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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_775/2023  
 
 
Arrêt du 24 juin 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, en liquidation, représentée par Mes Nicole Fragnière Meyer et Alexandre Steiner, Avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions, Eigerstrasse 65, 3003 Berne, 
intimée. 
 
Objet 
Taxe sur la valeur ajoutée, périodes fiscales 2013-2017, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 6 novembre 2023 (A-534/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ SA, en liquidation (depuis sa dissolution le 25 juin 2020; ci-après: la société, l'assujettie ou la contribuable), est une société anonyme sise dans le canton de Genève. La société a pour but toutes activités d'acquisition, de détention, de financement, d'exploitation, de location et de leasing d'aéronefs. Elle est détenue par la société B.________ à U.________, laquelle appartient à la famille C.________.  
Elle est immatriculée au registre des contribuables de l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'AFC) avec effet au 1er janvier 2012. 
 
A.b. Au printemps 2012, la société a acquis un aéronef qui lui a été livré la même année.  
Le 24 février 2012, un contrat intitulé "Aircraft Management and Charter Agreement" a été conclu entre la contribuable et la société D.________ SA (ci-après : D.________ SA), sise à Genève. Selon ce contrat, l'assujettie confiait à la société D.________ SA le droit exclusif de gérer l'aéronef et de l'exploiter auprès de tiers. Tous les vols réalisés au moyen de l'aéronef étaient facturés par la société D.________ SA ("Standard Terms and Conditions", ch. 1.3). Les conditions spécifiques du contrat prévoyaient, sur les recettes encaissées par la société D.________ SA, les rétrocessions suivantes à l'assujettie, à titre de loyers : 
 
- pour les vols réalisés par des tiers: 85 % des recettes, nettes des éventuelles commissions d'intermédiaires; 
- pour les vols réalisés par les affréteurs clés de l'aéronef, désignés par le terme de "key charterers": 100 % des recettes sous déduction d'un montant de 100 fr. par heure de vol. Par "key charterers", les parties entendaient en particulier des personnes physiques proches de l'assujettie, ainsi que des cadres du groupe C.________ ou proches de celui-ci. 
Le contrat prévoyait en outre que la société D.________ SA obtiendrait l'accord préalable de l'assujettie pour tout vol charter. De plus, sur demande de l'assujettie, elle l'informerait de toute demande de vol formulée par un client charter potentiel. L'assujettie se réservait le droit, à son entière discrétion, d'approuver ou de refuser tout vol charter proposé par la société D.________ SA. Si l'assujettie n'informait pas cette dernière de son approbation ou de son refus d'un vol charter proposé dans les 24 heures dès la notification, le vol charter serait considéré comme refusé ("Standard Terms and Conditions", ch. 5.4). 
 
A.c. Le 8 mai 2012, la contribuable a présenté une demande de ruling à l'AFC concernant son droit de déduire, à titre d'impôt préalable, la TVA frappant l'importation de l'avion et les prestations de gestion de l'avion ("aircraft management") qui lui seraient facturées par la société D.________ SA. Elle relevait que, selon ses prévisions, l'avion effectuerait 200 heures annuelles de vol avec des passagers, dont 52 % pour des tiers indépendants, 28 % pour l'usage privé de proches et 20 % pour le groupe C.________. Le 13 juin 2012, l'AFC a consenti à la déduction de l'impôt préalable afférent aux vols effectués par des proches (sociétés du groupe et ayants droit économiques) "sous réserve d'une correction ultérieure en fonction de la pratique fiscale qui sera prochainement fixée et publiée par [l']administration".  
 
A.d. Par courrier du 30 janvier 2017, la contribuable a fait part à l'AFC de ce que l'usage effectif de l'avion "avait sensiblement différé de ce qui avait été anticipé".  
Le 9 mai 2017, l'AFC a indiqué à l'assujettie qu'elle considérait que sa structure était abusive car "totalement inadaptée à la réalité économique" et destinée à satisfaire en premier lieu les besoins privés des ayants droit économiques. Par conséquent, elle considérait que l'assujettie, pour les périodes fiscales de 2012 à 2016, ne pouvait récupérer l'impôt préalable qu'en proportion des vols commerciaux pour les sociétés du groupe C.________ et les tiers indépendants ("vols charters"). 
Tout en contestant cette position, la société a versé un montant de 1'350'000 fr. à l'AFC, sans que cela constituât une reconnaissance de la créance fiscale (courrier du 3 octobre 2017). 
 
