, sans égard à la valeur litigieuse comme l'art. 243 al. 2 let. c CPC le prévoit, aux demandes par lesquelles des prétentions pécuniaires sont élevées après la fin du bail et en dehors d'une procédure en consignation des loyers et fermages, en protection contre les loyers et fermages abusifs, en annulation du congé ou en prolongation du bail (même arrêt consid. 2.6). 
 
3.2.2. Le même raisonnement prévaut lorsque le litige survient à la suite d'une résiliation notifiée par le locataire lui-même, que le bail soit de durée indéterminée ou déterminée. Dans ces cas-là, il ne s'agit pas pour le locataire d'obtenir une protection contre le congé. En effet, le juge ne doit pas déterminer si et jusqu'à quand le locataire peut demeurer dans les locaux, mais statue exclusivement sur les prétentions pécuniaires découlant de la résiliation; la question de savoir si et comment le bail a pris fin ne se pose alors qu'à titre préjudiciel. L'extension jurisprudentielle de la notion de "protection contre les congés" à la fin du bail est justifiée, rappelons-le, par le but de la norme: le locataire mérite une protection procédurale non pas uniquement dans les litiges relatifs à l'annulation du congé ou à la prolongation du bail envisagés aux art. 271 à 272d CO, mais, plus globalement, dans tous ceux qui l'exposent au risque de devoir quitter les locaux loués contre son gré dans un avenir proche ou plus lointain. Or, lorsque le congé émane du locataire lui-même, ce risque n'existe pas. Le locataire qui met un terme au contrat de son propre chef et cesse d'occuper les locaux n'a pas besoin d'être protégé contre la fin du bail. Si un litige naît à la suite de la résiliation, le preneur n'a dès lors pas à bénéficier de la procédure simplifiée comme l'art. 243 al. 2 let. c CPC le prévoit.  
 
3.3. En l'espèce, la locataire a résilié le bail à durée déterminée avec effet au 30 avril 2018, en invoquant les défauts de la chose louée (art. 259b let. a CO). Elle a cessé l'exploitation du commerce le 1er septembre 2018 et définitivement quitté les lieux au 30 septembre 2018, s'acquittant du loyer jusqu'à cette date. Seules sont donc litigieuses les conséquences financières de la résiliation anticipée en tant qu'elles concernent la période jusqu'à l'échéance du 30 septembre 2021, ce qui suppose d'examiner à titre préjudiciel la question du bien-fondé de la résiliation pour défauts de la chose louée.  
La valeur litigieuse dépassant largement 30'000 fr. (cf. art. 243 al. 1 CPC), c'est à raison que le procès a été conduit en première instance selon les règles de la procédure ordinaire, comme la cour cantonale l'avait confirmé. Le grief tiré d'une violation de l'art. 243 al. 2 let. c CPC doit être d'emblée écarté. 
 