A.e. Le 8 février 2018, sur la base d'un tableau fourni par la recourante du 30 août 2017, l'AFC a établi un décompte complémentaire n° xxx de 1'930'263 fr. en sa faveur à titre de correction de la déduction de l'impôt préalable pour les années 2012 à 2014. Le même jour, toujours sur la base du tableau et pour l'année 2015, l'AFC a établi un avis de crédit n° xxx de 579'574 fr. en faveur de l'assujettie à titre de dégrèvement de l'impôt préalable.  
 
A.f. À à la suite d'un contrôle portant sur les périodes fiscales du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017, l'AFC a émis deux notifications d'estimation en date du 23 janvier 2019 (estimation n° xxx de 885'703 fr., plus intérêt moratoire, pour les périodes fiscales de 2012 à 2016 et n° xxx de 17'110 fr., plus intérêt moratoire, pour la période fiscale 2017).  
La contribuable a, par courriel du 5 juin 2019, demandé l'annulation des notifications d'estimation n° xxx et n° xxx (pour l'année 2017), ainsi que le remboursement des montants de 1'350'000 fr. et 231'581 fr. versés avec réserve. Elle contestait n'avoir droit qu'à la récupération partielle de l'impôt préalable. 
 
A.g. Par décision du 27 mai 2020, l'AFC a fixé la créance fiscale due par l'assujettie, pour les périodes fiscales de 2012 à 2017. En conséquence, elle réclamait le montant de 905'902 fr. de TVA, plus intérêts moratoires.  
 
A.h. Statuant sur réclamation le 21 décembre 2021, l'AFC a partiellement admis la réclamation, dans la mesure de sa recevabilité. Elle a fixé la créance fiscale due par l'assujettie pour les périodes fiscales 2012 à 2017. En conséquence, elle a fixé à 901'036 fr. le montant dû à titre de solde de la TVA, plus intérêt moratoire.  
 
B.  
Par jugement du 6 novembre 2023, le Tribunal administratif fédéral, Cour I, a partiellement admis le recours de la société au sens des considérants 4 et 10 et l'a rejeté pour le surplus. En substance, il a considéré que le rappel d'impôt de la période fiscale 2012 était prescrit (consid. 4) et que la reprise d'un montant de 3'433 fr. au titre de prestations de transport imposable sur le territoire suisse n'était pas justifiée (consid. 10). 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA en liquidation conclut à l'annulation de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 6 novembre 2023 et à ce qu'il soit ordonné à l'AFC d'annuler la notification d'estimation n° xxx, ainsi que d'annuler "dans la notification d'estimation n° xxx [...] la reprise de CHF 12'681.00 au titre de la détermination par approximation de la correction de la déduction de l'impôt préalable lors de changements d'affectation partiels". Elle demande également le remboursement des montants de 1'350'000 fr. et 231'581 fr. "payés avec réserve" et, en tant que besoin, l'annulation du décompte complémentaire n° xxx et de l'avis de crédit n° xxx". 
L'AFC conclut au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) émanant du Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte. Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) par le destinataire de l'acte attaqué qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification, de sorte qu'il faut lui reconnaître la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF), le recours en matière de droit public est recevable, sous réserve de ce qui suit. 
 
2.  
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 141 IV 369 consid. 6.3). 
 
3.  
 
3.1. Le litige porte sur le montant que l'AFC réclame à la recourante au titre de la TVA à la suite d'une correction d'impôt portant sur les années 2013 à 2017. Est en particulier litigieuse la question de savoir si l'instance précédente était en droit de retenir que seul l'impôt préalable afférent aux charges des vols commerciaux pour les sociétés du groupe C.________ et pour des tiers indépendants ("vols charters") pouvait être admis pour les périodes fiscales litigieuses, à l'exclusion des vols correspondant à l'usage privé de l'aéronef pour les ayants droit économiques.  
 
3.2. C'est la loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA; RS 641.20), dans sa version en vigueur du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017, qui est applicable à la présente cause en fonction des périodes fiscales 2013 à 2017 encore litigieuses devant le Tribunal fédéral.  
 