3.4. La recourante reproche également à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 227 al. 1 CPC en entrant en matière sur la conclusion en paiement formulée par la demanderesse dans la réplique.  
Le fait que la bailleresse a ouvert initialement une action tendant à la constatation de la nullité ou de l'inefficacité de la résiliation, voire à son annulation, avant de formuler dans la réplique des conclusions condamnatoires en paiement de la peine conventionnelle due en cas de non-respect de l'obligation d'exploiter, voire en dommages-intérêts, ne change rien à l'affaire. 
En effet, en saisissant la commission de conciliation, puis le juge, la bailleresse a, dans un premier temps, cherché à éviter que la locataire ne mette le congé extraordinaire à exécution; informée par la suite de la cessation d'exploitation du commerce, qui serait suivie peu après du départ des locaux et de la fin du paiement des loyers, elle était en droit d'adapter ses conclusions dans la réplique, afin de tenir compte du changement de circonstances intervenu depuis le dépôt de la demande en raison du comportement de la locataire. Quoi qu'en pense la recourante, il n'y a pas là une modification de la demande au sens de l'art. 227 al. 1 CPC. Au demeurant, à ce stade, le type de procédure - ordinaire ou simplifiée - n'était pas encore susceptible d'avoir eu des effets irrémédiables sur la suite du procès, liés à l'application de la maxime des débats au lieu de la maxime inquisitoire sociale. 
La défenderesse ayant quitté les lieux de manière manifestement définitive, la demanderesse avait perdu désormais tout intérêt à ce que le juge statuât spécialement sur ses conclusions constatatoires ou en annulation du congé. C'est le lieu de rappeler que la recevabilité de l'action suppose un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC). Ainsi, lorsqu'elle dispose d'une action condamnatoire, la partie demanderesse n'a, sauf circonstances exceptionnelles, pas d'intérêt au constat de son droit, de sorte qu'une action en constatation de droit (art. 88 CPC), subsidiaire, n'est pas recevable (ATF 135 III 378 consid. 2.2; 123 III 49 consid. 1a; cf. également ATF 141 II 113 consid. 1.7). En l'occurrence, les conclusions en constatation de la nullité ou de l'inefficacité du congé sont devenues irrecevables dès l'instant où la bailleresse a formulé des conclusions condamnatoires; la demanderesse n'avait non plus aucun intérêt à ce qu'il soit entré en matière sur ses conclusions subsidiaires en annulation du congé. 
Il s'ensuit que l'objet du litige était délimité exclusivement par les conclusions en paiement de la bailleresse, la validité de la résiliation extraordinaire n'étant qu'une question préjudicielle pour le sort des prétentions pécuniaires réclamées, à trancher préalablement dans les motifs du jugement. 
 
4.  
 
4.1. La recourante se plaint en outre d'une violation de l'art. 84 al. 2 CPC. A son sens, la conclusion en paiement de la peine conventionnelle introduite dans la réplique était également irrecevable au motif qu'elle n'était pas chiffrée et, partant, pas suffisamment établie.  
 
4.2. Dès lors qu'elles délimitent la prétention réclamée en justice, les conclusions doivent être formulées de manière suffisamment précise pour pouvoir être reprises telles quelles dans le dispositif de la décision à rendre. En cas d'action condamnatoire tendant au paiement d'une somme d'argent, elles doivent être chiffrées (art. 84 al. 2 CPC), sous réserve de l'application de l'art. 85 CPC. Cette exigence - découlant du principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC) - sert notamment à déterminer la compétence matérielle, la procédure applicable, l'avance de frais. Elle est également nécessaire au respect du droit d'être entendu de la partie adverse, qui doit pouvoir déterminer contre quoi elle doit se défendre (ATF 148 III 322 consid. 3.2; 142 III 102 consid. 5.3.1 et les références).  
Le 27 septembre 2018, la bailleresse a conclu au paiement d'une peine conventionnelle de 500 fr. par jour à partir du 1er septembre 2018 jusqu'au 30 septembre 2021 au plus tard, soit au maximum entre la fin de l'exploitation du commerce et le terme du bail à durée déterminée. On ne voit pas en quoi la demanderesse n'aurait pas respecté son obligation de chiffrer ses conclusions. Elle a indiqué clairement sa prétention et la manière de la calculer, soit 500 fr. par jour tant que la locataire ne respectait pas l'obligation contractuelle d'exploiter. Du reste, lorsqu'il s'est agi de fixer la valeur litigieuse (cf. art. 92 CPC), le tribunal de première instance a aisément calculé la valeur maximale de la prétention en capital de la demanderesse (500 fr. x 1'125 jours = 562'500 fr.). 
Le grief tiré d'une violation de l'art. 84 al. 2 CPC ne peut être que rejeté. 
 
5.  
La recourante reproche également à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 259b let. a CO en niant le bien-fondé de la résiliation extraordinaire fondée sur les défauts de la chose louée. 
 