4.  
La première question qui se pose est celle de la prescription, qui doit, selon la jurisprudence, être examinée d'office lorsqu'elle joue en faveur du contribuable (ATF 138 II 169 consid. 3.2; 133 II 366 consid. 3.3; 73 I 125 consid. 1; cf. en matière de TVA: arrêts 2C_853/2021 du 12 mai 2022 consid. 3; 2C_402/2021 du 10 novembre 2021 consid. 3). 
En vertu de l'art. 42 al. 6 LTVA, le droit de taxation se prescrit dans tous les cas par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pendant laquelle la créance est née (art. 42 al. 6 LTVA). En l'espèce, la prescription absolue de dix ans est atteinte pour la période fiscale 2013. Le recours sera dès lors admis sur ce point. 
 
5.  
 
5.1. Après avoir constaté que le rappel d'impôt concernant l'année 2012 devait être annulé car frappé de prescription, l'instance précédente a constaté que l'analyse portant sur les conditions de l'évasion fiscale ne devait porter que sur les vols effectués par des proches de la société et non sur les "vols charters pour tiers" et les "vols commerciaux de proches". Elle a retenu que la recourante s'était assurée de nombreuses prérogatives (selon les termes du contrat) en ce qui concernait l'utilisation de l'aéronef. Pour les vols réalisés par les "key charterers" (soit les personnes physiques proches de la société, ainsi que les entités du groupe C.________ ou proches de celui-ci), D.________ SA ne percevait qu'une somme de 100 fr. par heure de vol et les recettes liées à ce type de vol devaient être reversées à 100 % à la recourante, et donc aux ayants droit économiques de celle-ci. En d'autres termes, ces derniers récupéraient pratiquement l'ensemble du prix de transport payé à l'opérateur D.________ SA. Ensuite, le contrat avait été conclu dans un esprit d'usage régulier et durable de l'aéronef par les ayants droit économiques, reléguant à l'arrière-plan l'affrètement "charter", ce que la répartition effective des vols entre les diverses catégories montraient du reste concrètement. À ce sujet, les premiers juges ont considéré que les avantages concédés à la recourante ne reflétaient pas les standards du marché. L'AFC était dès lors parvenue de manière convaincante à la conclusion que l'aéronef avait été utilisé de manière significative à des fins commerciales (pour le groupe C.________ et des tiers), mais également de manière importante et permanente pour les besoins privés des ayants droit économiques qui jouissaient d'un usage prioritaire. À cela s'ajoutait que les déficits structurels récurrents de la recourante l'auraient "acculée à la faillite" sans le soutien financier de ses ayants droit économiques qui trouvaient un intérêt dans le maintien de l'avion pour leur usage; il en découlait que le but entrepreneurial de la recourante était relégué au second plan au gré des opportunités de commercialisation de l'aéronef et seulement lorsque ce dernier n'était pas utilisé par les ayants droit économiques. Par conséquent, la construction utilisée par la recourante apparaissait comme insolite en ce qui concernait les vols répondant aux besoins privés de ses ayants droit économiques.  
En ce qui concerne la condition subjective de l'évasion fiscale, le Tribunal administratif fédéral a retenu que le choix de la recourante avait été opéré dans le seul but d'économiser des impôts. En effet, elle n'avait pas été en mesure de justifier son choix dans un autre but que celui-là, en relation avec l'utilisation privée de son aéronef. En particulier, la recourante ne pouvait être suivie lorsqu'elle invoquait que la structure choisie avait été dictée par des considérations légales et de bonnes pratiques. 
En outre, sous l'angle de l'économie notable d'impôt, la correction proportionnelle de l'impôt préalable afférent aux vols privés des ayants droit économiques effectuée par l'AFC impliquait que la recourante avait bénéficié d'une substantielle économie d'impôt. 
En définitive, les trois conditions relative à l'évasion fiscale (cf. ATF 148 II 233 consid. 5.2) étaient remplies. 
 
5.2. Par ailleurs, le Tribunal administratif fédéral a considéré que la solution serait similaire s'il appliquait les principes posés par l'ATF 149 II 53 (sur lesdits principes, cf. consid. 6.2 infra). En effet, conformément à cette jurisprudence, on devait considérer que les vols privés effectués par les ayants droit économiques et dépassant très largement les 20 % de l'utilisation totale de l'avion ne pouvaient plus être considérés comme faisant partie de l'activité commerciale de la recourante. Les vols en question ne rentreraient donc pas dans le champ d'application de la TVA et ne donneraient pas droit à la déduction de l'impôt préalable.  
 
5.3. Enfin, les premiers juges ont considéré que l'art. 26 de l'ordonnance du 27 novembre 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (OTVA; RS 641.201), invoqué par la recourante, "n'avait aucune influence sur l'application de la théorie de l'évasion fiscale en matière de TVA" d'une part, et que cette disposition n'avait "plus de portée s'agissant de la nouvelle approche développée par le Tribunal fédéral" dans sa jurisprudence publiée aux ATF 149 II 53 d'autre part.  
 
6.  
 
6.1. On rappellera que la Confédération perçoit une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à chaque stade du processus de production et de distribution (art. 1 al. 1 LTVA). Sont notamment soumises à TVA les prestations fournies sur le territoire suisse par des entreprises assujettie moyennant une contre-prestation, à moins que la loi ne l'exclue (art. 1 al. 2 let. a et 18 al. 1 LTVA; ATF 142 II 488 consid. 2.3.1). Une prestation consiste dans le fait d'accorder à un tiers un avantage économique consommable dans l'attente d'une contre-prestation (art. 3 let. c LTVA). Elle peut aussi bien prendre la forme de livraisons de biens que de prestations de services (art. 3 let. d et e LTVA). Quant à la contre-prestation, elle représente la valeur patrimoniale que le destinataire de cette prestation, ou un tiers à sa place, remet en contrepartie (art. 3 let. d à f LTVA).  
 
6.2. Dans un arrêt publié aux ATF 149 II 53, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique en matière de TVA en lien avec des sociétés détentrices d'aéronefs. Il a jugé qu'avant de se poser la question de savoir si les conditions de l'évasion fiscale s'agissant de telles sociétés propriétaires d'avions étaient réalisées, il fallait au préalable examiner si la société en cause était assujettie subjectivement à l'impôt et dans quelle mesure ses prestations pouvaient être considérées comme une activité commerciale donnant droit à la déduction de l'impôt préalable (ATF 149 II 53 consid. 5). Selon l'ancien droit de la TVA, était assujetti subjectivement à l'impôt quiconque exerçait de manière indépendante une activité commerciale ou professionnelle en vue de réaliser des recettes, même s'il n'y avait pas de but lucratif, dans la mesure où ses livraisons, ses prestations de services et sa consommation propre sur le territoire suisse dépassaient globalement 75'000 fr. par an (art. 21 al. 1 aLTVA). Bien que l'ancien droit de la TVA, à la différence du droit actuel (cf. art. 10 al. 1bis let. a LTVA), ne présupposât pas expressément que la réalisation de recettes devait être durable, ce critère était, selon la jurisprudence, déjà inclus dans la notion d'activité commerciale ou industrielle (ATF 149 II 53 consid. 6.1). Sur ce point, il n'existait aucune différence avec le droit en vigueur (ATF 141 II 199 consid. 4.2; ATF 138 II 251 consid. 2.4.3).  
En outre, seule la personne qui fournissait des prestations qui étaient (objectivement) imposables pouvait être (subjectivement) assujettie à l'impôt. Une prestation imposable au sens de l'art. 5 let. a et b aLTVA présupposait un échange de prestations ("Leistungsaustauch"; selon la terminologie du nouveau droit: un rapport de prestations, "Leistungsverhältnis"); si ce rapport faisait défaut, l'activité n'était pas pertinente du point de vue de la TVA et n'entrait pas dans son champ d'application (ATF 149 II 53 consid. 6.1 et les références). 
Un échange de prestations était également possible entre personnes proches. La loi (cf. art. 33 al. 2 aLTVA; cf. aussi art. 24 al. 2 LTVA) partait également de ce principe lorsqu'elle stipulait qu'en cas de livraisons ou de prestations de services à une personne proche, la contre-prestation devait être corrigée si nécessaire, dans la mesure où elle ne correspondait pas à la valeur qui aurait été convenue entre des tiers indépendants. L'activité des sociétés propriétaires d'avions ne pouvait toutefois pas être qualifiée de commerciale dans la mesure où elle était utilisée pour satisfaire les besoins privés de l'ayant droit économique ou de personnes proches. Dans cette mesure, l'activité n'était pas orientée vers la réalisation d'un chiffre d'affaires; il manquait en outre à cette activité la durabilité nécessaire pour pouvoir exister économiquement. Or si cette activité n'entrait pas dans le champ d'application de la TVA, le transport effectué par l'ayant droit économique ou par des personnes proches ne constituait pas un but commercial au sens de l'art. 38 al. 1 aLTVA. Partant, la déduction de l'impôt préalable n'était pas admise, même si, considéré isolément, un tel transport présentait les caractéristiques d'une livraison ou d'une prestation de services (ATF 149 II 53 consid. 6.2). 
Le Tribunal fédéral a inféré de ce qui précède que les transports effectués par l'ayant droit économique ou par des personnes qui lui sont proches à des fins privées ne peuvent être considérés comme faisant partie d'une activité commerciale donnant droit à la déduction de l'impôt préalable que s'ils ne représentent qu'une part minime de l'utilisation totale de l'avion. Reprenant la pratique de l'AFC selon laquelle une utilisation privée d'un avion allant jusqu'à 20 % n'est pas "préjudiciable" ("safe harbour"; cf. Info TVA 11 concernant le secteur Transport aérien, 2021, ch. 13.4), le Tribunal fédéral a retenu que ce seuil est déterminant. Par conséquent et à l'inverse, soit lorsque cette valeur est dépassée, l'ensemble de l'utilisation de l'avion à des fins privées par l'ayant droit économique et les personnes proches sort du champ d'application de la TVA et ne donne pas droit à la déduction de l'impôt préalable (ATF 149 II 53 consid. 6.2 et les références). 
 