5.1. Lorsque le bailleur a connaissance d'un défaut et qu'il n'y a pas remédié dans un délai convenable, le locataire peut résilier le contrat avec effet immédiat si le défaut exclut ou entrave considérablement l'usage pour lequel un immeuble a été loué (art. 259b let. a CO).  
La locataire s'est prévalue de deux défauts pour justifier la fin prématurée du bail. Le premier était lié au fait que plusieurs surfaces du centre commercial en question n'étaient pas (plus) louées ni exploitées; le second résidait dans le non-respect des horaires d'ouverture par plusieurs commerçants. 
Selon le jugement de première instance dont les considérants sont repris dans l'arrêt attaqué, la locataire n'a ni allégué, ni a fortiori prouvé que la bailleresse s'était engagée à ce que les locaux du centre, et spécialement ceux situés au même étage que le commerce de la recourante, fussent toujours occupés et exploités; la vacance de deux locaux voisins de ceux loués par la recourante ne constituait dès lors pas un défaut, soit l'absence d'une qualité promise. Au demeurant, la locataire n'avait ni allégué ni a fortiori prouvé que l'inoccupation de ces surfaces invoquée comme défaut atteignait le degré de gravité suffisant pour justifier une résiliation extraordinaire, faute notamment d'avoir allégué et a fortiori prouvé un lien avec une baisse substantielle de son chiffre d'affaires, qui n'était même pas alléguée. 
En revanche, les juges fribourgeois ont retenu que l'intimée avait promis à la recourante que tous les locataires respecteraient les mêmes heures d'ouverture; les locaux loués étaient donc bien affectés d'un défaut en raison du non-respect des horaires du centre par certains commerçants. Cela étant, ce défaut n'avait pas un degré de gravité suffisant pour fonder une résiliation avec effet immédiat. A cet égard, il a été constaté notamment que les locataires qui ne respectaient pas les horaires d'ouverture étaient de petits commerces spécialisés qui n'influençaient pas fondamentalement la fréquentation du centre; les grandes enseignes qui drainaient beaucoup de clientèle (D.________, E.________ et F.________) avaient quant à elles toujours respecté ces horaires. Au surplus, comme pour le premier défaut invoqué, la locataire n'avait ni allégué ni a fortiori prouvé que le non-respect des horaires imposés par plusieurs commerces du centre avait provoqué une diminution substantielle de son chiffre d'affaires. 
La cour cantonale a constaté que le jugement de première instance reposait sur plusieurs motivations dont chacune suffisait à sceller le sort de la cause. Or, la locataire, dans son appel, n'avait pas remis en cause, même succinctement, toutes ces motivations alternatives et indépendantes; en particulier, elle n'avait pas critiqué de façon reconnaissable les motifs ayant conduit les premiers juges à considérer qu'elle n'avait pas démontré que les défauts allégués présentaient un degré de gravité suffisant pour fonder une résiliation au sens de l'art. 259b let. a CO, en particulier sous l'angle d'une baisse hypothétique de son chiffre d'affaires. L'autorité précédente en a conclu que l'appel ne respectait pas sur ces points les exigences de motivation déduites de l'art. 311 al. 1 CPC, de sorte qu'il était irrecevable dans cette mesure. 
 
5.2. Devant la cour de céans, la recourante articule son argumentation tirée d'une prétendue violation de l'art. 259b let. a CO sous trois chapitres: "les heures d'ouverture", "les surfaces vides", "la revitalisation promise".  
Sur ce dernier point, le grief est d'emblée irrecevable, l'état de fait déterminant ne comportant aucune promesse de revitalisation du centre de la part de l'intimée envers la recourante (cf. consid. 2.2 supra). En application de l'art. 229 al. 1 CPC, le Tribunal des baux avait déclaré tardif l'allégué de la locataire au sujet d'investissements substantiels dans la revitalisation du centre commercial qui lui auraient été promis par la bailleresse. La cour cantonale a confirmé l'irrecevabilité de cet allégué; elle a observé au surplus que la locataire n'avait de toute manière pas démontré la gravité de cette prétendue promesse non-tenue, qu'elle n'avait d'ailleurs même pas invoquée comme motif à l'appui de la résiliation litigieuse. 
Au sujet du respect des heures d'ouverture par les autres commerçants du centre, la recourante renvoie au jugement de première instance, selon lequel il s'agissait d'une qualité promise par la bailleresse. Comme devant l'autorité d'appel, elle n'explique aucunement en quoi l'absence de cette qualité promise constituerait, dans le cas particulier, un défaut grave justifiant une résiliation extraordinaire du bail. 
En ce qui concerne les surfaces restées inoccupées, la recourante se borne à affirmer avoir, dans son appel, critiqué le raisonnement des premiers juges de manière détaillée. L'irrecevabilité de son appel pour manque de motivation au sens de l'art. 311 al. 1 CPC serait ainsi pour le moins incompréhensible. La locataire s'en tient pour le surplus à des considérations toutes générales sur le profit réciproque que représentent les clients de chaque enseigne pour tout commerçant d'un centre commercial. Là aussi, la critique de la recourante ne répond manifestement pas aux exigences de motivation posées par l'art. 42 al. 2 LTF
Il s'ensuit que le grief tiré d'une violation tant de l'art. 259b CO que de l'art. 311 CPC est irrecevable. 
 