7.  
La recourante soutient en substance que l'ATF 149 II 53, qui concernerait des périodes fiscales 2006 à 2009, ne pourrait pas être appliqué à la présente cause. En effet, sa situation porterait sur les années fiscales 2013 à 2017 et les art. 28 al. 1 LTVA et 26 OTVA, entrés en vigueur après 2009, ainsi que la jurisprudence publiée aux ATF 142 II 488 (infra consid. 8.2), auraient rendus caducs les principes de l'ATF 149 II 53 pour les périodes fiscales à partir de 2009 et postérieures. Elle allègue exercer uniquement une activité entrepreneuriale au sens de l'art. 28 al. 1 LTVA tel qu'interprété par l'ATF 142 II 488, de sorte qu'il y aurait lieu de déduire l'impôt préalable litigieux. 
 
8.  
 
8.1. Selon l'art. 28 al. 1 LTVA, sous réserve des art. 29 et 33, l'assujetti peut déduire l'impôt préalable dans le cadre de son activité entrepreneuriale, dont l'impôt grevant les opérations réalisées sur le territoire suisse qui lui a été facturé (let. a; cf. aussi arrêt 2C_359/2016 du 4 octobre 2016 consid. 3.2.1).  
 
8.2. Dans son arrêt publié aux ATF 142 II 488 (résumé dans les arrêts 9C_651/2022 du 5 octobre 2023 consid. 3.2.2 et 2C_359/2016 du 4 octobre 2016 consid. 3), le Tribunal fédéral a précisé les conditions permettant la déduction de l'impôt préalable au sens de l'art. 28 LTVA. Il a notamment considéré qu'une entreprise peut exercer une activité dans un domaine non entrepreneurial ("nicht-unternehmerischer Bereich") aux côtés d'une activité entrepreneuriale ("unternehmerischer Bereich"). Un tel domaine ne peut toutefois pas être admis à la légère. Pour qu'une entité juridique soit soumise à l'impôt, elle doit exploiter une entreprise au sens de la TVA. Si tel est le cas, il existe de par la loi un domaine entrepreneurial. Celui-ci représente une unité économique à laquelle doivent être attribuées toutes les activités qui présentent un lien avec l'activité entrepreneuriale. Les investissements et les dépenses grevés de l'impôt préalable en font partie (ATF 142 II 488 consid. 3.3.2; arrêt 9C_651/2022 du 5 octobre 2023 consid. 3.2.2 et les références). Selon le principe de "l'unité de l'exploitant de l'entreprise", l'assujettissement de l'entité juridique se rapporte à toutes les unités de l'entreprise, soit, en plus de l'établissement principal, à toutes les succursales suisses ("Single-entity-Prinzip"). Le principe de "l'unité de l'entreprise" signifie que les chiffres d'affaires correspondants des unités de l'entreprise sont soumis à l'impôt (ATF 142 II 488 consid. 3.3.2; arrêt 9C_651/2022 du 5 octobre 2023 consid. 3.2.2 et les références).  
Suivant la doctrine citée (consid. 3.3.3 de l'ATF 142 II 488), le Tribunal fédéral a considéré qu' un éventuel domaine non entrepreneurial se caractérise par le fait que l'unité d'entreprise concernée ne génère pas du tout de recettes provenant de prestations ou que celles-ci ne sont pas durables. On ne peut donc considérer qu'il existe un domaine non entrepreneurial autonome que si la séparation est suffisamment claire, que ce soit en raison d'une activité clairement séparée et reconnaissable de l'extérieur ou d'un but clair qui diffère de celui de l'activité entrepreneuriale. Si ce n'est pas le cas, le principe de "l'unité de l'entreprise" veut qu'il n'y ait qu'un seul domaine, à savoir l'entreprise. L'analyse ainsi mise en évidence s'effectue au cas pas cas (ATF 142 II 488 consid. 3.3.3; arrêt 9C_651/2022 du 5 octobre 2023 consid. 3.2.3 et les références). S'il existe un domaine non entrepreneurial autonome qui n'a plus rien à voir avec l'activité entrepreneuriale, c'est à l'AFC de prouver ce fait qui est propre à entraîner une augmentation de la charge fiscale selon la répartition du fardeau de la preuve prévalant en matière de droit fiscal (9C_651/2022 du 5 octobre 2023 consid. 3.2.4 et les références). 
 
8.3. Le Tribunal fédéral a ainsi eu l'occasion d'appliquer les principes exposés ci-avant dans une situation dans laquelle étaient en cause une activité exercée en lien avec des représentations musicales d'une part, et une activité de vente de produits alimentaires d'autre part. Il a jugé que les représentations musicales constituaient un domaine non entrepreneurial clairement séparé du reste de l'activité entrepreneuriale du contribuable, si bien que l'instance précédente avait à juste titre confirmé la correction des impôts préalables en conséquence (cf. arrêt 9C_651/2022 du 5 octobre 2023 consid. 3.4.2).  
 
9.  
 
9.1. En premier lieu et quoi qu'en dise la recourante, les considérants de l'ATF 142 II 488 (supra consid. 8.2) relatif à l'art. 28 LTVA n'excluent pas, en l'espèce, l'application des principes posés par l'ATF 149 II 53.  
En effet, ni le Tribunal administratif fédéral ni l'intimée ne considèrent, à raison, que la recourante exercerait une activité non entrepreneuriale dans le contexte de l'exploitation de l'aéronef qu'elle détient, en parallèle à une activité entrepreneuriale. Il s'ensuit que les principes de l'ATF 142 II 488 auxquels se réfèrent la recourante (en lien avec l'art. 26 OTVA) pour en déduire qu'elle n'a qu'une activité entrepreneuriale et qu'en présence d'un rapport de prestations, un secteur d'activité non entrepreneurial n'entre pas en ligne de compte, ne lui sont d'aucun secours. 
 
9.2. Se pose ensuite la question de savoir si une correction de l'impôt préalable doit être effectuée, alors même que l'activité de la recourante revêt un caractère exclusivement entrepreneurial.  
 
9.2.1. À titre liminaire, on constate que la recourante ne conteste pas le raisonnement et les constatations des premiers juges selon lesquels l'ampleur des vols privés, ici seuls en cause, dépassait largement les 20 % de l'utilisation totale de l'avion (2014: 63 %; 2015: 46 %; 2016: 51 % et 2017: 48,5 %).  
 