6.  
Dans l'ultime partie de son recours, la locataire se plaint d'une violation des art. 160 ss CO en relation avec l'art. 2 al. 2 CC
Premièrement, la bailleresse agirait de manière contradictoire et, partant, commettrait un abus de droit en prétendant à la peine conventionnelle prévue pour non-respect de l'obligation d'exploiter alors que, malgré les plaintes réitérées de la locataire, elle n'aurait rien entrepris pendant de nombreuses années envers les autres locataires du centre commercial pour faire respecter les heures d'ouverture et, en particulier, n'aurait jamais exigé d'eux le paiement de la peine conventionnelle. 
En second lieu, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 163 al. 3 CO relatif à la réduction des peines conventionnelles excessives en refusant d'examiner l'incidence de la différence d'environ 75'000 fr. - pourtant mise en évidence dans l'appel - entre la valeur litigieuse rapportée aux loyers et celle liée à la peine réclamée, telles que calculées par le Tribunal des baux. 
 
6.1. A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Ce principe permet de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. L'existence d'un abus de droit se détermine selon l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. L'emploi dans le texte légal du qualificatif "manifeste" démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (ATF 143 III 279 consid. 3.1 et les arrêts cités). Ce dernier cas ( venire contra factum proprium) se rencontre lorsque l'exercice d'un droit a pour effet de décevoir des attentes légitimes suscitées par un comportement antérieur (ATF 143 III 666 consid. 4.2 et les arrêts cités).  
La clause pénale au sens des art. 160 ss CO prévoit le versement d'une peine dite conventionnelle en cas d'inexécution ou d'exécution imparfaite d'une obligation déterminée (obligation principale). Elle sert à assurer la bonne exécution des obligations contractuelles. La peine conventionnelle est due même si le créancier n'a subi aucun dommage (art. 161 al. 1 CO). Outre sa fonction essentielle d'indemnisation, elle a donc un effet répressif; elle a également un effet préventif, constituant une incitation supplémentaire pour le débiteur à se conformer au contrat (cf. ATF 144 III 327 consid. 5.2.1 et les références citées). 
En l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que le bail comprenait une clause pénale garantissant l'exécution par la locataire de l'obligation d'exploitation selon des horaires déterminés. La recourante a cessé définitivement d'exploiter son commerce à partir du 1er septembre 2018, alors même que le congé extraordinaire qu'elle avait notifié s'est révélé injustifié, la restitution des locaux devant être considérée comme une restitution anticipée au sens de l'art. 264 CO (PETER HIGI, Zürcher Kommentar, 4e éd. 1994, n° 42 ad art. 259b CO). La locataire répond dès lors de l'inexécution totale de son obligation d'exploitation selon l'horaire convenu depuis le 1er septembre 2018 jusqu'à l'échéance du bail à durée déterminée, le 30 septembre 2021. Comme la cour cantonale l'a jugé à bon droit, la bailleresse pouvait prétendre au versement de la peine conventionnelle. 
L'exercice de ce droit n'est manifestement pas abusif. Sur le principe, une éventuelle attitude contradictoire ne s'apprécie qu'en rapport avec des comportements adoptés envers la même personne juridique. Quand bien même les contrats des autres locataires du centre commercial contiendraient une obligation d'exploitation selon un horaire défini, assortie d'une peine conventionnelle, le fait, pour la bailleresse, d'agir exclusivement contre la recourante ne saurait constituer un abus de droit. La locataire, qui a gravement violé son obligation en cessant toute exploitation des locaux commerciaux pendant 37 mois, ne peut tirer aucun bénéfice du fait que la bailleresse n'aurait réclamé aucune peine conventionnelle aux locataires qui ne respectaient pas les heures d'ouverture du centre commercial. 
Le grief tiré d'une violation de l'art. 160 CO en lien avec l'art. 2 al. 2 CC est mal fondé. 
 
6.2. Les parties fixent librement le montant de la peine (art. 163 al. 1 CO). L'art. 163 al. 3 CO prévoit toutefois que le juge doit réduire les peines qu'il estime excessives. Il s'agit d'une norme d'ordre public - destinée à protéger la partie faible contre les abus de l'autre partie - et donc impérative, de sorte que les parties ne peuvent y renoncer. La réduction d'une peine conventionnelle est un cas d'application du principe général de l'interdiction de l'abus de droit (ATF 143 III 1 consid. 4.1 et les arrêts cités). L'intervention du juge dans le contrat ne se justifie que si le montant de la peine fixé est si élevé qu'il dépasse toute mesure raisonnable, au point de ne plus être compatible avec le droit et l'équité (ATF 133 III 43 consid. 3.3.1, 201 consid. 5.2).  
Si le débiteur n'a pas à prendre de conclusions spécifiques en réduction lorsqu'il conclut au rejet total de la peine, il lui appartient d'alléguer et d'établir les faits qui justifient une réduction. Le débiteur supporte ainsi le fardeau de l'allégation objectif ( objektive Behauptungslast) et le fardeau de la preuve ( objektive Beweislast; art. 8 CC) des conditions de la réduction, en ce sens qu'il supporte les conséquences de l'absence d'allégation de ces conditions, respectivement celles de l'absence de preuve de celles-ci. La nature de l'art. 163 al. 3 CO commande de ne pas se montrer trop formaliste dans l'examen des exigences d'allégation pesant sur le débiteur. Il suffit qu'il résulte de ses écritures qu'il conteste la peine conventionnelle en considérant que son montant est trop élevé (ATF 143 III 1 consid. 4.1 et les arrêts cités).  
Sur cette question, la cour cantonale a fait sien le raisonnement suivi dans le jugement de première instance, dont elle a repris textuellement les considérants dans l'arrêt attaqué. Le Tribunal des baux n'a pas examiné si la peine de 500 fr. par jour d'inexécution était excessive, faute pour la locataire d'avoir allégué ou prouvé de (s) fait (s) qui aurai (en) t pu justifier une réduction de la peine conventionnelle, ni même d'avoir prétendu que le montant de la peine convenue était trop élevé. Il a relevé par ailleurs que le bail avait été conclu entre des parties économiquement égales et expérimentées en affaires qui ont pu librement négocier, de sorte qu'aucune d'entre elles ne méritait une protection particulière à cet égard. 
Devant la cour de céans, la recourante ne prétend pas avoir manifesté en première instance, en particulier dans ses écritures, une volonté de contester l'ampleur de la peine conventionnelle, soit d'avoir satisfait à son devoir d'allégation minimale. Sa critique se limite à signaler avoir attiré l'attention de l'autorité d'appel sur la différence importante entre le montant réclamé à titre de peine conventionnelle et le loyer qui aurait été perçu durant la même période, ce qui signerait le caractère excessif de la peine. La cour cantonale n'avait pas à se prononcer sur une question que les juges précédents n'avaient à juste titre pas abordée. Au demeurant, la peine litigieuse de 500 fr. par jour, rapportée au mois, correspond au loyer mensuel brut augmenté d'environ 10%, ce qui n'est à l'évidence pas excessif au sens de l'art. 163 al. 3 CO
En tant que recevable, le grief tiré de la violation de l'art. 163 al. 3 CO ne peut être qu'écarté. 
 
7.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
La recourante prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera calculé selon la valeur litigieuse déterminée par les conclusions en paiement de la recourante (cf. art. 51 al. 1 let. a LTF). Par ailleurs, elle versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la II e Cour d'appel civile du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg.  
 
 
Lausanne, le 22 mai 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Godat Zimmermann