9.2.2. À l'inverse de ce que prétend la recourante, les principes posés par l'ATF 149 II 53 sont toujours applicables dans le cadre de la LTVA. En effet, à l'instar de l'art. 38 al. 1 aLTVA, l'art. 28 al. 1 LTVA ne permet la déduction de l'impôt préalable que lorsqu'il se trouve en lien avec l'activité entrepreneuriale de la personne assujettie (supra consid. 8.1). En d'autres termes, la condition principale pour la déduction de l'impôt préalable est l'affectation à l'activité entrepreneuriale (cf. ATF 142 II 488 consid. 2.3.5; sur le recoupement dans une large mesure des critères de l'"activité entrepreneuriale" au sens de la LTVA et de la "justification par l'usage commercial" au sens de la LIFD, cf. ATF 142 II 488 consid. 3.6).  
On constate à cet égard que la recourante ne remet aucunement en cause le seuil des 20 % posé par l'ATF 149 II 53 (supra consid. 6.2) et il n'existe aucune raison de s'en écarter dans le cadre de la LTVA (dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 2009). Partant et e n application de cette jurisprudence, les vols en question n'entrent pas dans le champ d'application de la TVA car ils dépassent largement le seul précité de 20 % (supra consid. 9.2.1). En conséquence, ils ne donnent pas le droit à la déduction de l'impôt préalable sur la base de l'art. 28 LTVA. Cette conclusion ne remet en cause ni l'existence d'une "entreprise" au sens de la LTVA ni encore l'absence d'un domaine non entrepreneurial, en l'espèce (supra consid. 9.1), puisque seul est déterminant le fait que la correction opérée par l'intimée, et confirmée par l'instance précédente, se fonde sur la circonstance que les dépenses litigieuses grevées de l'impôt préalable ne sont pas liées à l'activité entrepreneuriale de la recourante. Cette correction intervient "à l'intérieur" de l'activité entrepreneuriale (cf. en ce sens, ATF 142 II 488 consid. 2.3.5; IVO BAUMGARTNER/DIEGO CLAVADETSCHER/MARTIN KOCHER, Vom alten zum neuen Mehrwertsteuergesetz, 2010, § 7 n° 4 p. 192) et ce directement sur le fondement de l'art. 28 LTVA
 
9.3. L'application des principes de l'ATF 149 II 53 conduit à confirmer la correction de l'impôt préalable pour les années 2014 à 2017; il n'y a donc pas lieu d'examiner les autres griefs de la recourante en relation avec l'évasion fiscale.  
 
10.  
 
10.1. Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission partielle du recours en tant qu'il concerne la période fiscale 2013 et à son rejet pour les périodes fiscales 2014 à 2017.  
 
10.2. N'obtenant que partiellement gain de cause, la recourante doit supporter une partie des frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF). En fonction du montant des créances prescrites pour la période fiscale 2013 en relation avec celui des créances relatives aux périodes 2014 à 2017, la recourante supportera des frais de la procédure réduits d'un tiers devant le Tribunal fédéral. Il n'est en revanche pas perçu de frais judiciaires auprès de l'autorité intimée puisque l'admission partielle du recours repose sur la survenance de la prescription durant la procédure devant le Tribunal fédéral. Pour la même raison, les dépens réduits à allouer à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF) seront pris en charge par la Caisse du Tribunal fédéral. Étant donné que la prescription de la créance fiscale relative à la période fiscale 2013 n'était pas encore acquise au moment où l'arrêt attaqué a été rendu et que, sans la survenance de la prescription, le recours aurait également dû être rejeté pour cette période, il convient de renoncer à une nouvelle répartition des frais et indemnités en instance précédente (arrêts 2C_998/2021 du 12 mai 2022 consid. 10; 2C_137/2011 du 30 avril 2012 consid. 5.2 non publié in ATF 138 II 169).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du 6 novembre 2023 du Tribunal administratif fédéral, Cour I, est annulé en tant qu'il porte sur la période fiscale 2013, étant constaté que le droit de taxation de la TVA pour la période fiscale 2013 est prescrit. Il est confirmé pour le surplus, le recours étant rejeté en lien avec les périodes fiscales 2014 à 2017. 
 
2.  
Les frais judiciaires réduits, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à raison de de la recourante. 
 
3.  
Une indemnité de dépens réduite, arrêtée à 1'000 fr., à la charge de la Caisse du Tribunal fédéral, est allouée à la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lucerne, le 24 juin 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser